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A tant de malheureux, aux larmes des vaincus,
Au foin de l'Univers, helas! où tu n'es plus.
Zamore, laiffe en paix mon ame déchirée

Suivre l'affreux devoir où les Cieux m'ont livrée :
Souffre un joug impofé par la néceffité;
Permets ces nœuds cruels, ils m'ont affés couté.

E

SCENE II.

ALZIRE, EMIRE..

ALZIRE.

H bien! veut-on toujours ravir à ma préfence,

1

Les Habitans des lieux fi chers à mon enfance?

Ne puis-je voir enfin ces Captifs malheureux,

Et goûter la douceur de pleurer avec eux?

EMIRE.

Ah! plutôt de Gufman redoutés la furie,
Craignés pour ces Captifs, tremblés par la Patrie.
On nous menace, on dit qu'à notre Nation
Ce jour fera le jour de la deftruction.

On déploye aujourd'hui l'etendart de la guerre,
On allume ces feux enfermés fous la terre;
On affembloit déja le fanglant Tribunal,
Monteze eft apellé dans ce Confeil fatal.

C'est tout ce que j'ai fçû.

ALZIRE.

Ciel! qui m'avés trompée,

De quel étonnement je demeure frappée!

Quoi! prefque entre mes bras, & du pied de l'autel,
Gufman contre les miens leve fon bras cruel!

Quoi? J'ai fait le ferment du malheur de ma vie!
Serment! qui pour jamais m'avés affujettie.
Himen, cruel Himen! fous quel aftre odieux!
Mon pere a-t'il formé tes redoutables nœuds.

SCENE V.

ALZIRE, EMIRE, CEPHANE.

M

CEPHAN E.

Adame, un des Captifs, qui dans cette journée
N'ont dû leur liberté qu'à ce grand Himenée,

A vos pieds en fecret demande à fe jetter.

ALZIRE.

Ah! qu'avec affurance il peut fe présenter!
Sur lui, fur fes amis, mon ame eft attendrie.
Ils font chers à mes yeux, j'aime en eux la Patrie. i
Mais quoi? faut-il qu'un feul demande à me parler?

CEPHAN E.

Il a quelques fecrets, qu'il veut vous révéler.
C'est ce même Guerrier, dont la main tutelaire
De Gufman votre époux fauva, dit-on, le Pere.

EMIRE.

Il vous cherchoit, Madame, & Monteze en ces lieux
Par des ordres fecrets le cachoi: à vos yeux.
Dans un fombre chagrin fon ame enveloppée,
Sembloit d'un grand deffein profondément frappée.

CEPHANE.

On lifoit fur fon front le trouble & les douleurs:
Il vous nommoit, Madame, & répandoit des pleurs:
Et l'on connoît affés par fes plaintes fecrettes,
Qu'il ignore, & le rang & l'éclat où vous êtes.

ALZIRE.

Quel éclat, cher Emire, & quel indigne rang!
Ce Heros malheureux, peut-être eft de mon fang.
De ma famille au moins il a vû la puiffance ;.
Sans doute de Zamore il avoit connaiffance."
Qui fçait, fi de fa perte il ne fût pas témoin?
Il vient pour m'en parler: ah! quel funefte foin.
Sa voix redoublera les tourmens que j'endure,

Il va percer mon cœur & r'ouvrir ma blessure,
Mais n'importe, qu'il vienne. Un mouvement confus
S'empare malgré moi de mes fens éperdus.
Helas! dans ce Palais arrofé de mes larmes,
Je n'ai pas encor eu de moment fans allarmes.

SCENE IV.

ALZIRE, ZAMORE, EMIRE.

M

ZAMORE.

Eft-elle enfin renduë? Eft-ce elle que je vois?

ALZIRE.

Ciel! tels étoient fes traits, fa démarche, fa voix,
Elle tombe entre les mains de fa confidente.
Zamore.... Je fuccombe; à peine je respire.

Reconnoi ton amant.

ZAMORE.

ALZIRE.

Zamore aux pieds d'Alzire !

Eft-ce une illufion?

ZAMORE.

Non, je revis pour toi.

Je réclame à tes pieds tes fermens & ta foi.

O moitié de moi-même! Idole de mon ame!
Toi, qu'un amour fi tendre affuroit à ma flamme,
Qu'as tu fait des faints noeuds qui nous ont enchaînés ?

ALZIRE.

O jours! O doux momens d'horreur empoifonnés Cher & fatal objet de douleur & de joie,

Ah! Zamore, en quel tems faut-il que je te voie? Chaque mot dans mon cœur enfonce le poignard.

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Le bruit de mon trêpas a dû remplir le monde,
J'ai traîné loin de toi ma courfe vagabonde,
Depuis que ces Brigans, t'arrachant à mes bras,
M'enlevérent mes Dieux, mon trône, & tes appas.
Sçais-tu que ce Gufman, ce deftructeur fauvage,
Par des tourmens fans nombre éprouva mon courage?

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