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étoient communes à l'Auteur Grec, & à l'Auteur Latin; fi celui-ci a puifé dans la même fource, ce n'eft point aux dépens de celui-là. Il eft vrai qu'il s'eft approprié quelques endroits de l'Iliade & de l'Odiffée, & qu'il en a emprunté quelques defcriptions & quelques comparaifons; mais on peut dire que ce grand génie pouvoit s'en paffer & n'en pouvoit retirer qu'une gloire mediocre. C'eft plûtôt un honneur qu'il a fait à Homere, qu'une preuve du befoin qu'il avoit de fon fecours.

Il eft plaifant de voir des Critiques s'applaudir de la découverte des prétendus larcins de Virgile. Ceux qui prennent les armes contre lui en faveur d'Homere, & qui facrifient le plaifir d'être amufez par tous les deux

= à celui d'élever l'un fur les ruines de l'autre, soutiennent que Didon eft d'après Calipfo, qu'Enée ne descend aux enfers qu'à l'exemple d'Ulyffe, & ainfi du refte: mais que le lecteur compare ces prétendues copies à l'original fuppofé, il y trouvera une difference confiderable.

La paffion de Didon, fes malheurs, fa mort que Virgile établit comme la fource de la haine qui anima dans la fuite Carthage contre Rome:Anchife ti rant du fein des tems la destinée de l'Empire Romain qu'il révele à fon fils; ces beautez, ne font afsurement point dûës à l'ïmitation d'Homere. Ce n'eft pas en effet le propre d'un grand génie d'être copifte. Où Virgile eft grand, c'eft lui-même; mais dans ces petits endroits emprun

tés d'Homere, il eft le plus fouvent au-deffous de fon Origi nal; & c'est une jufte punition, pour avoir captivé la liberté de fon génie, & l'avoir avili par une fervile imitation.

Quelques critiques vont plus loin, & foûtiennent qu'il a copié fon fecond livre d'après Pisandre & fon quatrième d'après Apollonius. Mais tout cela peut être hardiment nié ; le second & le quatrième livre de l'Eneide font de trop grands chef-d'œuvres de l'Art pour être des copies. C'eft ainfi que quelques perfonnes difent que Milton a pris fon Poëme dans un Auteur Comique d'Italie, nommé Andreino. Après tout,que fert une recherche fi frivole? Ce n'eft pas la perfonne de Virgile, mais l'Eneide que nous admirons. Que

le deuxième ou le quatriéme livre appartiennent à Pifandre, à Apollonius, à Virgile ou à quelque autre, le nom de l'Au teur n'augmente ni ne diminuë les beautés de l'Ouvrage. Que Macrobe & d'autres critiques s'amufent à déclamer follement contre les Lettres qui compo. fent le nom de Virgile, fes ouvrages ne feront pas moins les délices de tous les fiecles & le modele de tous les Poëtes.

On lui objecte encore, qu'on ne trouve pas dans fon Poëme tant de Héros que dans celui d'Homere, où Ajax, Diomede, Idomenée font des caracteres brillans: au lieu que le fidele Achate, le fort Gias, & le magnanime Cloanthe font des perfonnages oififs & fteriles, qui ne fervent qu'à remplir de

leurs noms la mesure de quelques vers.

Je ne fuis pas éloigné de croire qu'une pareille objection est avantageufe à l'Eneide. Virgile chante les actions d'Enée, & Homere l'oifiveté d'Achile. Le Poëte grec eft dans la néceffité de fuppléer à l'abfence de fon premier Héros, & d'en 'amener fur la Scene plufieurs autres; mais ce qui eft judicieux dans l'Iliade eût été déplacé dans l'Eneide.Virgile connoiffoit trop fon Art, pour affoiblir le principal caractere de fon Poëme, & perdre fon premier Heros dans la foule de plufieurs autres indifferens à l'action principale. Il a trouvé le fecret de fixer notre attention & notre fenfibilité à la feule perfonne d'Enée. Il nous interreffe pour lui, en l'offrant

fans

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