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D'un de ces vils mortels en Europe ignorés,

Qu'à peine du nom d'homme on auroit honorés.... Que vois-je! Alzire! ô Ciel....

SCENE

II.

GUSMAN, ALZIRE, EMIRE,

ALZIRE..

C'Eft moi, c'eft ton Epouse ;

C'eft ce fatal objet de ta fureur jalouse,

Qui n'a pû te chérir, qui t'a dû reverer,

Qui te plaint, qui t'outrage, & qui vient t'implorer. Je n'ai rien déguifé. Soit grandeur, foit foibleffe Ma bouche a fait l'aveu qu'un autre a ma tendreffe: Et ma fincerité, trop funefte vertu,

Si mon amant périt, eft ce qui l'a perdu.

Je vais plus t'étonner; ton époufe a l'audace,
De s'adreffer à toi demander fa grace.

pour

J'ai crû que Dom Gufman, tout fier, tout rigoureux,
Tout terrible qu'il eft, doit être généreux.

J'ai pensé qu'un Guerrier, jaloux de fa puiffance,
Peut mettre l'orgueil même à pardonner l'offenfe,
Une telle vertu féduiroit plus nos cœurs,

Que tout l'or de ces lieux n'éblouit nos vainqueurs,
Par ce grand changement dans ton ame inhumaine,
Par un effort fi beau, tu vas changer la mienne,

Tu t'afïures ma foi, mon respect, mon amour, retour Tous mes vœux (s'il en eft qui tiennent lieu d'amour.)

Pardonne.... je m'égare....éprouve mon courage.
Peut-être une Espagnole, eût promis davantage.
Elle eût pû prodiguer les charmes de fes pleurs ;
Je n'ai point leurs attraits, & je n'ai point leurs mœurs.
Ce cœur fimple & formé des mains de la nature,
En voulant t'adoucir redouble ton injure;
Mais enfin c'est à toi d'éffayer deformais,
Sur ce cœur indompté la force des bienfaits.
GUSMAN.

Eh bien! fi les vertus peuvent tant fur votre ame,
Pour en fuivre les loix, connaiffés les, Madame.
Etudiés nos mœurs, avant de les blâmer.

Ces mœurs font vos devoirs, il faut s'y conformer.
Scachés que le premier, eft d'étouffer l'idée,
Dont votre ame à mes yeux eft encor poffedée.
De vous refpecter plus, & de n'ofer jamais
Me prononcer le nom d'un rival que je hais,
D'en rougir la premiere, & d'attendre en filence,
Ce que doit d'un barbare ordonner ma vengeance.
Scachés que votre Epoux qu'ont outragé vos feux,
S'il peut vous pardonner, eft affés généreux.
Plus que vous ne pensés, je porte un cœur sensible,
Et ce n'eft pas à vous à me croire infléxible.

V

SCENE III.

ALZIRE, EMIRE.

EMIRE.

Ous voyés qu'il vous aime, on pouroit l'attendrir.

ALZIRE,

S'il m'aime, il eft jaloux: Zamore va périr :
J'affaffinois Zamore en demandant fa vie.
Ah! Je l'avois prévû. M'auras-tu mieux fervie?
Pouras-tu le fauver? Vivra-t'il loin de moi?
Du Soldat qui le garde as-tu tenté la foi?

EMIRE.

L'or qui les féduit tous, vient d'éblouir fa vuë.
Sa foi n'en doutés point, sa main vous eft vendue.

ALZIRE.

Ainfi graces aux Cieux, ces métaux détestés,
Ne fervent pas toujours à nos calamités.

Ah! ne perds point de tems: tu balances encore.

EMIRE.

Mais auroit-on juré la perte de Zamore?

Alvarès auroit-il affes peu de crédit,

Et le Confeil enfin

...

ALZIRE.

Je crains tout, il fuffit,

Tu vois de ces Tirans la fierté tirannique.

Ils penfent que pour eux le Ciel fit l'Amérique,
Qu'ils en font nés les Rois; & Zamore à leurs yeux,
Tout Souverain qu'il fût n'eft qu'un féditieux.
Confeil de meurtriers! Gufman, Peuple barbare!
Je préviendrai les coups que votre main prépare.
Ce Soldat ne vient point, qu'il tarde à m'obéir !

EMIRE.

Madame, avec Zamore il va bientôt venir;
Il court à la prifon. Deja la nuit plus fombre
Couvre ce grand deffein du fecret de fon ombre.
Fatigués de carnage & de fang enivrés,

Les Tirans de la terre au fommeil font livrés.

ALZIRE.

Allons, que ce Soldat nous conduife à la porte,
Qu'on ouvre la prifon, que l'innocence en forte.

EMIRE.

Il vous prévient déja; Cephane le conduit.
Mais fi l'on vous rencontre en cette obfcure nuit,

Votre gloire eft perdue, & cette honte extrême..

ALZIRE:

Va, la honte feroit de trahir ce que j'aime.

Cet honneur étranger parmi nous inconnu,
N'eft qu'un fantôme vain qu'on prend pour la vertu,
C'est l'amour de la gloire & non de la justice,
La crainte du reproche & non celle du vice.

Je fus inftruite, Emire, en ce groffier climat,
A fuivre la vertu fans en chercher l'éclat.

L'honneur eft dans mon cœur, & c'eft lui qui m'ordonne,

De fauver un Heros que le Ciel abandonne.

SCENE IV.

ALZIRE, Z A MORE, EMIRE.

ALZIRE.

"

Out eft perdu pour toi, tes Tirans font vain

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queurs,

Ton fupplice eft tout prêt, fi tu ne fuis, tu meurs. Pars, ne perds point de tems, prens ce Soldat pour guide.

Trompons des meurtriers, l'efpérance homicide,

Tu vois mon defefpoir, & mon faififfement:

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