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Il eft inutile de s'étendre fur Homere & fur Virgile, principalement en Angleterre, où à peine trouve-t-on unGentilhomme qui ignore le Latin & le Grec. Ceux d'ailleurs qui ne peuvent lire Homere dans l'original, peuvent lire la traduction de M. Pope, & y_appercevoir le feu de cePere desPoëtes, comme réflechi dans un miroir poli & fidele ; aucune des beautez d'Homere n'eft perdue dans cette belle traduction, & la plus grande partie de fes fautes y eft corrigée ou diminuée.

Que chaque lecteur lorsqu'il lit Homere, fe confulte lui-même & remarque l'effet que cet Auteur produit fur fon efprit:

alors il jugera fi Homere a atteint la perfection de l'Art, en autre chofe que dans la maniere de peindre avec force; ce qui fait fon caractere & fon mérite particulier.

Malgré la jufte vénération qu'on a pour Homere, il est affez étonnant que parmi les plus fçavans & les plus zelez admirateurs de l'antiquité,on en trouve à peine un,qui ait lû l'Iliade avec le même empreffement & le même genre de plaifir,que les femmes lifent Zaïde. Quant au commun des lecteurs qui font à la verité moins familiers avec les Lettres, mais qui ont peut être autant d'efprit & de bon fens il y en a très péu qui ayent pû lire toute l'Iliade, dans une bon ne traduction, fans fentir du dégoût & de l'ennui: plufieurs

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même en ont

entierement

abandonné la lecture après le quatrième ou le cinquiéme Livre.Comment donc peut il arriver, qu'Homere ait tant d'admirateurs & fi peu de lecteurs & foit tout à la fois adoré & négligé?

Je vais tâcher d'éclaircir ce paradoxe : la plupart des hommes font plûtôt éblouis de la réputation d'Homere, que frappez du merite de fes ouvrages. Les perfonnes judicieuses admirent fans doute la feconde imagination de ce grand Auteur; mais il y en a peu qui foient affez au deffus du préjugé pour se pouvoir tranfporter dans les tems reculez, & fe rendre en quelque forte contemporains d'Homere, lorfqu'ils le lifent. Le bon fens les porte à avoir

de l'indulgence pour les mœurs de l'antiquité; mais il ne peut les porter à goûter ces mœurs peintes dans les ouvrages d'Homére; les raïons de fa lumiere frapent leurs yeux de trop loin, pour leur caufer autre chofe qu'un foible & fombre crepufcule, fans aucune chaleur. Nous reffemblons à ces vieillards qui formoient le Confeil de Priam; ils admiroient la beauté d'Helene fans rien fentir pour elle.

Une autre raifon de notre dégoût eft l'uniformité qui re gne dans les ouvrages d'Homere. Il n'eft parlé que de Batailles dans les trois quarts de l'Iliade. Cette couleur dominante fatigue & rebute un lecteur médiocrement touché de la diverfité des teintes & des ombres, apperçûë feulement par les vûes fines.

Le

Le Poëme de l'Iliade eft certainement trop long, mais il n'y a gueres de Poëme Epique qui n'ait ce défaut. La Poëfie Epique eft le fruit d'une ima❤ gination forte, & une imagination forte eft fujette à fe déborder.

Je ne parlerai point de toutes les querelles excitées pas les ennemis d'Homere fur quelques endroits de fon Iliade qui peuvent bien être les objets de notre critique, mais qui ne font pas affez défectueux pour être appeliez abfolument mauvais. Ses Dieux font peut-être en même-tems abfurdes & ridicules; ils font neanmoins auffi amufans que les extravagances de l'Ariofte, qui nous caufent un efpece d'enchantement. A l'égard de fes autres fautes, la

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