SCENE IV. MONTEZE, ALZIRE, MONTEZ E. A fille, il en eft tems, confens à ton bonheur; Mou plutôt, là ta ton coeur me Ou plutôt, fi ta foy, fi ton cœur me seconde, Par ta felicité fais le bonheur du monde. Prens un cœur tout nouveau, viens, obéis, fuis-moi, Seche tes pleurs, Alzire, ils outragent ton pere. ALZIRE Tout mon fang eft à vous, mais fi je vous fuis chere Voyés mon désespoir, & lifés dans mon cœur. MONTEZE. Non, je ne veux plus voir ta honteufe douleur. ALZIRE. Vous m'avés arraché cet affreux facrifice, Mais quels tems, juftes Cieux! pour engager ma foi, MONTEZ E. Nous feuls rendons les jours heureux ou malheureux. Au même jour, helas! le vengeur de l'Etat, J'ai donné, comme toi, des larmes à fa cendre. ALZIRE. Mon pere! où m'avés-vous réduite? Je fçais ce qu'eft un pere, & quel eft fon pouvoir. M'immoler, quand il parle, eft mon prêmier devoir; Et mon obéïffance a paffé les limites Qu'à ce devoir facré la nature a prefcrites. Mes yeux n'ont jufqu'ici rien vu que par vos yeux. Que fa loi, fa morale & confolante & pure, Vous trompiés ma foibleffe! un trait toujours vainqueur Dans le fein de ce Dieu vient déchirer mon cœur. Il y porte une image à jamais renaiffante. Zamore vit encore au cœur de fon Amante. geance, Vous qui me commandés d'aller en fa présence Promettre, à cet Epoux qu'on me donne aujourd'hui, Un cœur qui brûle encor pour un autre que lui. 2 Ah! que MONTEZĖ. dis-tu, ma fille! épargne ma vieilleffe. Au nom de la Nature, au nom de ma tendreffe, Par nos deftins affreux, que ta main peut changer, Par ce cœur paternel que tu viens d'outrager, Ne rends point de mes ans la fin trop douloureuse. Ai-je fait un feul pas, que pour te rendre heureuse? Jouïs de mes travaux; mais crains d'empoisonner Ce bonheur difficile, où j'ai fcû t'amener. Ta carriere nouvelle, aujourd'hui commencée, Par la main du devoir eft à jamais tracée. Ce Monde en gémiffant, te preffe d'y courir. Il n'a d'apui que toi, voudras-tu le trahir? Aprend à te dompter. JA 'Ai fujet de me plaindre, Que l'on oppofe encore à mes empreffemens, J'ai fufpendu ma loy prête à punir l'audace, J'attendois encor moins de mon pouvoir suprême. ALZIRE. Que puiffe feulement la colere celefte Ne pas rendre ce jour a tous les deux funefte! moi. vois votre franchise, & je fçais que Zamore Vit dans votre mémoire, & vous eft cher encore. Ce Cacique obftiné, vaincu dans les Combats, * S'arme encor, contre moi de la nuit du trépas. Vivant, je l'ai dompté; mort, doit-il être à craindre? Ceffés de m'offenfer, & ceffés de le plaindre. Le mot propre eft Inca; mais les Espagnols accoutumés, dans l'Amèrique Septentrionale, au titre de Cacique, le donnérent d'a bord à tous les Souverains du nouveau Monde. |