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THE NEW YORK PUBLIC LITRARY

WILLEN TOUREATION

au récit des Hiftoriens; enfin toutes les actions représentées fur ces reftes de Peinture font Romaines, la manière dont la Justice eft rendue, la punition d'un efclave, les ouvriers dont la profeffion eft utile, & travaillans à découvert, &c. toutes chofes inutiles à mon objet, & dont je ne parlerois pas fans la néceffité de prouver que ce Forum eft Romain. Mais l'article que j'aurois toujours relevé & dont l'observation auroit été également néceffaire quand cette place publique feroit Grecque, ce font les habillemens un peu juftes, coupés différemment de tous ceux que les monumens Grecs & Romains préfentent ordinairement, & qui prouvent, par rapport à ces derniers, qu'excepté la toge & l'habillement confulaire, fufceptibles par leur ampleur de mouvement, & par conféquent de différences dans la manière de les porter, les Artiftes Romains ont donné l'effor à leur génie pour la difpofition de toutes les autres draperies, fans même avoir égard aux chauffures & aux coëffures habituelles; en un mot, ils n'ont pas suivi le costume de leur pays dans leurs ouvrages recherchés.

Nous fommes donc excufables de nous écarter de notre costume, non-feulement parce que les changemens seroient trop fouvent répétés; mais parce que nous fommes encore obligés de l'éviter, par le peu d'avantage que les Arts pourroient retirer de la forme ingrate, & fouvent ridicule de nos habillemens.

Je vais finir ces obfervations par quelques exemples capables de démontrer les inconvéniens préfens & à venir, du coftume abfolu.

Un tableau Flamand eft traité avec toute la vérité de l'imitation, mais de la nature basse & commune; suppofons qu'après la révolution de plufieurs fiècles, un Artiste fût obligé de représenter le Prince d'Orange, il feroit autorifé par les Peintres qui vivoient dans le même tems, de lui donner un bonnet, une culotte large, un habit court; enfin un habillement Hollandois ou Flamand, Tome VI.

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plus orné à caufe de fa qualité de Prince; mais pareil, pour la forme, à celui des payfans repréfentés par Ténieres & les autres Peintres de l'Ecole Flamande : cet Artiste n'auroit point de tort; il auroit même le mérite d'avoir fait des recherches; mais pourroit-on reconnoître un Prince fous cette représentation? Seroit-il poffible d'applaudir au choix du Peintre ou du Sculpteur? Non, fans doute ou bien il faudroit auffi applaudir au procédé d'un Poëte Hollandois du dernier fiécle, qui, dans la repréfentation d'une Tragédie de Corneille, qu'il avoit traduite & dont je ne fçais plus le nom, plaçoit Céfar avec les autres interlocuteurs, agités des plus grands intérêts de l'Empire, autour d'une table ornée de verres & d'un pot de bierre qui fervoit d'interméde à leur conversation. Je ne puis me refufer à une autre fuppofition plus fimple & plus rapprochée. On fçait quelles étoient les coëffures que nos femmes portoient à la fin du dernier fiècle, & même au commencement de celui-ci : fi l'on préfentoit aujourd'hui les buftes fculptés ou les portraits peints de la belle Madame d'Olonne, de la tendre Deshoulières, de l'aimable la Fayette, de la fingulière & féduifante Ninon l'Enclos, &c. avec les coëffures qu'elles ont portées, élevées d'un pied & demi, terminées en pointe, & qui, difpofées fur trois rangs de hauteur, étoient farcies de rubans larges & placés fymmétriquement, mais fans objet; on conviendra que ces portraits ne répondroient point à l'idée que l'on a de leurs originaux, & que l'on verroit leurs prétendues parures avec une forte d'indignation; on doit convenir encore que la poftérité ne feroit conftamment affectée que de cette dernière impreffion. Une bifarrerie placée contre la nature & fans goût, donnée pour une parure & por tée avec confiance, éteindroit donc toutes les impreffions de mérite & d'agrément dûes à ces femmes dans leurs différens genres, & célébrées avec raison par les Auteurs contemporains. Cependant le coftume de leur tems doit

être, felon la critique propofée, auffi refpe&té que celui de chaque fiècle en particulier.

Il faut donc fçavoir gré aux Artiftes qui nous ont confervé le portrait de ces femmes aimables, de s'être écartés de ces excès de toiles & de dentelles, & d'y avoir fuppléé par des ornemens fantastiques, fi l'on veut, mais qui ne déplairont jamais. Par la même raifon, on ne peut pardonner à ces mêmes Artistes d'avoir gâté & corrompu les Ouvrages qu'ils ont produit dans le beau fiècle de Louis XIV, par les énormes perruques ou plutôt paquets de cheveux qu'ils ont placés jufques fur les figures qu'ils ont traitées d'ailleurs à la Romaine. Pouvoit-on conferver un plus grand ridicule à la poftérité? Nous n'avons pas été fi fages à cet égard que les Anciens, fi nous en croyons Tertullien : il dit dans fon Ouvrage de Cultu Fœminarum:

Affigitis præterea nefcio quas enormitates futilium & textilium capillamentorum, nunc in galeri formam, quafi vaginam capitis, & operculum verticis, nunc in cervicem retrò fuggeftum.

De plus, vous attachez à votre tête je ne fçais quels amas énormes de cheveux coufus & tiffus enfemble; tantôt en forme de chapeau qui femble être le fourreau de la tête, & la couverture du fommet, tantôt réunis en un tas & rejettés en arrière.

Cependant nous ne voyons aucun de ces excès dans les coëffures du tems de Sevère, fous le règne duquel Tertullien a vécu il eft vrai qu'on apperçoit fous les Antonins des variétés fur la tête des Princeffes représentées fur les Médailles, & qui peuvent avoir une forte de rapport avec cette critique; mais il faut ou que Tertullien ait exagéré, ou que les Graveurs ayent modéré & par conféquent altéré le costume. On pourroit dire qu'après les Antonins, les coëffures devinrent encore plus bourfouflées, & qu'elles s'enflèrent jufqu'à cet excès que Tertullien tourne en ridicule; mais du moins on peut affurer qu'aucune

Médaille du tems de Sevère, ne s'accorde avec la defcription de Tertullien. Les Romains ont donc été plus fages fur cet abus que nous ne l'avons été; ils fe font bien gardés de perpétuer le fouvenir de leurs ridicules.

On pourroit encore citer l'exemple de Domitien: on fçait que cet Empereur étoit chauve, cependant il ne le paroît point fur aucune de fes Médailles; le coftume étoit donc bien attaqué, fur-tout pour les habitans de Rome, qui le voyoient tous les jours. Si l'on examinoit les Médailles dans l'objet de ces réflexions, on pourroit trouver des preuves auffi frappantes de ces fortes d'altérations que les Arts fe font permifes.

Finiffons par convenir qu'une langue générale feroit un avantage pour l'humanité, & qu'il faut la conferver dans les parties fur lefquelles le hafard nous la préfente; & concluons que les licences des Arts font autorisées par les exemples anciens, qu'elles font établies fur des raifons folides, & que les Artistes doivent s'abandonner comme ils ont fait jufques ici, à ce qu'on appelle le goût. Je fçais qu'il eft arbitraire; je n'ignore point qu'il eft impoffible de le définir, cependant on ne peut nier fon existence. Dans le cas dont il s'agit, un Artiste éclairé donne à la mode ce qu'il croit lui convenir; fçait ajoûter ou retrancher ce qui lui paroît néceffaire à l'objet dont il entreprend la repréfentation. Enfin il doit fuivre le précepte général P.69 Vers 433. que lui donne Dufresnoy :

Quære artem quæcunque juvant, fuge quæque repugnant. Cherchez tout ce qui aide l'Art & qui lui convient, fuyez tout ce qui lui répugne.

PLANCHE LXVIII.

Nos. I. & II.

LA difpofition de ce Jupiter affis fur un tronc d'Arbre, tenant fon foudre d'une main & vraisemblablement fa

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