Imágenes de páginas
PDF
EPUB

SCENE VI.

ALVARE'S, ZAMORE, ALZIRE, ALONZE, AMERICAINS, ESPAGNOLS.

Ο

ALONZE.

Namene à vos yeux votre malheureux Fils.
Seigneur, entre vos bras il veut quitter la vie.
Du Peuple qui l'aimoit, une troupe en furie,
S'empreffant près de lui, vient fe raffafier
Du fang de fon Epoufe, & de fon Meurtrier.

SCENE VII.

ALVARE'S, GUSMAN, ZAMORE, ALZIRE, MONTEZE, AMERICAINS, SOLDATS.

ZAMORE.

CRuels, fauvés Alzire, & preffés mon suplice.

ALZIRE.

Non, qu'une affreufe mort tous trois nous réuniffe.

ALVARE'S.

Mon Fils mourant, mon Fils, ô comble de douleur ! ZA MORE à Gufman.

Tu veux donc jufqu'a bout consommer ta fureur. Viens, vois couler mon fang, puifque tu vis encore, Viens aprendre à mourir en regardant Zamore. GUSMAN à Zamore.

1 eft d'autres vertus que je veux t'enfeigner: Je dois un autre exemple & je viens le donner.

à Alvares.

Le Ciel qui veut ma mort & qui l'a fufpendue,
Mon Pere, en ce moment m'amene à votre vue.
Mon ame fugitive, & prête à me quitter,

S'arrête devant vous ;... mais pour vous imiter.
Je meurs, le voile tombe, un nouveau jour m'éclaire
Je ne me fuis connu qu'au bout de ma carriere.
J'ai fait jusqu'au moment qui me plonge au cercueil,
Gémir l'humanité du poids de mon, orgueil.
Le Ciel vange la Terre, il eft jufte; & ma vie.
Ne peut payer le fang, dont ma main s'est rougie,
Le bonheur m'aveugla, la mort m'a détrompé.
Je pardonne à la main par qui Dieu m'a frappé,
J'étois maître en ces lieux; feul j'y commande encore.
Seul je puis faire grace, & la fais à Zamore,
Vis, fuperbe ennemi, fois libre, & te fouvien,
Quel fut & le devoir, & la mort d'un Chrétien.
à Monteze qui fe jette à fes pieds.

Monteze, Americains, qui futes mes victimes,
Songés que ma clemence a furpaffé mes crimes.
Inftruises l'Amerique, aprenés à fes Rois

Que les Chrétiens font nes pour leur donner des Loix. à Zamore.

Des Dieux que nous fervons, connois la difference: Les tiens t'ont commandé le meurtre & la vengeance, Et le mien, quand ton bras vient de m'affaffiner, M'ordonne de te plaindre, & de te pardonner. ALVAR E'S S.

Ah mon Fils! tes vertus égalent ton courage.

ALZIRE.

Quel changement, grand Dieu, quel étonnant langage!

ZAMORE.

Quoi, tu veux me forcer moi-même au repentir!
GUSMAN.

Je veux plus, je te veux forcer à me cherir.
Alzire n'a vêcu que trop infortunée,

Et par mes cruautés, & par mon himenée.
Que ma mourante main la remette en tes bras.
Vivés fans me haïr, gouvernés vos Etats:
Et de vos murs détruits rétablifant la gloire,
De mon nom s'il fe peut beniffés la mémoire.
à Alvares.

Daignés fervir de Pere à ces Epoux heureux;
Que du Ciel par vos foins le jour luife fur eux
Aux clartés des Chrétiens fi fon ame eft ouverte,
Zamore eft votre Fils, & répare ma perte.

ZA MORE.

Je demeure immobile, égaré, confondu,
Quoi donc les vrais Chrétiens auroient tant de vertu f
Ah! la Loi qui t'oblige à cet effort fuprême,
Je commence à le croire, eft la Loi d'un Dieu même.
J'ai connu l'amitié, la conftance, la foi:

Mais tant de grandeur d'ame eft au deffus de moi,
Tant de vertu m'accable & fon charme m'attire,

Honteux d'être vangé, je t'aime & je t'admire.

Il fè jètte à fes pieds.

ALZIRE.

Seigneur, en rougiffant je tombe à vos genoux.
Alzire en ce moment voudroit mourir pour vous.
Entre Zamore & vous mon ame dechirée,
Succombe au repentir dont elle eft dévorée.
Je me fens trop coupable, & mes triftes erreurs....
GUSMAN.

Tout vous eft pardonné, puisque je vois vos pleurs.
Pour la derniere fois aprochés-vous, mon Pere:
Vivés long-tems heureux, qu'Alzire vous foit chere,
Zamore fois Chrétien, je fuis content, je meurs....

ALVARE's à Monteze.

Je vois le doigt de Dieu marqué dans nos malheurs.
Mon cœur defefperé fe foumet, s'abandonne
Aux volontés d'un Dieu, qui frape, & qui pardonne.

*Ceux qui ont prétendu que c'eft ici une converfion miraculeufe fe font trompés. Zamore eft changé en ce qu'il s'attendrit pour fon ennemi. Il commence à respecter le Chriftianisme : une converfion fubite feroit ridicule en de telles circonstances.

FIN.

J'A

'Ai lû par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux La Tragedie d'Alzire, A Paris ce 28. Mars 1736.

UNIVERSITY 23 KA 1975

RA

LA SERRE..

78753679

« AnteriorContinuar »