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fout tous les corps, est infini dans l'infinité des efpaces, il est certain néanmoins qu'il eft fini dans chaque partie, & que s'il étoit, ou plus grand, ou moindre dans ce monde visible, il en changeroit toute la face & le renverferoit entiérement. Qui l'a donc réduit à cette proportion où il eft? Et comment, dans l'infinité des dégrés dont il eft capable, s'eft-il trouvé juftement dans celui qui a produit cet arrangement fi admirable: La matiere d'elle-même eft indifférente à recevoir un plus grand ou moindre mouvement. L'un ou T'autre détruiroit l'état préfent du monde, & le renverferoit entiérement. D'où vient donc qu'il s'eft trouvé dans cet équilibre fi jufte ? C'est par hazard, dit-on. On peut le dire de bouche; mais je ne fais fi on peut le dire férieufement.

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Mais, outre la matiere & le mouvement nous découvrons encore dans le monde des êtres penfants, parce que nous fommes affurés que nous penfons, & que nous faisons avec railon le même jugement des autres hommes, & la confidération de ces êtres nous mene encore plus directement à la connoiffance de l'immortalité de notre ame, & ensuite à celle de l'existence de fon Créateur.

Si nous ne pouvons douter qu'il n'y ait dans le monde des êtres penfants, qui ne

font pas des corps, étant certain que ces êtres ne font pas éternels, qui en sera le principe? Ce ne fera pas la matiere : car étant, pour le dire ainfi, un néant d'efprit, comment pourroit-elle produire un efprit? Ce n'eft pas auffi un autre efprit femblable, c'est-à-dire , que ce n'est pas

l'ame des peres qui produit celle de leurs enfants. Car comment un efprit pourroit-il tirer du néant un autre efprit qui a des penfées & des volontés différentes des fiennes, & fouvent contraires ? Si l'efprit produisoit un esprit, il le produiroit en penfant, il connoîtroit en foi cette force il s'appercevroit de cet effet. Cependant qui s'en eft jamais apperçu ? Tout ce qu'il y a donc dans le monde nous conduit à la connoiffance du Créateur du monde, matiere mouvement, efprits. Toutes ces chofes nous crient, d'une voix affez intelligible, qu'elles ne fe font pas faites ellesmêmes, & que c'eft Dieu qui les a faites.

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Quoique ces preuves de l'exiftence de Dieu foient très-capables d'en perfuader ceux qui ont de l'intelligence & de la bonne foi; néanmoins il fe trouve quantité d'efprits à qui ces preuves ne font point proportionnées ; & de plus elles ne pénetrent point fi vivement l'efprit, que la certitude que la Foi nous en donne: auffi voit-on que tant que les hommes ne fe

font fervi que de leurs propres lumieres pour connoître Dieu, ce n'étoit qu'égarements, incertitudes & erreurs. Il a done fallu, pour établir une croyance ferme & pure de la Divinité, que Dieu même se manifeftât aux hommes par des marques extérieures & fenfibles, & leur prescrivît ce qu'ils devoient croire de fon être.

Les preuves hiftoriques, c'eft-à-dire, celles qui font tirées de ce que Dieu nous a fait connoître de lui-même par des faits certains & inconteftables, font capables de faire le plus d'impreffion fur l'efprit. Tels font les miracles de Moïfe, qui prouvent Ja vérité de tout ce qu'il rapporte dans le Pentateuque; ceux de Jofué & des autres Prophetes, qui la confirment ; ceux de Jefus-Chrift & des Apôtres, qui autorisent tout l'ancien Teftament & le nouveau, & de plus les prophéties des Prophetes & celles de Jefus-Christ.

Ces miracles & ces prophéties prouvent qu'il y a une intelligence fupérieure à la nature de l'homme, à laquelle il eft juste de foumettre fa raifon à l'égard de ce qui nous eft déclaré & ordonné de fa part: : car il est évident que l'homme agit plus raifonnablement, en fe foumettant à elle, qu'en demeurant fous la conduite de fa propre raison foible, aveugle & incertaine comme elle eft. Quiconque fait des mf

racles & des prophéties, a droit de fe faire croire, s'il n'eft pas contredit par un autre qui faffe de plus grands miracles & des prophéties plus claires. Or tous les Prophetes & les faifeurs de miracles rendent unanimement témoignage de Dieu, bien loin d'en contredire la croyance.

§. 2. De la Nature de Dieu.

PUISQUE nous devons adorer Dieu, il faut, d'une part, tâcher de s'en former une idée véritable, de peur d'adorer un fantôme & une fiction de notre imagination, au lieu d'adorer Dieu; il faut, de l'autre part, que cette idée véritable nous repréfente en Dieu ce qui eft le plus capable de nous donner du refpect & de la foumission pour fa grandeur. Puifque nous devons l'aimer, il faut tâcher de concevoir en lui tout ce qui peut fervir à faire naître & à augmenter notre amour, qui ne peut naturellement fe porter vers ce qu'on ne connoît point.

Dieu eft efprit, & non-feulement il n'eft pas corps, mais il eft impoffible qu'il le foit: car tout corps a des parties qui font moindres que le tout, & qui ne font pas le tout. Or il ne peut y avoir rien en Dieu qui ne foit pas Dieu l'efprit eft plus noble & meilleur que le corps, & rien ne peut être

plus noble, ni meilleur que Dieu.

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De plus il n'y a rien en Dieu qui ne foit fa fubftance, fon effence, & en un mot qui ne foit Dieu. C'est un être tout fimple, fans aucune diverfité, ni multiplicité de parties, quoique cet être tout fimple, produife une infinité de divers effets, & ne puiffe être connu par les hommes, que par différentes penfées, dont la multiplicité marque l'imperfection de la créature & la plénitude de l'être de Dieu, qui comprend tout dans fon incompréhensible fimplicité.

Il faut conclure de cette vérité, 1°. Que Dieu étant efprit, il faut l'adorer en efprit, & que comme il eft la vérité même, il faut l'adorer en vérité., 2°. Que tout culte qui n'eft que corporel, eft indigne de Dieu, s'il n'eft joint à un culte fpirituel. 3. Que nous devons bannir de notre efprit, en adorant Dieu, tous les fantômes corporels; & que nous devons dire à tous les corps, quelque beaux & éclatants qu'ils nous paroiffent : vous n'êtes pas mon Dieu. 4°. Que nous ne fommes pas faits pour les corps; que notre bonheur ne peut confifter dans l'amour des corps ; & qu'ainfi il faut en détacher notre affection, & éviter de s'y lier. 5°. Que pour le délivrer de l'attache aux chofes corporelles, il eft utile de s'en priver, &

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