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No. II I.

LES Soirées Helvétiennes, Alfaciennes & Francomtoifes, un volume in-12 de 410 pages. A Paris, chez Delalain, Libraire, rue & à côté de la Comédie Françoife, 1771.

CE Recueil des diverfes idées poétiques ou philofophiques, qui se sont préfentées à l'Auteur', & qu'il a jettées fur le papier dans le cours d'un voyage en Suiffe, eft une fuite de tableaux où l'on remarque une imagination vive, un cœur fenfible, l'amour des hommes, & plufieurs vues politiques très faines & très juftes.

Il est aisé de s'appercevoir que l'Auteur eft jeune, quoiqu'il ne le dife pas, comme tant d'Ecrivains qui ont grand foin de fe vanter de la jeuneffe que fou

fer les défauts qu'ils ont réellement. On voit encore qu'il eft d'un état diftingué & qu'il a été maniéré dans les compa gnies brillantes de la Capitale. Peutêtre en toute févérité feroit-il à fouhai-ter qu'on ne pût pas faire ces obferva tions; mais il feroit bien dur de les prendre en mauvaise part, tandis que le feul fentiment qu'elles laiffent dans l'ame eft: le defir de voir tous nos jeunes militaires qui vivent dans le grand monde, auffi inftruits, auffi aimables, & auffi efti mables que l'Auteur.

Il commence par des obfervations gé☛ nérales fur les voyages. Les Voyageurs vont ramaffer des faits & des matériaux pour les Philofophes, s'ils voient mal ou s'ils expofent mal ce qu'ils ont vu, les Philofophes font de faux calculs. Il faut donc être děja instruit, pour voya. ger afin de s'inftruire. Il le faut encore, fi l'on ne veut pas nuire à la réputation de fes compatriotes dans l'efprit des au

tres Nations. » Il femble qu'on n'a le » droit d'aller demander aux étrangers » compte de leurs monuments & de » leurs lumieres, que quand on peut leur donner en échange quelques » idées claires des artistes de fa propre » Nation, de fes mœurs, des propriétés » de fon climat, & des principes de fon "gouvernement. (Page 5.)

Si l'inftruction doit précéder les voyages, les voyages font néceffaires pour compléter l'instruction. On fait rarement bien ce qu'on n'a lu que dans nos petits Livres faits de main d'homme; mais la leçon prife dans le grand Livre de la Nature s'imprime dans notre tête & fur notre cœur : elle ne s'oublie jamais.

"On fait voyager des Peintres en "Italie; le Roi entretient pour eux » une école à Rome : rien de mieux » affurément. Mais pourquoi refufer ce

»lents utiles ou agréables? S'il eft cer»tain, & cela eft incontestable, que

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rien n'étende la fphere des idées » comme les voyages; pourquoi les » Gouvernements ne s'occuperoient-ils "pas de faire voyager quelques-uns de » ces fujets rares, que la nature a difpofés plus heureufement que d'autres, " pour enfanter des idées fortes & val»tes". (Page 8.)

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Il y a moyen de connoitre ces jeunes gens, & les prix de l'Univerfité pourroient au moins être bons à cela. Dans l'état actuel, ils font prefque autant de mal que de bien. Ce Bourfier Rhéto» ricien, aujourd'hui conduit au bruit » des fanfares dans les Salles de la 5or

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bonne, fort demain du College où » il étoit nourri, & fe trouve fans pain. » De là l'aigreur ou la baffeffe, & à » coup sûr l'infortune. Ce que le mal» heureux triomphateur peut attendre → de plus heureux de fes fuccès, c'est de

devenir à vingt ans précepteur d'un » enfant de dix; d'où s'enfuit néceffai»rement la perte des talents du jeune » homme pauvre, & la mauvaise édu»cation de l'enfant riche. (Page 10.) » Mais fi les fuccès dans les études étoient, comme à la Chine, honorés des regards & des bienfaits du Gouvernement, ils ne feroient ni flétris, ni fi souvent inutiles, & les hommes de mérite fe trouveroient voués , pour ainfi dire, en naiffant, au fervice de la Patrie.

Parmi les Eleves qui fe feroient le plus diftingués, rien ne feroit plus aifé que d'en choifir tous les ans deux, trois ou quatre, que l'on feroit enfuite voyager pendant deux ou trois ans aux frais dur Gouvernement,au moins dans toutes les Provinces du Royaume. » L'équipage

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de nos éleves feroit compofé d'un uniforme fort fimple, mais annon"çant à tous les yeux des êtres chers à

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