OBSERVATIONS

Sur la Manganèfe.

Si l'on prend un verre très-blanc &

très-tranfparent, dans la compofition duquel la manganèse soit entrée ; qu'on pile ce verre dans un mortier d'agate ave un pilon de même matiere; qu'on tamise ce verre bien fin; qu'on y mêle enfuite du nitre en poudre, & qu'après avoir bien trituré le mêlange, on l'expofe dans un creufet fimplement couvert, de peur que les charbons n'y tombent ; qu'on faffe un bon feu de charbon autour de ce creufet; on verra cette compofition, à mesure qu'elle fe fondra, devenir d'un rouge obfcur, & ce rouge s'éclaircira & deviendra plus transparent, à mesure que le feu fera continué plus long-temps; & même fi l'on tient la compofition fous le four d'une fayancerie pendant la cuiffon de la fayance, cette couleur rouge fe trouvera tout-à-fait dissipée.

Si l'on fait la même opération que ci-deffus fur un morceau de verre blanc, dans la compofition duquel la mànganèfe ne foit point entrée le verre fe fondra & ne prendra aucune couleur rouge; on ne peut donc pas dire que la manganèfe avoit blanchi ce verre, parce qu'en s'évaporant elle avoit emporté les parties qui coloroient ce verre. Cette expérience a déjà été faite par Chriftophe Grummet, dont la differtation fe trouve dans la traduction Françoise de l'art de la verrerie de Kunckel, p. 552.

On voit aifément par cette expérience, qui a été répétée un grand nombre de fois, toujours avec le même réfultat, que la manganèfe n'avoit point rendu blanc le verre que l'on a employé, en s'évaporant & en emportant avec elle ce qui coloroit le verre, puifque la couleur rouge fe retrouve dans ce ce verre lorfqu'on le fond pour la feconde fois avec du nitre.

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D'un autre côté, il eft conftant par l'expérience des verriers, que fi l'on tient trop long-temps en fufion un verre dans la compofition duquel la manga

nèfe eft entrée ; que ce verre qui auroit été bleuâtre fans la manganèfe, reprend cette même couleur après être devenu blanc ce qui a fait dire encore aux verriers que le trop long feu avoit fait évaporer la manganèfe. Il feroit à defirer d'effayer un morceau de ce verre, & de le fondre de nouveau avec du nitre, pour voir fi dans cet état le nitre lui donneroit une couleur rouge au commencement de la fonte lorfqu'on le remet en fufion.

Quoique tous les Auteurs aient prétendu que la manganèfe contenoit du fer, M. Pott a donné une differtation fur la manganèfe, qu'on trouve dans le troifieme volume de la traduction Françoise de ses Œuvres, p. 523, à la fin de laquelle il conclut que les anciens préjugés fur la nature ferrugineufe de ce minéral, font entièrement détruits.

Voici cependant une expérience qui pourroit prouver le contraire; on a mis de l'efprit de vitriol fur de la manganèfe en poudre ; on a laiffé digérer le tout fur les cendres chaudes; on l'a étendu dans de l'eau que l'on a

filtrée; on a enfuite verfé dans cette eau de l'alkali fulfuré goutte à goutte, & il s'eft précipité un beau bleu de Pruffe en affez grande quantité.

On voit par cette expérience que fi l'on prétend que c'eft le fer qui fait le bleu de Pruffe, on ne peut pas nier que la manganèfe n'en contienne; cependant ce minéral ne donne point la couleur verte au verre, ce que fait le fer; il paroît au contraire la détruire, ou tout au moins la masquer.

Soient deux prifmes creux dont l'un foit rempli d'un liqueur rouge, & l'autre d'une liqueur bleue : fi on les adapte l'un fur l'autre, les deux liqueurs paroîtront noires, parce que le prifme rouge n'admettant que les rayons rouges, ces rayons ne peuvent paffer au travers du prisme bleu qui n'admet que les rayons bleus ; ces deux couleurs jointes ensemble ne doivent donc former aucune couleur, & le tout doit paroître noir.

Il fuffit donc dans les corps tranfparents, dont on veut détruire la couleur, d'interpofer en un corps un autre corps auffi tranfparent, qui contienne

une des trois couleurs primitives, différente de celle qu'on veut détruire. Lorsqu'on met de la manganèse dans le verre on introduit une couleur rouge dans le verre, & c'est comme fi l'on interpofoit à un corps tranfparent coloré, un autre corps tranfparent chargé d'une couleur primitive rouge. Le même raisonnnement a lieu à l'égard du jaune.