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ceux de notre propre Hiftoire; qu'un tel monument, disje, ne puiffe être connu, qu'on ne puiffe déterminer fon ufage, & qu'enfin une conftruction fi confidérable par fa grandeur & fa dépense, foit en effet un problême que je crois impoffible à réfoudre; voilà ce qui me confond.

Ce monument eft fitué dans la petite Ville de Doué, dans la Province d'Anjou. Ecoutons ce que M. de Voglie, Ingénieur des ponts & chauffées de la Province de Tours, a joint aux deffeins les plus exacts & les mieux rendus.

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La tradition du pays eft que ce monument étoit un amphitéâtre que les Romains avoient conftruit pour y » donner des Spectacles: cet édifice très-irrégulier dans » fon plan, eft formé par des gradins d'un pied de hauteur » & de largeur, au nombre de 25, ils pouvoient contenir » environ 4000 perfonnes; cette maffe de gradins eft taillée dans le roc, ou plutôt dans le maffif d'un banc de pierre tendre, d'une très-grande épaiffeur, qui règne » dans tout le pays, & dont on fait ufage pour les conf»tructions ordinaires. Le fommet de cet amphithéâtre » étoit environné d'un mur d'enceinte, dont on n'a pû fixer ဘ la hauteur au-deffus du terrein actuel : on reconnoît feulement, dans tout fon pourtour 25 portes de 5 pieds de largeur fur 8 pieds de hauteur, qui probablement étoient les entrées ordinaires de cet amphithéâtre. Dans un des angles de ce mur d'enceinte il y avoit une espèce de tri» bune dont on voit encore les veftiges, qui porte aujour» d'hui le nom de fiége ou trône de Céfar. On defcend » dans cet amphithéâtre par une rampe affez roide, quoique, fuivant des fouilles qu'on a fait faire, le fol femble » s'être élevé de 6 pieds au-deffus de fon premier plan. Des caves fort élevées, taillées dans le maffif du rocher, règnent fous les gradins dans tout le pourtour de ce bâ»timent; on dit que ces caves étoient deftinées à renfer»mer les animaux confacrés aux fpectacles; les ouvertu res faites en œil de bœuf, qui font pratiquées dans les gradins, ne paroiffent avoir été formés que pour éclairer

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ces caves: toutes les marches ou gradins ont perdu leur » arête, & forment une espèce de dentelle, tant fur le plan 50 que fur l'élévation; une partie même de ces gradins à été » détruite pour la conftruction du cabaret que l'on voit fur » une des coupes. Il règne encore une tradition dans le * pays dont le préjugé a fait donner au fol de cet amphiso théâtre le nom de Mer rouge: on croit donc que l'on y introduifoit des eaux quand on le jugeoit à propos, peut» être étoit-ce un bain public; cependant on ne conçoit pas de quelle manière l'eau pouvoit être conduite; il eft » certain du moins qu'elle ne pouvoit fe conferver dans » des bancs de pierre traverfés par une auffi grande quan» tité de fils & de delits, tels qu'on les a annoncés fur les coupes de cet amphithéâtre; d'ailleurs on ne découvre » aucun veftige de canal ou de tuyaux de conduite. On a cependant reconnu qu'une fontaine à l'usage de la Ville » de Doué & diftante de 4 à 500 toifes, a fes eaux supé»rieures au fol de cet amphithéâtre, dont les environs » méritent quelqu'attention: en effet, par l'examen des lieux, on a remarqué que du côté du nord on voit une grande enceinte, dont le plan forme un quarré-long, qui eft taillée dans le roc comme l'amphithéâtre, & dont les paremens piqués avec foin, & bien à-plomb, annon»cent une intention de régularité. On préfume que cette enceinte, qui tient à l'amphithéâtre, dont elle n'eft féparée que par le massif des gradins, comme on en peut » juger par le plan & la coupe, a été creusée à la même » profondeur que l'amphithéâtre, puifque n'ayant aujour» d'hui qu'environ 15 pieds de profondeur, d'après le ter» rein naturel & étant plantée de vignes, il y a tout lieu de croire que la terre qui fert la terre qui fert à la production de ces vignes, a été rapportée par fucceffion de tems; fans quoi »le fol de cette enceinte feroit, ainsi que celui de l'amphithéâtre, le banc de la même pierre. En considérant » cette Antiquité comme un bain public, applicable, suisvant les circonftances, à des fpectacles, on pourroit

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» trouver des raisons d'utilité à cette enceinte. Il eft à pro» pos d'obferver que ce monument, qui eft aujourd'hui à » une des extrémités de la Ville de Doué, pouvoit être » du tems des Romains vers le centre de ladite Ville, d'au» tant que, felon la tradition, le petit Village de Douce, éloigné de plus de 1200 toifes de l'amphithéâtre du côté » du levant, faifoit partie de la Ville de Doué, ainsi que » celui de la Chapelle-fous-Langé, fituée au couchant, » à peu-près à même distance que celui de Douce. Cette » tradition paroît d'autant plus probable que tout le ter» rein compris entre ces Villages eft couvert de ruines, de » murs & de maifons, & qu'il eft conftaté par l'Histoire, » que les Romains ont long-tems féjourné dans cette partie de l'Anjou ».

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Les traditions qui paroiffent les plus établies ne font que trop fouvent modernes & données par des demi-fçavans; par conféquent elles ne méritent pas plus d'attention quant à cet amphithéâtre & au motif de fes fouterreins, que les idées groffières du peuple fur la Mer rouge, & la Tribune de Céfar. Il faut partir des faits & raisonner en conféquence: plus le local fe trouve ici bien établi, plus les objections qui m'ont frappées feront fenfibles.

Premièrement, il eft difficile de comprendre par quelle raison en travaillant fans aucune contrainte, comme on a fait dans cette montagne, on a contredit l'ufage in diqué par le bon fens, de donner la forme circulaire à ces fortes de bâtimens, la feule qui foit capable de mettre tous les Spectateurs à portée de voir également les objets, On conçoit encore moins pourquoi, fans aucune néceffité, on a excepté celui-ci pour le traiter à pans, & rendre fon plan inégal.

En fecond lieu, les gradins de tous les amphithéâtres que nous connoiffons, & notamment celui Vérone, mefuré & publié par Defgodets, ont un pied trois pouces de hauteur, & deux pieds un pouce de profondeur : par quel motif ceux-ci s'éloignent-ils d'une proportion fi

convenable, pour ne leur donner qu'un pied de marche & un d'élévation, proportion qui auroit placé les Spectateurs trop bas avec incommodité, & fans leur donner F'efpace fuffifant pour pofer leurs pieds? On bleffe aisément le goût, mais on attaque difficilement la commodité d'un ufage connu & pratiqué dans fa propre Nation. D'ailleurs, ce mur d'enceinte féparé du haut de ce monument, ces 25 portes telles qu'on les a vûes dans la defcription, font autant de différences effentielles, qu'on ne remarque ni dans les théâtres ni dans les amphithéâtres.

Ces réflexions tirées de la chofe même, empêchent fortement de fe livrer à la tradition d'un amphithéâtre.

Ce n'eft pas tout; M. de Voglie a prouvé par une démonstration Phyfique, & par conféquent folide, l'impoffibilité de conferver l'eau dans ce bâtiment: l'idée d'un bain public ne peut donc être écoutée, non plus que celle d'une Naumachie; elle eut été fi petite & fi ridicule, qu'il est impoffible de la fuppofer: d'ailleurs les fouterreins auroient été inondés par les jours qu'ils recevoient; & l'on peut encore ajoûter que ces jours & ces fouterreins étoient abfolument inutiles pour l'un ou pour l'autre de ces deux objets.

La fingularité de ce monument recommandable à plufieurs égards, le rend auffi curieux qu'intéreffant: ne pouvant prononcer fur ce qu'il a été, je me contente de dire ce qu'il n'a pû être.

PLANCHE CXVII.

On ne peut placer ce monument dans une autre claffe, ni l'attribuer à un autre peuple qu'à celui qui en a rempli la Bretagne: le Lecteur verra même à la Planche CXXIII, une difpofition de pierres abfolument pareille, & que l'on trouve dans cette Province. Tout ce que je pourrois dire au fujet de cette conftruction bifarre, ne vaudroit pas fimple explication que M. de Voglie, Ingénieur du Roi,

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pour les ponts & chauffées de la Généralité, a jointe au deffein qu'il a levé, & que j'ai fait graver: voici fes obser

vations.

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« Cette Antiquité que l'on voit auprès de Saumur eft » connue dans le pays fous le nom de Pierre couverte : elle eft fituée à une demi-lieue de Saumur, fur le che» min qui conduit de Montreuil-Bellay, en paffant par le Coudray. Ce monument a 50 pieds de longueur; il eft » compofé de deux files parallèles de pierres de grais brut, » diftantes entr'elles d'environ 11 pieds, & recouvertes de » pierres femblables, qui forment plafond à 7 pieds audeffus du terrein naturel; on n'y remarque aucun veftige » de travail, ni d'objet d'habitation. La feule ouverture » que l'on voye dans cet affemblage, eft placée fur le che» min de Saumur à Montreuil-Bellay. L'autre extrémité » du côté de la campagne, eft fermée par une feule pierre; » ce monument eft compofé de 13 grandes pierres, qui ont » depuis 9 jusques à 18 pieds de longueur, fur 10 à 15 pieds de largeur, & 10 à 14 pouces d'épaiffeur, dont quatre fur chaque face, autant en plafond, & une en » clôture du côté de la campagne: le deffein joint à cette explication fera mieux connoître cette conftruction que » tous les détails qu'on pourroit en donner,

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» Il y a beaucoup de monumens femblables dans les environs de Saumur, tant du côté de Montreuil-Bellay, » que de celui de Doué; on en trouve auffi plufieurs dans » les environs de Chinon & de l'Ile-Bouchard, mais au» cun de ceux-là n'eft auffi considérable que celui dont il » est question».

On voit par cet exemple que non-feulement on rencontre ces monumens barbares fur les côtes de la mer; mais qu'on les trouve, & même en grand nombre, à 40 lieues ou environ dans les terres, ce qui donne une nouvelle preuve du long féjour que ces hommes du Nord ont fait dans la Gaule; car enfin, ce n'eft que de proche en proche, & par une fucceffion de tems, qu'un peuple étran

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