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de vouloir détruire tout, fouvent fans autre objet que de priver ceux qui jouiffent des chofes qu'il feroit fâché de pofféder lui-même je crois encore que le Légiflateur doit corriger & prévenir les inconvéniens du climat, & la nature du terrein dont l'influence eft difficile à concevoir. Ces réflexions le conduiront aux attentions qui peuvent mettre le peuple, auquel il prend intérêt, en état de fe foutenir par lui-même, & de rendre inutiles la méchanceté, la haine & l'envie de fes voifins.

Le Gouvernement des Egyptiens paroît avoir été établi fans projet à cet égard, & conféquemment au fonds de pareffe que la chaleur du climat & la fécondité du pays, qui n'exigeoit qu'une médiocre culture, étoient capables d'infpirer. Il fe peut auffi que ce peuple, dans le tems de fon établissement, n'eût rien à redouter de fes voisins; mais à juger par les évenemens, on peut dire qu'il n'étoit point militaire, malgré l'ordre de Soldats, dont Hérodote fait monter le nombre à quatre cents dix mille hommes toujours prêts à marcher, puifqu'ils ne fuivoient aucune autre profeffion. Mais, quelle reffource peut-on trouver dans des Soldats accoutumés à leurs foyers, & qui faifoient partie d'une Nation éloignée de tout efprit de guerre, par la difpofition de fon terrein, par l'éducation & par le genre de vie? Auffi les Auteurs ne font mention d'aucune attention de fa part, ni pour les exercices, ni pour aucune particularité qui regarde les armes : on voit feulement que les Egyptiens n'avoient point de Cavalerie. Du refte, les Prêtres dominoient & n'avoient point eu de peine à s'emparer de toutes les parties du Gouvernement. Ainfi les idées d'un peuple foumis & pareffeux fe renfermoient aifément dans les pratiques d'une fuperftition, dont l'excès lui parut contenir toutes les obligations. Ce peuple étoit heureux, il en faut convenir, mais fon bonheur étoit chancelant; car une félicité fondée fur la pareffe & fur la fimple fatisfaction des befoins, ne peut être conftante pour une Nation, qu'autant qu'elle n'auroit

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point de voifins, ou que ceux-ci auroient le même caractère & la même façon de penfer; reffemblance qu'il est impoffible de rencontrer: auffi nous voyons les Egyptiens toujours vaincus, & foumis par les Nations qui ont voulu les attaquer, & dont cependant les armes n'étoient pas toujours redoutables par elles-mêmes. D'un autre côté, les déferts & la nature des pays qui terminoient leurs frontieres, ont contribué long-tems à cette tranquillité. Je fçais que l'Hiftoire rapporte, avec beaucoup d'emphafe, quelques conquêtes faites par les Egyptiens, & qu'elle entre dans tous les détails néceffaires pour perfuader qu'ils auroient eu du mérite à triompher. Malgré l'éloignement des tems, le caractère & le gouvernement des peuples qu'ils ont foumis nous font affez connus pour convenir que les vainqueurs n'ont pas eu beaucoup de difficultés à furmonter ; car en général on peut placer les Nations vaincues dans le rang des Sauvages, ou tout au moins les regarder, non-feulement comme beaucoup moins policés que les Egyptiens, mais encore beaucoup moins guerriers. En un mot, plus j'y penfe & plus il me paroît que le Légiflateur de l'Egypte s'eft trompé à cet égard: il n'avoit certainement pas donné des Loix à ce peuple pour le rendre tributaire, ou pour l'expofer à être conquis; cependant il étoit abfolument néceffaire, par la conftitution de fon état, qu'il fût foumis d'abord qu'il seroit attaqué. On pourroit répondre à cette objection que rien ne peut avoir une durée éternelle; que les Empires font également foumis à la Loi commune du changement; & que l'Egypte a donné un affez grand exemple de durée: mais toutes les fois qu'elle a été attaquée, elle a été soumife. Ses Loix & fa Conftitution n'étoient donc pas bonnes à cet égard.

Liv. II.

PLANCHE PREMIERE.

N. I.

HERODOTE nous apprend que l'on apportoit à la fin des feftins des images de bois, d'une ou de deux coudées, en difant: Bûvez & donnez-vous du plafir, car vous ferez ainfi après votre mort. On trouve en effet plufieurs figures de cette proportion, & formées comme les caiffes des véritables Mumies; c'eft-à-dire, qu'elles font de bois de fycomore, & décorées de peinture; en un mot, pareilles en tout à celles qui renfermoient les corps. On voit un monument femblable dans le Tome I de ce Planc. xi. n°. I. Recueil. J'ai fait graver celui-ci, non par la raifon de quelques différences, elles ne font point affez confidérables pour autorifer une répétition; mais en décrivant cette figure, y a quelques années, je n'ai point cité le paffage d'Hérodote, qui convient parfaitement à l'une & à l'autre. Le trait des Egyptiens eft trop philofophique pour ne pas le rappeller au Lecteur, lui en fournir la preuve, & lui éviter de rechercher l'exemple pour lui en donner une idée jufte & précise.

il

Cette figure eft parée de la plante Perfea; & celle du premier Volume a le même ornement, mais ni l'une ni l'autre ne font chargées des attributs d'Ofiris & de fes Prêtres, c'eft-à-dire, du fouet & de la croffe: on peut remarquer & faire obferver ces différences; mais il n'est pas poffible d'en donner les raifons, ni d'en expliquer les motifs. La quantité que l'on trouve de ces figures prouve que leur ufage étoit commun en Egypte; ce qui s'accorde avec le paffage d'Hérodote, ainsi que la fimplicité de leur fabrique; elle pourroit perfuader que ces petites Mumies n'étoient faites que pour donner une idée de la mort; & l'imitation de la Mumie étoit fuffifante à cet égard.

Hauteur un pied quatre pouces.

par

N° II. & III.

On a vû dans les Volumes précédens plufieurs vafes de pierre ou d'albâtre, formés en canope & deftinés plus ordinairement à contenir la matière de l'embaumement. J'en ai rapporté dont le couvercle ou la partie fupérieure étoit formé des têtes de différens animaux, & même par des têtes humaines; on en verra de cette espèce dans fecond Tome de ce Recueil; mais je n'en ai point encore fait deffiner de l'efpèce que préfente ce numero. L'ajustement général & le caractère de la tête perfuaderoient d'abord qu'on a voulu représenter une Ifis, si la plante Perfea ne nous indiquoit que c'eft un Prêtre, ou plutôt une Prêtreffe de cette Déeffe, car il eft conftant que le monument repréfente une femme.

La confervation de ce vafe eft belle; fa matière n'est point précieuse; il eft exécuté fur une pierre grife, dont le grain eft affez fin; les traces que le bitume a laiffées dans l'intérieur, prouvent que le vafe a été destiné pour les embaumemens de ceux qui avoient apparemment une dévotion plus particuliere pour Ifis.

La tête eft deffinée de profil no. III. pour faire fentir l'explication du monument, ou plutôt l'impression qu'il eft capable de donner.

Hauteur totale du vafe, onze pouces trois lignes: hauteur du couvercle, trois pouces une ligne : plus; grand diamètre, cinq pouces moins une ligne.

N°. IV.

Je ne donnerai pas cette pierre ématite, gravée en creux, pour être de la plus haute antiquité à l'égard des Egyptiens; mais je la regarderai comme une des plus fingulieres que j'aye vû, & qui mérite le plus d'être obfervée, quoiqu'elle foit travaillée dans les tems modernes de l'Egypte: on ne peut douter de cette date générale; les caractères

Planc. vi. n. II & III.

gravés fur les deux obélifques dont je parlerai dans un moment, le certifient.

Cette gravure nous préfente Ofiris dans une position véritable & cependant très-rare à rencontrer; fa tête eft furmontée d'une parure abfolument pareille à celles que Pon voit fur la tête de ce même Dieu, dont la figure eft Plane. 11. n°. I. rapportée dans le même Volume; mais on y a joint deux autres têtes pofées fur des gaines qui accompagnent de chaque côté la tête d'Ofiris & qui perfuadent, au premier coup d'œil, que ce Dieu eft repréfenté avec trois vifages: il porte un manteau quarré; fon collier eft très-riche & très-étendu; il tient un de fes bras élevé; mais un éclat de la pierre nous empêche de juger de l'ob jet qu'il foutenoit. Je n'entreprendrai point de décrire l'efpèce & la nature de deux corps à moitié circulaires, & qu'on ne peut regarder que comme deux cornes, à la vé rité de la plus grande taille, & qui partent du corps audeffous des hanches auxquelles elles font attachées. La comparaifon des monumens met feule en état, non-feulement de parler, mais de conjecturer: n'ayant jamais rien vû de femblable, je ne puis rien en dire. Cet Ófiris, dont les jambes font formées, mais réunies, eft placé de bout fur le milieu d'une barque: on fçait que les Egyptiens ne donnoient point d'autres voitures à leurs Divinités. La poupe & la prouë de cette barque font chargées chacune d'un obélisque, couvert de caractères affez diftincts, pour voir qu'ils préfentent des lettres & non des hieroglyphes, que l'on fçait avoir été anciennement con facrés à ces objets de décoration : l'obélifque le mieux confervé eft furmonté à fon extrémité par un épervier trèsbien rendu. Je croirois affez que l'autre obélifque n'a jamais été plus élevé qu'il le paroît; en effet, on semble diftinguer le trait de fon extrémité, & par une fuite de conjectures, à la vérité moins bien établies, je ferois per fuadé qu'Ofiris préfentoit un de ces rétables chargés de caractères, tels qu'on les voit fréquemment fur les mo

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