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SCENE IV.

MONTEZE, ALZIRE,

MONTEZ E.

A fille, il en eft tems, confens à ton bonheur;

Mou plutôt, là ta ton coeur me

Ou plutôt, fi ta foy, fi ton cœur me seconde,

Par ta felicité fais le bonheur du monde.
Protege les Vaincus, commande à nos Vainqueurs,
Eteins entre leurs mains leurs foudres deftructeurs.
Remonte au rang des Rois du fein de la mifere,
Tu dois à ton Etat plier ton caractere.

Prens un cœur tout nouveau, viens, obéis, fuis-moi,
Et renais Espagnole en renonçant à toi.

Seche tes pleurs, Alzire, ils outragent ton pere.

ALZIRE

Tout mon fang eft à vous, mais fi je vous fuis chere Voyés mon désespoir, & lifés dans mon cœur.

MONTEZE.

Non, je ne veux plus voir ta honteufe douleur.
J'ai reçu ta parole, il faut qu'on l'accompliffe.

ALZIRE.

Vous m'avés arraché cet affreux facrifice,

Mais quels tems, juftes Cieux! pour engager ma foi,
Voici ce jour, horrible où tout perit pour moi,
Où de ce fier Gufman le fer ofa détruire
Des Enfans du Soleil le redoutable Empire.
Que ce jour eft marqué par des fignes affreux!

MONTEZ E.

Nous feuls rendons les jours heureux ou malheureux.
Quitte un vain préjugé, l'ouvrage de nos Prêtres,
Qu'à nos peuples groffiers ont tranfmis nos ancêtres.
You ALZIRE.

Au même jour, helas! le vengeur de l'Etat,
Zamore mon efpoir, périt dans le combat,
Zamore mon Amant, choifi pour votre gendre.

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J'ai donné, comme toi, des larmes à fa cendre.
Les morts dans le tombeau n'éxigent point ta foi.
Porte, porte aux Autels un coeur maître de foi:
D'un amour infenfé pour des cendres éteintes
Commande à ta vertu d'écarter les atteintes.
Tu dois ton ame entiere à la loi des Chrétiens,
Dieu t'ordonne par moi de former ces liens,
Il t'apelle aux Autels, il regle ta conduite;
Entend fa voix.

ALZIRE.

Mon pere! où m'avés-vous réduite?

Je fçais ce qu'eft un pere, & quel eft fon pouvoir.

M'immoler, quand il parle, eft mon prêmier devoir; Et mon obéïffance a paffé les limites

Qu'à ce devoir facré la nature a prefcrites.

Mes yeux n'ont jufqu'ici rien vu que par vos yeux.
Mon cœur changé par vous abandonna ses Dieux.
Je ne regrette point leurs grandeurs terraffées :
Devant ce Dieu nouveau comme nous abaiffées:
Mais vous, qui m'affuriés, dans mes troubles cruels,
Que la paix habitoit au pied de fes Autels,

Que fa loi, fa morale & confolante & pure,
De mes fens défolés guériroit la bleffure,

Vous trompiés ma foibleffe! un trait toujours vainqueur

Dans le fein de ce Dieu vient déchirer mon cœur.

Il

y porte une image à jamais renaiffante.

Zamore vit encore au cœur de fon Amante.
Condamnés s'il le faut, ces juftes fentimens.
Ce feu victoreux de la mort & du temps,
Cet amour immortel ordonné par vous-même,
Uniffés votre fille au fier Tiran qui m'aime,
Mon Païs le demande ; il le faut, J'obéïs:
Mais tremblés, en formant ces noeuds mal affortis,
Tremblés, vous qui d'un Dieu, m'annoncés la ven-

geance,

Vous qui me commandés d'aller en fa présence Promettre, à cet Epoux qu'on me donne aujourd'hui, Un cœur qui brûle encor pour un autre que lui.

2

Ah! que

MONTEZĖ.

dis-tu, ma fille! épargne ma vieilleffe. Au nom de la Nature, au nom de ma tendreffe, Par nos deftins affreux, que ta main peut changer, Par ce cœur paternel que tu viens d'outrager, Ne rends point de mes ans la fin trop douloureuse. Ai-je fait un feul pas, que pour te rendre heureuse? Jouïs de mes travaux; mais crains d'empoisonner Ce bonheur difficile, où j'ai fcû t'amener. Ta carriere nouvelle, aujourd'hui commencée, Par la main du devoir eft à jamais tracée. Ce Monde en gémiffant, te preffe d'y courir. Il n'a d'apui que toi, voudras-tu le trahir? Aprend à te dompter.

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JA

'Ai fujet de me plaindre,

Que l'on oppofe encore à mes empreffemens,
L'offençante lenteur de ces retardemens,

J'ai fufpendu ma loy prête à punir l'audace,
De tous ces Ennemis, dont vous vouliés la grace.
Ils font en liberté; mais j'aurois à rougir,
Si ce foible service eut pû vous attendrir.

J'attendois encor moins de mon pouvoir suprême.
Je voulois vous devoir à ma flamme, a vous-même,
Et je ne penfois pas, dans mes vœux fatisfaits,
Que ma felicité vous coutât des regrets.

ALZIRE.

Que puiffe feulement la colere celefte

Ne pas rendre ce jour a tous les deux funefte!
Vous voyés quel effroy me trouble & me confond.
Il parle dans mes yeux, il est peint fur mon front.
Tel eft mon caractére, & jamais mon visage
N'a de mon cœur encor démenti le langage.
Qui peut fe déguiser, pourroit trahir sa foi.
C'est un art de l'Europe; il n'eft pas fait pour
GUSMAN.

moi.

vois votre franchise, & je fçais que Zamore Vit dans votre mémoire, & vous eft cher encore. Ce Cacique obftiné, vaincu dans les Combats,

*

S'arme encor, contre moi de la nuit du trépas. Vivant, je l'ai dompté; mort, doit-il être à craindre? Ceffés de m'offenfer, & ceffés de le plaindre.

Le mot propre eft Inca; mais les Espagnols accoutumés, dans l'Amèrique Septentrionale, au titre de Cacique, le donnérent d'a bord à tous les Souverains du nouveau Monde.

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