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Vivés, aux malheureux fervés longtems de pere. Qu'un peuple de Tyrans, qui veut nous enchaîner, Par cet exemple un jour aprenne à pardonner.

,, Allés; la grandeur d'ame eft du moins le partage

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Du Peuple infortuné qu'ils ont nommé sauvage. Eh bien, vous gémiffez! Je fens qu'à ce récit Votre cœur, malgré vous, s'émeut & s'adoucit. L'humanité vous parle ainfi que votre pere, Ah! fila cruauté vous étoit toûjours chere, De quel front aujourd'hui pourriés-vous vous offrir Au vertueux, objet qu'il vous faut attendrir, A la fille des Rois de ces triftes contrées, Qu'à vos fanglantes mains la fortune a livrées, Prétendés-vous, mon fils, cimenter ces liens Par le fang répandu de fes concitoyens? Ou bien attendés-vous que fes cris & fes larmes, De vos févéres mains faffent tombler les armes ?

GUSMAN.

Eh bien, vous l'ordonnés ; je brife leurs liens.
J'y confens. Mais fongés qu'il faut qu'ls foient Chré-

tiens;

Ainfi le veut la Loi. Quitter l'idolatrie

Eft un titre en ces lieux pour mériter la vie,
A la Religion gagnons-les à ce prix.

Commandons aux coeurs même, & forçons les efprits."
De la néceffité le pouvoir invincible,

Traîne au pied des Autels un courage inflexible.

Je veux que ces Mortels, esclaves de ma Loi,

Tremblent fous un feul Dieu comme fous un feul Roi.

ALVARE's.

Ecoutés-moi, mon fils. Plus que vous je défire
Qu'ici la vérité fonde un nouvel Empire;
Que le Ciel & l'Espagne y. foient fans ennemis:
Mais les cœurs oprimés ne font jamais foumis.
J'en ai gagné plus d'un, je n'ai forcé perfonne,
Et le vrai Dieu, mon fils, eft un Dieu qui pardonne.

GUSMAN.

Je me rends donc, Seigneur, & vous l'avés voulu ;
Vous avés fur un fils un pouvoir absolu.

Oui, vous amoliriés le cœur le plus farouche;
L'indulgente vertu parle par votre bouche.
Eh bien, puisque le Ciel voulut vous accorder
Ce don, cet heureux don de tout perfuader,
C'eft de vous que j'attends le bonheur de ma vie.
"Alzire, contre moi par mes feux enhardie,
Se donnant à regret, ne me rend point heureux.
Je l'aime, je l'avouë, & plus que je ne veux;
Mais enfin je ne puis même en voulant lui plaire,
De mon cœur trop altier, fléchir le caractere;
Et rampant fous fes loix, efclave d'un coup d'œil,
Par des foumiffons careffer fon orgueil.

Je ne veux point fur moi lui donner tant d'empire.
Vous feul, vous pouvés tout fur le pere d'Alzire ;

En un mot parlés-lui pour la derniere fois.

Qu'il commande à fa fille, & force enfin fon choix: Daignés.... mais c'en eft trop. Je rougis que mon pere Pour l'interét d'un fils s'abaiffe à la priere.

ALVARE'S.

C'en eft fait, j'ai parlé, mon fils, & fans rougir.
Monteze a vû fa fille, il l'aura fçû fléchir.
De fa famille augufte, en ces lieux prifonniere,
Le Ciel a par mes foins confolé la mifere.

Pour le vrai Dieu, Monteze a quitté fes faux Dieux;
Lui-même de fa fille a défillé les yeux,

De tout ce nouveau monde Alzire eft le modele;
Les Peuples incertains fixent leurs yeux fur elle;'
Son cœur aux Caftillans vâ donner tous les cœurs,
L'Amérique à genoux adoptera nos mœurs.
La foi doit y jetter fes racines profondes:

X

Votre hymen eft le noeud qui joindra les deux mondes.
Ces féroces humains qui déteftent nos Loix,
Voyant entre vos bras la fille de leurs Rois,

Vont d'un efprit moins fier, & d'un coeur plus facile,
Sous votre joug heureux baiffer un front docile;
Et je verrai, mon fils, grace à ces doux liens,
Tous les cœurs déformais Efpagnols & Chrétiens.
Monteze vient ici, mon fils, allés m'attendre
Aux Autels, où fa fille avec lui va se rendre.

E

SCENE II.

ALVARE'S, MONTEZE.

ALVARE'S.

H bien votre Sageffe, & votre autorité
Ont d'Alzire en effet fléchi la volonté.

MONTEZ E.

Pere, des malheureux, pardonne fi ma fille,
Dont Gufman détruifit l'Empire & la famille,
Semble éprouver encor un refte de terreur,

Et d'un pas chancelant marche vers fon vainqueur,
Les noeuds qui vont unir l'Europe & ma patrie
Ont revolté ma fille en ces climats nourrie;
Mais tous les préjugés s'effacent à ta voix.
Tes mœurs nous ont apris à révérer tes loix.
C'est par toi que le Ciel à nous s'eft fait connaître.
Notre efprit éclairé te doit fon nouvel être.
Sous le fer Caftillan ce monde est abattu ;
Il cede à la puiffance, & nous à la vertu.
De tes Concitoyens la rage impitoyable

Auroit rendu, comme eux, leur Dieu même haïffable,
Je déteftai ce Dieu qu'annonça leur fureur,

Je l'aimai dans toi feul; il s'eft peint dans ton cœur : Voilà ce qui te donne, & Monteze & ma fille. Inftruits par tes vertus nous fommes ta famille.

Sers luy long-tems de pere, ainfi qu'à nos Etats.
Je la donne à ton fils, je la mets dans fes bras:
Le Perou, le Potose, Alzire est fa conquête.
Vå dans ton Temple augufte en ordonner la fête,
Vâ; je croi voir des Cieux les peuples éternels
Defcendre de leur fphere, & fe joindre aux mortels.
Je répons de ma fille; elle va reconnaître

Dans le fier Don Gufman, fon Epoux & fon Maître.

ALVAREZ.

Ah? puis qu'enfin mes mains ont pû former ces noeuds,
Cher Monteze! au tombeau, je defcends trop heureux.
Toi qui nous découvris ces immenfes contrées,
Rend du monde aujourd'hui les bornes éclairées,
Dieu des Chrétiens! préfide à ces vœux folemnels,
Les premiers qu'en ces lieux on forme à tes autels!
Defcend, attire à toi l'Amérique étonnée.

Adieu, je vais préffer cet heureux himenée:
Adieu, je te devrai le bonheur de mon fils.

SCENE III.

MONTEZE feul..

Ieu, deftructeur des Dieux que j'avois trop fervis!
Protege de mes ans la fin dure & funefte.

Tout me fut enlevé, ma fille ici me reste:

Daigne veiller fur elle, & conduire fon cœur.

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