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voyage constamment dans un pays fort éloigné ; il voit fans voir, du moins l'imperfection de fon coup d'œil, ou l'incertitude de fon fçavoir ne lui présentent rien de fixe, & la quantité des objets l'offufque. Je veux que la multitude des Nations dont il examine les Monumens ne lui cause point d'embarras, c'est-à-dire, qu'il reconnoiffe & qu'il démêle la différence des pays qui ont produit les monumens; connoiffance que l'habitude rend généralement aifée, mais plus facile encore à ceux auxquels la pratique du deffein eft familière : la réunion & la confufion de plufieurs générations fe rencontrent prefque toujours devant fes yeux; l'impreffion qu'il en reçoit eft trop générale; & fi quelquefois il croit diftinguer les états, il verra, comme le Voyageur au moment de fon arrivée, qu'un homme qui porte des armes est un Militaire, qu'un autre placé auprès d'un Autel doit être un Prêtre, &c. Mais fuppofé, ce qui n'est que trop commun, qu'il apperçoive quelques autres hommes avec des habillemens différens & particuliers à un pays & à une Nation, il fçaura d'autant moins les diftinguer & les définir, que dans l'ignorance où il eft des ufages & de la langue de ce Peuple, il n'eft point en état de s'inftruire par des questions. D'un autre côté, fon coup d'œil ne pouvant lui donner des idées juftes & précifes, quel moyen peut-il employer pour`fatisfaire fa curiofité, & celle des autres? S'il faut

donc un fi long-tems à ce Voyageur pour former fes idées, difcerner les ufages & diftinguer les états dans un pays où cependant tout eft en action, & fe paffe fous fes yeux; il en faut encore plus à l'Antiquaire pour connoître le goût du travail d'un Peuple qui n'existe plus; démêler ses manières & le tems des productions; enfin pour être en état d'expliquer clairement, ou plutôt de rendre raison, convenablement au pays dont il parle, des objets qu'il croit reconnoître, & que cependant il ne fait le plus fouvent qu'entrevoir. Combien doit-il répéter de fois ce mot J'ignore? ce mot qui coûte fi cher à l'amour-propre; ce mot, nonfeulement honnête en lui-même, mais flatteur pour celui qui place la vérité dans le premier rang des Dieux.

Qu'il me foit permis, avant que de terminer cette Préface, de m'arrêter un moment fur ce qui concerne les Monumens Egyptiens, & principalement les Hieroglyphes.

Les Antiquaires, du moins le plus grand nombre, depuis le renouvellement des Arts, n'ont obfervé ni les caractères Egyptiens ni les monumens de cette Nation avec la même attention qu'ils ont examiné ceux des autres pays. Il femble que l'obscurité qui règne fur l'Egypte ait mis tous les Sçavans en droit de ne rapporter les uns & les autres que par manière d'acquit ; & j'avoue que, pour ma part, j'ai été auffi attentif à la

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forme & à la difpofition des Figures, que négligent pour les Inscriptions dans les premiers Volumes. Les caractères ne me paroiffoient point exiger beaucoup de foin; je croyois qu'il étoit indifférent de rapporter d'un fens ou d'un autre, des lettres ou des fymboles qu'on ne devoit jamais lire; auffi j'ai fouvent oublié d'avertir le Lecteur, que ces caractères étoient rendus à la contre-épreuve. Je suis perfuadé que fi mes Prédéceffeurs en Antiquité vivoient aujourd'hui, ils conviendroient, comme moi, de leur négligence en ce genre; ils le devroient, du moins s'ils avoient les mêmes notions que M. de Guignes a acquifes par la connoiffance de l'ancien Chinois, dont les rapports font étonnans pour les caractères & les ufages avec les Egyptiens.. Les découvertes qu'il a faites en ce genre ne font encore que commencer, mais on peut dire, avec vérité, qu'il est parfaitement sur les voyes; & comme on doit être fâché de ne pouvoir compter fur l'exactitude des caractères dont les Sçavans ont jufqu'ici donné la copie, & dont même le plus grand nombre des originaux eft perdu ou détruit, il eft à croire que tout homme sensé, en convenant de ses erreurs paffées, chercheroit les moyens de les réparer: ce qu'il ne pourroit faire que par une exactitude & une précision dans la copie des Infcriptions Egyptiennes, écrites en Hiéroglyphes, ou bien en écriture courante. Je fuis per

Tome VI.

b

fuadé encore qu'il en effaceroit plufieurs, ou qu'il avertiroit des détails néceffaires à leur intelligence, c'est le parti que j'ai pris; cependant je puis me vanter d'avoir moins de reproches à me faire que tout autre dans le cours de cet Ouvrage, & d'avoir redoublé d'attention pour les caractères rapportés dans les V & VIe. Volumes.

EXPLICATION DES VIGNETTES

ET DES CULS-DE-LAMPE.

FRONTISPICE.

LE TEMPS dans une campagne. Il eft environné de Sphinx; les

uns font découverts en entier; les autres font à moitié cachés dans la terre & prefque détruits: en général toutes leurs parties font éparses.

Le Temps ne pouvant être ni fixé ni arrêté ; il eft placé debout; non fur une boule comme la Fortune, mais fur une roue: le mouvement de l'une étant réglé & continu & celui de l'autre variable & inconféquent.

Ces mots font écrits au bas de la compofition.

Tot Sphinges multos quærunt Edipodas.

FLEURON.

L'ÉTUDE représentée fous la figure d'une belle Femme austère : elle eft affise dans une attitude de méditation, le coude appuyé fur un Autel chargé de livres mêlés avec quelques petits monumens: on voit fur cet Autel un bas-relief qui repréfente un Laboureur avec fa charrue attelée. Voici l'explication de cet emblême.

L'Etude ne doit ni compter ni faire valoir ses peines, d'autant qu'elle eft une fatisfaction de l'efprit. La récolte d'un Laboureur n'eft point égale; cependant fes peines & fes travaux font toujours les mêmes; en conféquence on lit au bas du Fleuron :

Meffe licèt dubid labor utilis.

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