Les démarches tendantes à cette confédération occafionnerent une déclaration authentique de la Czarine, que je vais vous tranfcrire ici, comme une piece très curieufe & très impor

tante.

Vous avez vu, Monfieur, dans ces der niers temps, non feulement les Polonois, mais encore toute l'Europe s'étonner du langage que tenoient publiquement à Warfovie les Miniftres de la Czarine on l'a regardé comme la nouveauté la plus finguliere, & comme la fuite d'un fyftême tout récent qu'on im putoit aux circonftances actuelles, & aux perfonnes qui rempliffent aujourd'hui les premieres places.

Ce langage, Monfieur, qui n'annonce au fond que l'afferviffement total de la Pologne à l'influence prépondérante & irréfiftible des Mofcovites, eft préci fément celui que tenoit il y a trente-fix ans la Czarine Elifabeth, & qui pis eft,

celui qu'elle a toujours foutenu par les effets: voici mot à mot sa déclaration.

Déclaration publiée à Warfovie en 1745.

» Comme Sa Majefté Impériale de » toutes les Ruffies, en vraie alliée, » ne ceffe de prendre part non feule»ment à la profpérité & au repos de » la République de Pologne, mais auffi » à la confervation de fa liberté & de » fes droits, & cela tant à caufe du bon voifinage, qu'en confidération de l'a» mitié qui fubfifte heureusement depuis tant d'années, & des étroits en»gagements dans lefquels fe trouve » Sadite Majefté avec Sa Majesté le Roi & la République; ce n'eft qu'a» vec bien du déplaifir que Sa Majefté Impériale vient d'apprendre que par ci, par là, il y ait des traces & indices d'une fciffion & confédération qu'on » trame dans la République; de forte

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» ici connoître combien il lui feroit défagréable, fi dans un Royaume voifin, de pareils défordres & troubles » devoient être excités.

"Sa Majesté Impériale, fuivant ce qui eft dit ci-deffus, eft trop intéreffée dans tout ce qui concerne la fureté » de Sa Majesté le Roi, comme auffi » le repos, le bien & la liberté de la République, pour pouvoir regarder » avec indifférence qu'il y fût effective»ment porté quelque altération ou at

teinte ainfi Sa Majefté Impériale, » pour donner une nouvelle marque de » ses sentiments pacifiques, & de l'a· » mitié fincere qu'elle a pour Sa Majesté » le Roi & la République, a enjoint à fes Miniftres plénipotentiaires qui ré»fident ici de déclarer par la préfente à » Sa Majefté le Roi & la République, » & d-affurer de la maniere la plus for»te, qu'elle ne fouffrira jamais la moin» dre confédération, trouble ou inno

»vation contre la perfonne facrée de "Sa Majefté le Roi, ou contre la République, de même que contre fa li. »berté & fes droits, de qui, par qui, » & fous quelque prétexte qu'ils puiffent être fufcités, & que bien au contraire, Sadite Majefté Impériale, » pour y obvier de toutes fes forces, » ne manquera pas de prendre en » conféquence les mefures convena»bles.

Vous voyez, Monfieur, que ce texte eft trop clair pour avoir befoin de longs. commentaires. Le fyftême des Mofcovites authentiquement déclaré dès 1745, étoit donc, qu'après avoir donné par la force de leurs armes, en 1733, à la Pologne un Roi tel qu'il convenoit à leurs intérêts, le voisinage, l'alliance avec la République, & les engagements étroits pris avec ce Roi de leur création, les autorifoient à fe mêler dans toutes les

prendre toutes les mefures qu'ils jugeoient convenables pour empêcher les troubles & le confédérations.

Remarquez bien, je vous prie, avec quelle adreffe la Czarine & fon ministere fe rendoient à la face de toute l'Europe les arbitres abfolus de toute la Pologne, & fe ménageoient des prétextes pour prendre le parti qu'ils jugeroient pour le moment le plus convenable à leurs deffeins.

Ils fe rendent garants continuels des droits du Roi d'une part, & de la liberté publique de l'autre; or dans l'Etat de la Nation Polonoife c'est un titre affuré pour avoir toujours des Sentences à pro. noncer & à foutenir à main armée.

En effet, Monfieur, les prétentions que la Nobleffe appelle droits de la li berté, & celles que les Rois défendent de leur mieux, comme droits du Trône, ou comme néceffaires à leur propre fureté personnelle, forment un choc fenfible & continuel.