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521. Le paiement fait à la perfonne indiquée eft valable, non-feulement lorfqu'il eft fait par le débiteur lui-même à qui on a fait cette indication, mais par quelque perfonne que ce foit; L. 59, verf. & fi à filio, ff. de folut.

522. Ce droit qu'a le débiteur de payer la fomme à la perfonne indiquée auffi valablement qu'à la perfonne du créancier, eft un droit qui paffe aux héritiers du débiteur. Ils ont ce droit, quand même il auroit été omis d'en faire mention dans le titre nouvel qu'ils ont paffé; car on ne préfume jamais qu'on ait voulu innover au titre primordial par un titre nouvel.

523. Régulièrement ce ne peut être qu'à la perfonne même indiquée par le contrat qu'on peut payer valablement, & non à fes héritiers ou autres perfonnes qui la représenteroient; L. 55, ff. de verb. oblig.; L. 81, ff. de folut. Néanmoins lorfqu'un vendeur indique à l'acheteur, par le contrat de vente, de payer le prix à un de fes créanciers, le paiement peut fe faire valablement non-feulement à la perfonne même du créancier, mais aux héritiers de ce créancier, & autres qui auroient fuccédé à fa créance. La raifon eft que dans cette indication, ce n'eft pas tant la perfonne indiquée, que fa qualité de créancier qui a été confidérée, par l'intérêt que le vendeur avoit qu'on acquittât pour lui cette créance, & par celui qu'avoit l'acheteur de payer au créancier, pour être fubrogé aux droits & hypotheques de ce créancier.

524. On ceffe de pouvoir valablement payer à la perfonne indiquée lorfqu'elle a changé d'état. C'eft pourquoi fi la perfonne à qui, par le contrat, il eft indiqué de payer, a depuis perdu la vie civile, je ne pourrai pas lui payer valablement, L. 38, de folut., quoique le créancier eût pu m'indiquer une perfonne qui, dès le temps du contrat, feroit morte civilement; & c'eft en ce fens qu'on doit entendre la Loi 95, §. 6, dicto titulo, qui paroît contraire. (Voyez Cujac. in Comment. ad Papin. ad. h. L.) La raifon de cette différence eft qu'on peut préfumer que le créancier n'auroit pas voulu qu'on payât entre les mains de cette perfonne, s'il eût prévu qu'elle perdroit la vie civile. Mais lorfque dès le temps du contrat cette perfonne l'avoit perdue, & que le créancier le fçavoit, la volonté du créancier qu'on puiffe payer entre fes mains, quoiqu'elle ne jouiffe pas de l'état civil, ne peut plus être ambiguë.

Il faut dire la même chofe d'une perfonne à qui on auroit indiqué de payer, & qui par la fuite feroit interdite, ou pafferoit fous puiffance de mari, ou feroit banqueroute. Dans tous ces cas le débiteur ne peut plus lui payer valablement, la préfomption étant qu'elle n'auroit pas été indiquée, fi ces cas euffent été prévus.

525. Celui à qui le créancier, par la convention même, a indiqué de payer, eft très-différent de celui qui eft fimplement fondé de pouvoir du créancier pour recevoir. La faculté de payer à un fimple fondé de pouvoir, ceffe par la révocation du pouvoir notifié au débiteur, que le créancier peut faire quand bon lui femble. La raison eft que la faculté de payer à ce fondé de pouvoir n'étant fondée que fur la procuration que lui a donnée le créancier, laquelle eft révocable comme toute autre procuration, il s'enfuit que cette procuration venant à ceffer par la révocation, la faculté de lui payer doit ceffer.

Au contraire, la faculté de payer à la perfonne indiquée par la convention, ayant fon fondement dans la convention même dont elle fait partie, & à

laquelle on ne peut déroger que par le confentement des deux parties, le créancier ne peut pas en priver le débiteur, qui peut, malgré le créancier, felon la loi de la convention, payer entre les mains de la perfonne qui lui a été indiquée par la convention. C'est ce qu'enfeignent la Loi 12, §. 3, & la Loi 106, ff. de folution.

Néanmoins fi le créancier alléguoit qu'il a des raifons pour que le paiement ne fe faffe pas entre les mains de cette perfonne indiquée par le contrat, & que le débiteur n'eût aucun intérêt de payer entre les mains de cette perfonne plutôt qu'au créancier lui-même, ou à quelque autre perfonne qu'il lui indiqueroit à la place de celle indiquée par le contrat, ce feroit de la part de ce débiteur une mauvaise humeur & une obftination déraisonnable de vouloir payer entre les mains de la perfonne indiquée; obftination que la Justice ne devroit pas approuver.

526. Par le Droit Romain, la faculté de payer à la perfonne indiquée par la convention, ceffoit lorfque, fur la demande faite par le créancier, il étoit intervenu contestation en caufe; L. 57, §. 1, ff. de folut.; ce qui n'étoit fondé que fur une fubtilité, que je ne penfe pas devoir être fuivie dans notre Droit.

527. Il n'eft pas douteux que le paiement fait d'une partie de la dette à la perfonne même du créancier, ne fait pas ceffer la faculté de payer le reftant à la perfonne indiquée; L. 71, ff. de folut.

S. V.

De quelles manieres le paiement fait à la perfonne qui n'avoit ni pouvoir, ni qualité pour recevoir, peut-il être rendu valable.

528. Le paiement fait à une perfonne qui n'avoit ni qualité ni pouvoir pour recevoir, devient valable, 1°. par la ratification & approbation que le créancier fait par la fuite de ce paiement; L. 12, S. 4, ff. de folut.; L. 12, Cod. dicto tit.; L. 24, ff. de neg. geft.

Les ratifications ayant un effet rétroactif, fuivant la regle Ratihabitio mandato comparatur; d. L. 12, S. 4; le paiement fera cenfé avoir été valable dès le temps qu'il a été fait. C'eft pourquoi fi quelqu'un s'eft rendu caution envers moi pour mon débiteur, avec la claufe que fon cautionnement ne dureroit que jufqu'au premier Janvier 1770, au bout duquel temps il en demeureroit quitte & déchargé de plein droit; le paiement qu'il a fait dans le cours de l'année 1769, à une perfonne qui n'avoit pas pouvoir de moi, fera valable, & il ne pourra répéter la fomme payée, quoique je n'aie ratifié ce paiement qu'en l'année 1770, temps auquel il auroit ceffè d'être mon débiteur, s'il n'eût pas payé car, au moyen de l'effet rétroactif de ma ratification, le paiement eft valable du jour qu'il a été fait ; & il l'a été dans un temps auquel fon obligation fubfiftoit; L. 71, §. 1, ff. de folut.

:

Suivant le même principe, fi je fuis débiteur d'une fomme de mille livres envers Pierre & Paul, cocréanciers folidaires, & que j'aie payé cette fomme en premier lieu à une perfonne qui l'a reçue pour Pierre, fans aucun pouvoir de

lui, & que je l'aie payée une feconde fois à Paul, la validité du paiement fait à Paul dépendra de la ratification de Pierre. Le premier paiement fera valable fi Pierre le ratifie; & celui fait à Paul fera nul, comme étant le paiement d'une dette acquittée. Si Pierre ne ratifie pas, le premier paiement ne fera pas valable, & celui fait à Paul le fera; L. 58, §. 2, ff. d. tit.

529. Le fecond cas auquel devient valable le paiement fait à une perfonne qui n'avoit pas de qualité pour recevoir, eft lorsque la fomme payée a tourné par la fuite au profit du créancier ; L. 28; L. 34, S. 9, ff. de folut.; putà, fi elle a fervi à libérer le créancier de ce qu'il devoit; L. 66, verbo fed exceptione, ff. d. titulo.

Le troifieme cas eft fi cette perfonne à qui le paiement a été fait, eft devenue l'héritiere du créancier, ou a fuccédé à quelque autre titre à la créance; L.96, S. 4, ff. dicto titulo.

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Quelle chofe doit être payée; comment, & en quel état.

S. I.

Peut-on payer une chofe pour une autre.

530. Régulièrement, c'eft la chofe due qui doit être payée; & un débiteur ne peut obliger fon créancier à recevoir en paiement autre chofe que ce qu'il lui doit; L. 16, Cod. de folut.

Nous n'obfervons point la Novelle 4, cap. 3, qui permet au débiteur d'une fomme d'argent, & qui n'a ni argent, ni meubles pour en faire, d'obliger fon créancier à recevoir en paiement, des héritages pour l'eftimation qui en fera faite, fi mieux n'aime le créancier lui trouver un acheteur.

531. Non-feulement le débiteur ne peut pas obliger le créancier à recevoir en paiement autre chofe que ce qui lui eft dû; mais fi par erreur le créancier croyant recevoir ce qui lui étoit dû, avoit reçu autre chofe, le paiement ne feroit pas valable, & le créancier pourroit, en offrant de rendre ce qu'il a reçu, exiger la chofe qui lui eft due. C'eft ce que décide Paul en la Loi 50, ff. de folut. Si quum aurum tibi promififfem, tibi ignoranti quafi aurum as folverim, non liberabor.

Si le créancier a bien voulu recevoir en paiement de ce qui lui étoit dû une autre chofe, il n'eft pas douteux que le paiement eft valable; L. 17, Cod. de folut. ; à moins qu'il n'y eût lieu à la reftitution contre ce paiement en cas de léfion, , pour caufe de la minorité du créancier, qui auroit donné imprudemment ce confentement, ou pour caufe de dol, &c.; L. 26, ff. de lib. leg.

532. Le débiteur peut quelquefois obliger le créancier à recevoir en paiement de qui lui eft dû, quelque autre chofe; fçavoir, lorfque la faculté lui en a été accordée, foit par le contrat, foit par quelque convention poftérieure intervenue depuis avec le créancier; L. 57; L. 96, §. 2, ff. de folut.

Par le Droit Romain cette faculté ceffoit lorfque, fur la demande du créancier, il y avoit eu conteftation en cause; d. l. 57; ce que je ne pense pas devoir être fuivi dans notre Droit.

533. Ces conventions de payer quelque chofe à la place de ce qui eft dû font toujours préfumées faites en faveur du débiteur. Ainfi il est toujours loifible au débiteur de payer la fomme même qui eft due, & le créancier ne peut exiger autre chose.

Ce pourquoi fi par contrat de mariage, un mari reçoit une certaine fomme en dot, pour fûreté de laquelle il oblige certains héritages, & qu'il foit dit que lors de la diffolution du mariage la femme les recevra en paiement de fa dot, cette convention n'empêche pas le mari ou fes héritiers de retenir lesdits héritages, en offrant la fomme reçue en dot dont la reftitution est due; L. 45, ff.de folut.

Par la même raison, fi j'ai affermé un lieu de vignes pour une fomme de 500 liv. par an, payable en vins qui s'y recueilleront, la faculté de payer en vins eft cenfée mise en faveur du fermier débiteur; & je ne pourrai l'obliger de me donner du vin, s'il offre de me payer en argent la fomme de 500 livres, prix de fa ferme.

Mais fi une fois le paiement avoit été fait d'une chose à la place de ce qui étoit dû, la chose étant confommée, le débiteur ne feroit plus recevable à répéter, en offrant de payer la fomme qui étoit due; L. 10, L. 24, Cod. de folut.

S. I I.

Le créancier eft-il tenu de recevoir par parties ce qui lui eft dû.

534. Quoiqu'une dette foit divifible, tant qu'elle n'eft pas encore divifée, le créancier n'eft pas obligé de recevoir par parties ce qui lui eft dû.

C'eft fur ce principe que Modeftin décide en la Loi 41, S. 1, ff. de ufur., que s'il n'y a pas une claufe au contrat, que le débiteur pourra payer par parties, la confignation par lui faite d'une partie, n'arrête pas le cours des intérêts, même pour la partie confignée. Cette décifion fuppofe bien clairement le principe, qu'un créancier n'eft pas obligé de recevoir par parties ce qui lui eft dû. S'il y étoit obligé, & que la confignation de la partie offerte fût valable, les intérêts cefferoient d'en courir: car lorfque la dette d'une fomme d'argent eft acquittée pour partie, les intérêts ne courent plus que pour le furplus qui refte dû. C'est ce que décide la Loi quatrieme, Cod. de comp., & c'eft ce que le feul bon fens apprend.

Quel intérêt, dira-t-on, a un créancier de refuser à fon débiteur la commodité de le payer par parties? La réponse eft qu'on a intérêt de recevoir tout à-la-fois une groffe fomme avec laquelle on fait fes affaires, plutôt que plufieurs petites fommes en différens temps, qui fe dépensent imperceptiblement à mesure qu'on les reçoit. D'ailleurs c'eft un embarras pour le créancier de charger fon regiftre d'une recette de plufieurs petites fommes, & d'avoir des calculs à faire. Molin. Tr. de div. & ind. P. 2, n°. 14.

Il ne fuffit pas même au débiteur d'offrir toute la fomme principale qu'il doit, lorfqu'elle porte intérêt; le créancier n'eft pas obligé de la recevoir, fi on ne lui paie en même temps tous les intérêts qui en font dus.

535. Lorfque plufieurs perfonnes fe font rendues cautions pour un débiteur;

quoiqu'elles

quoiqu'elles aient entre elles le bénéfice de division, néanmoins tant que le créancier ne les pourfuit pas pour le paiement, chacune d'elles ne peut l'obliger de recevoir le paiement pour partie.

La raifon eft que la dette, à laquelle plufieurs cautions ont accédé, n'est pas de plein droit divifée entre elles: ces cautions n'ont qu'une exception pour faire prononcer la divifion de la dette; c'eft lorfqu'elles font pourfuivies pour le paiement: mais fi elles fe trouvent toutes alors folvables, cette exception ne peut point être propofée. La dette, jufqu'à ce temps, n'étant pas encore divifée, c'est une conféquence que le créancier ne puiffe être tenu de la recevoir pour partie.

La fommation que la caution non pourfuivie fait au créancier de recevoir fa part, fi mieux il n'aime la décharger, n'eft pas fondée, quelque temps qu'il y ait que cette caution s'eft obligée: car ce n'eft que contre le débiteur principal qu'elle a cautionné, & non contre le créancier, que la caution a l'action mandati, pour qu'il la faffe décharger.

Cette fommation n'eft pas fondée, quand même la caution allégueroit que le débiteur principal & les cofidejuffeurs, quoiqu'encore folvables, commencent à diffiper leurs biens, & qu'elle ne doit pas fouffrir de la négligence du créancier à les pourfuivre : cette caution n'a d'autre reffource que de payer toute la dette, & de fe faire fubroger aux droits & actions du créancier; Molin. Tract. de div. & ind. P. 2, no. 54, 55, 56.

Dumoulin, no. 57, va plus loin : quand même l'obligation des cautions feroit entre elles divifée de plein droit; putà, fi trois perfonnes s'étoient rendues, chacune pour un tiers, cautions d'un débiteur, il pense que même en ce cas, la caution qui n'eft pas pourfuivie pour le paiement, ne peut forcer le créancier à recevoir le paiement de fon tiers; parce que, dit-il, l'obligation des cautions ne doit pas donner indirectement atteinte à l'obligation principale, & la rendre payable par parties, avant qu'elle foit divisée.

Je pense que Dumoulin va trop loin : en effet, cette caution n'étant obligée que pour le tiers, doit avoir la faculté de fe libérer en payant ce tiers, qui eft tout ce qu'elle doit ; car il eft permis à tout débiteur de fe libérer en offrant tout ce qu'il doit. Je penfe même que le débiteur principal qui ne pourroit en fon nom payer pour partie, pourroit payer pour l'une des cautions le tiers que doit cette caution. Le débiteur ayant intérêt de payer pour cette caution, afin de fe décharger de l'indemnité qu'il lui doit, le créancier ne peut refuser ce paiement. Dumoulin, ibid. n°. 5o, convient que c'est le fentiment commun des Docteurs, quoiqu'il foit d'un avis contraire.

536. La regle que le créancier ne peut être obligé à recevoir par parties ce qui lui eft du, tant que la dette n'eft pas encore divifée, reçoit une premiere exception lorfqu'il y a claufe au contrat, que la fomme due fera divifée en un certain nombre de paiemens ; putà, en deux, ou en trois paiemens; ou lorfqu'en confidération de la pauvreté du débiteur, le Juge l'a ordonné ainfi par un jugement de condamnation. Le créancier eft tenu, dans tous ces cas, de fe conformer à ce qui eft prefcrit par la convention, ou par le jugement de condamnation.

Lorsqu'on ne s'eft pas expliqué fur la fomme dont feroit chaque paiement Tome I.

LI

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