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& terminés, & les traits déliés deviennent tout-à-fait impoffibles, parce qu'ils ne restent point tels que le Peintre les a faits.

Il faut donc avoir grand foin de bien examiner les petits effais que l'on fait de chaque couleur, afin de favoir fi l'on doit diminuer ou augmenter la quantité du fondant; on en jugera aifément par les remarques que l'on vient de faire. Il pourroit cependant arriver qu'une couleur exigeroit une trop grande quantité de fondant, pour que la Peinture eût le luifant qu'elle doit avoir. On a éprouvé que lorfqu'on mettoit avec une couleur plus de fept fois fon poids de fondant, elle étoit difficile à employer, parce qu'alors la couleur ne coule point facilement au pinceau, & l'on retombe prefque dans l'inconvénient dont on a parlé, lorfque l'on peint avec du verre dans ce cas il n'y a d'autre parti à prendre que d'abandonner cette couleur, & de fe retourner d'un autre côté.

Il refte cependant un moyen, mais dont il ne faut fe fervir que dans la derniere néceffité. S'il arrivoit qu'après

f'ouvrage fini, on vînt à s'appercevoir que quelque couleur n'eût pas pris le luifant que doit avoir l'ouvrage total, on pourroit y remédier par le moyen du fondant que l'on broyeroit pendant long-temps fur l'agate avec de l'eau fimple, & que l'on appliqueroit avec le pinceau, uniquement fur l'endroit qui n'a pas pris le luifant; fi après que l'ouvrage eft fec, on le met à parfondre de nouveau l'endroit qui n'étoit pas luifant, fe trouvera rétabli, Le fondant bien broyé avec l'eau, fera une couleur blanche qu'il faut avoir attention de coucher avec la pointe du pinceau, & fi claire, qu'elle ne forme fur la couleur que l'on veut rendre luifante, qu'un petit nuage prefque impercep tible.

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On en a dit affez fur le fondant: il faut préfentement parler des couleurs avec lefquelles on le mêle. On va les traiter féparément, en commençant par le blanc,comme la plus utile pour former avec chaque couleur les différentes nuances ou teintes, dont le Peintre peut avoir befoin.

CHAPITRE III.

Le Blanc.

Si les Peintres en Email d'aujourd'hui

ne se servent point de blanc dans leurs ouvrages, ce n'eft pas qu'il ne leur foit extrêmement néceffaire; la difficulté d'en avoir de beau, jointe à celle de pouvoir l'employer avec facilité, les a déterminés à s'en paffer; pour y fuppléer, ils ont pris le parti de ne peindre que fur des fonds blancs, & de fe fervir du fond, en l'épargnant, pour produire les blancs & les clairs dont ils peuvent avoir befoin.

On fera peut-être furpris de ce qu'ils n'ont pas cherché à employer pour leurs blancs la même matiere dont ils

que

fe fervent pour les fonds, c'eft-à-dire, l'Émail blanc; mais il faut faire attention l'Email eft un verre, & que l'on a vu qu'il étoit impoffible de peindre fimplement avec un verre. D'un autre côté, il ne faut pas que la couleur porte d'épaiffeur fur le fond, ce

qui ne manqueroit pas d'arriver fi l'on fe fervoit d'Email blanc. La difficulté étoit de ménager le fond pour faire paroître le blanc dans les petites parties où il étoit abfolument indifpenfable de le voir pur; par exemple, dans une tête, les deux petits points blancs qui doivent être fur la prunelle dans les yeux, devenoient impoffibles à ménager par leur extrême petiteffe. C'eft ce qui a quelquefois obligé des Peintres à ne mettre ces points blancs dans les yeux de leurs portraits, qu'après qu'ils étoient entiérement finis ; & pour cela ils choififfoient dans de l'Email écrafé deux petits grains qu'ils colloient avec de la gomme, & ils les faifoient enfuite légérement parfondre pour leur donner de la rondeur & les attacher.

Lorsqu'on étoit affez heureux pour avoir une couleur foncée & folide, on n'avoit aucun moyen pour l'éclaircir & en faire une fuite de nuances différentes; fi par malheur cette couleur devenoit plus foncée au feu & ne se trouvoit plus d'accord, il n'y avoit point d'efpérance de pouvoir raccommoder ce défaut. Si une couleur fe trou

voit dégradée par le feu, on ne pouvoit y remédier en mettant une autre couleur par deffus, puifque cette derniere laiffoit toujours appercevoir les défauts de celle qui étoit par deffous; les reflets & les coups de lumiere qui donnent de la rondeur & de la vérité aux objets, étoient toujours mal exécutés. Des couleurs qui s'étendent trop & s'imbibent dans les fonds; des fentes & des œillets qui furvenoient dans les feux; tout contribuoit à défoler un Artiste qui voyoit perdre ou devenir défectueux en moins de deux minutes, un ouvrage qui lui avoit coûté quelquefois plufieurs mois de travail.

On ofe affurer que le blanc, dont on va donner la compofition, remédie à tous ces inconvénients & que par fon moyen le Peintre en Email pourra compofer une palette de couleurs avec autant d'étendue & de facilité qu'un Peintre à l'huile, puifqu'il fe mêle également bien avec toutes les couleurs, fans leur donner aucune épaiffeur ; il leur donne même de la force, & les met en état de foutenir tous les feux fans fe dégrader. On n'eft point obligé

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