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DIVISION I.

De l'épreuve des postulans avant d'être admis au Noviciat.

Pour peu que l'on veuille faire attention aux caufes du relâchement de la difcipline monaftique, on comprendra facilement qu'une des principales eft la trop grande facilité avec laquelle on admet dans les monafteres ceux qui se préfentent pour y être reçûs. On voit tous les jours quantité de gens qui n'ont aucune difpofition pour une vie fi fainte, qui font même remplis de l'efprit du monde & imbus de fes maximes, entrer dans les monafteres, corrompre les moines qui y font déja, énerver peu à peu & même détruire la difcipline.

C'est pourquoi le premier foin des fondateurs & des légiflateurs d'ordre, a toujours été d'ordonner que l'on examinât fcrupuleufement ceux qui fe préfentoient pour être admis, fur leurs mœurs, fur leur vocation & fur leurs facultés de l'efprit & du corps. Saint Benoît, dans le chapitre 58 de fa régle, veut que l'on reçoive difficilement ceux qui fe préfentent pour être admis. Le pape Clement VIII. dans fes décrets pour la réception des novices, . 23, ordonne aux fupérieurs de s'informer de ceux qui fe préfentent, dans quel deffein, à quelle intention ils veulent embraffer la vie religieufe, fi c'eft pour fe corriger, pour mener une vie plus réguliére & plus auftére; ou s'ils ne font point conduits par quelqu'intérêt humain, ou par légéreté.

A l'égard de la façon & du tems dont cet examen fe doit faire, il y a eu de la variété, fuivant les différens inftituts & les différens fiécles. Saint Benoît veut que, fi celui qui fe préfente perfévere pendant quatre à cinq jours à demander d'être admis, malgré les difficultés qu'on lui fait naître & les injures qu'on lui fait effuïer, il foit admis.

Après cet examen, on lui donne à la vérité l'entrée dans le monastere; mais on ne le met pas dans la chambre des novices: on le loge avec les hôtes pendant quelques jours.

C'eft-là comme une efpéce de fecond examen des poftulans. Saint Benoît ne prefcrit point ce qu'ils doivent faire pendant qu'ils font dans cet appartement des hôtes : mais d'autres régles fe font expliquées fur cette matiere.

L'auteur de la régle de Ternei dit qu'il doit y fervir les hôtes jufqu'à ce que fa patience ait prouvé fa vocation. Saint Fruc

tueux evêque de Prague, dans le feptiéme fiécle, preferit la même chofe dans fa régle, chapitre 21. Saint Ifidore, dans le chapitre 4 de fa régle, dit qu'il faut examiner, pendant trois mois, comment le poftulant le comporte dans l'appartement des hôtes, & pendant qu'il les fert; afin de l'admettre au bout de ce tems dans la congrégation. Neque enim, dit-il, fufcipi intùs quemquam convenit, nifi priùs foris pofitus ejus humilitas, five patientia pro

betur.

Au refte, tous ces examens & toutes ces épreuves dépendent de la prudence & de la volonté des fupérieurs; & leur défaut n'emporte point la nullité des vœux; puifque ni les loix eccléfiaftiques, ni les loix civiles ne les exigent.

La foibleffe du fexe a fait prendre des mefures pour empêcher que les filles & les yeuves ne fiffent profeffion par contrainte. Le fixiéme concile de Paris, tenu en 829, porte qu'on ne peut donner le voile aux veuves fans le confentement de l'évêque; & le canon 42 de ce concile fe plaint de la légéreté des femmes qui prennent le voile d'elles-mêmes. Il veut qu'elles soient préalablement examinées par l'évêque. Concil. to. 7, col. 1625. Un capitulaire de Louis le Débonnaire, lib. I, addit. 2, cap, II, avoit ordonné la même chose.

Le concile de Trente, feff. 25, de Regular. cap. 17, défend de donner l'habit régulier à aucune fille avant l'âge de douze ans, & veut que cette cérémonie foit précédée d'un examen fait par l'évêque, ou par fon grand-vicaire, ou autre perfonne par eux commife; lequel examen doit être réitéré avant l'émiffion des vœux. Ils doivent rechercher avec foin dans cet examen quelle eft l'intention de la fille, fi elle n'a point été féduite, & fi elle connoît bien l'engagement qu'elle veut contracter. Si fa volonté eft contrainte, ou fi elle eft libre, & déterminée feulement par la piété; fi elle a les dispositions néceffaires pour obferver la régle de l'ordre & du monaftere en particulier; fi celui dans lequel elle veut s'engager lui eft propre; fi elle eft en liberté de faire des vœux. Et afin que l'évêque foit inftruit du tems de la profeffion, la fupérieure du monaftere eft obligée de l'en avertir un mois avant, à peine de fufpenfe quand & fi long-tems que P'évêque le jugera à propos.

Les termes du concile de Trente, qui expriment les difpofitions dont nous venons de rendre compte, font répétés dans le concile d'Aix, tenu en 1581, & dans celui de Rouen, tenu en ** 585,

Le

Le concile de Tours, tenu en 1583, veut que l'examen qui précéde la prife d'habit foit fait hors du monaftere, & que celui qui doit intervenir avant la profeffion foit fait dans l'intérieur du monaftere, ou dans l'églife extérieure, quand il y a des raifons qui empêchent qu'il ne fe faffe dans l'intérieur.

Il doit donc, fuivant la discipline du concile de Trente & celle des conciles poftérieurs qui ont traité la même matiere, y avoir deux examens mais c'eft une queftion parmi les canoniftes de fçavoir s'ils font néceffaires tous les deux pour la validité de la profeffion.

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Zipæus, in jur. nov. tit. de Regular. prétend que, fuivant la coutume de ces derniers tems, il eft à la vérité plus louable de les faire subir, afin de fe conformer à la difcipline prescrite par les faints canons : mais qu'à la rigueur un feul fuffit.

Van-Efpen eft d'un fentiment contraire, & cite le concile de Cambrai, tit. 20, cap. 20.

Suivant l'article 34 du réglement général arrêté dans l'affemblée du Clergé de France en 1625, la fupérieure d'un monaftere, quoiqu'exempte, avant de donner l'habit de novice à une fille, ou de la recevoir à faire fes vœux, eft tenue d'en avertir l'évêque diocéfain, ou fon grand-vicaire, un mois ou environ auparavant, afin qu'elle foit examinée.

Il faut cependant convenir que l'ufage eft de n'avertir l'évêque qu'une fois, & avant la profeffion; & que par conféquent il ne fe fait qu'un feul examen. L'ordonnance de Blois, art. 28, porte que » les abbeffes, ou prieures, auparavant que faire » bailler aux filles les habits de profeffes, pour les recevoir à la » profeffion, feront tenues, un mois devant, avertir l'évêque, » fon vicaire, ou fupérieur de l'ordre, pour s'enquérir par eux » & informer de la volonté defdites filles, & s'il y a eu con» trainte ou induction, & leur faire entendre la qualité du vœu >> auquel elles s'obligent. »

Cet article femble, comme on voit, laiffer à la fupérieure le choix de faire avertir l'évêque diocéfain, ou le fupérieur de l'ordre mais il ne doit & ne peut être obfervé en ce point. En effet, comme le remarque Theveneau, en fon commentaire fur les ordonnances, livre I, titre 10, article 2, article 2, ce n'eft pas l'intention du concile de Trente, duquel cette difpofition a été tirée. Il a laiffé les évêques, & non les fupérieurs de l'ordre, direc teurs en cette partie, quoique les monafteres foient exempts de la jurifdiction épifcopale; ce qui eft fondé en raison.

En effet, il eft conftant que toute perfonne qui entre en religion eft fujette de l'évêque, jufqu'à ce qu'elle ait fait profeffion. Il n'y a que les vœux qui la rendent dépendante des fupérieurs de l'ordre. Jufqu'à ce moment elle eft au rang des citoïens, qui font tous foumis à la jurifdiction fpirituelle de l'évêque. Or c'est dans le moment où il eft fur le point de la perdre, & où elle eft prête à faire une démarche qui doit décider de fon falut, qu'il doit principalement veiller fur elle, & lui donner par fes confeils les moïens néceffaires, pour apporter toute la réflexion & toutes les précautions poffibles dans un pas auffi gliffant.

C'est pourquoi le parlement de Paris, par une jurifprudence conftante, a toujours jugé l'examen de l'évêque diocéfain néceffaire, même pour les couvents exempts. Il y en a plufieurs arrêts on en trouve un, entre autres, dans les mémoires du Clergé, tome 7, col. 1730, rendu en faveur de l'évêque de Meaux le 8 Août 1678.

Pour rendre univerfelle, par tout le roïaume, une jurifprudence auffi fage & auffi jufte, le Roi, par la déclaration du 10 Février 1742, ordonne, article 1, qu'aucunes filles, ou veuves ne pourront être admifes à la profeffion & à l'émiffion des vœux folemnels, même dans les monafteres exempts, ou qui fe prétendront tels; fans avoir été auparavant examinées par les archevêques, ou évêques diocéfains, ou par des perfonnes commifes de leur part, fur la vocation defdites filles ou veuves, fur la liberté & les motifs de l'engagement qu'elles font fur le point de contracter: & fait de très-expreffes inhibitions & défenses à tous supérieurs & fupérieures, de quelque monaftere que ce puiffe être, d'en admettre à la profeffion, fans quil ait été procédé audit examen.

Mais on demande fi le défaut d'examen fait par l'évêque opéreroit la nullité des vœux d'une fille, ou d'une veuve qui ne l'auroit pas fubi.

Le concile de Trente ne prononce point cette nullité. Il donne feulement pouvoir à l'évêque qui n'auroit pas été averti de la profeffion un mois auparavant, de prononcer la fufpenfe contre la fupérieure ; & l'on voit que cette nullité n'eft point non plus prononcée par les ordonnances qui ont admis la difcipline du concile de Trente en cette partie. Il y a un arrêt du 3 Février 1733, rendu fur les conclufions de M. Chauvelin avocat général, qui dit qu'il n'y a abus dans des ordonnances de l'évêque de faint Omer, par lesquelles il avoit déclaré suspenses,

les abbeffes de Blandéques & de Buvenfbergue, ordre de Cîteaux, pour avoir reçû à faire profeffion fans l'avoir averti pour examiner les filles: mais, par le même arrêt, il fut dit qu'il y avoit abus dans une autre ordonnance du même évêque, qui défendoit de recevoir à profession sans sa permiffion, à peine de nullité de la profeffion.

Au refte, il faut obferver que, fi le défaut d'examen n'opere pas la nullité de la profeffion, il fourniroit une forte préfomption en faveur de la réclamation que la profeffe pourroit fairecontre fes

vœux.

DIVISION

I I.

Du Noviciat en lui-même & de fa durée.

Lorfque le poftulant a été fuffifamment examiné, & qu'il a donné des preuves fuffifantes de fa vocation, faint Benoît & les autres inftituteurs & réformateurs veulent qu'on l'admette dans la chambre des novices, ut ibi meditetur, & manducet, & dormiat, dit faint Benoît.

Saint Fructueux veut auffi que la chambre des novices foit féparée du monaftere. Neque interna fratrum diverforia accedet fed delegatâ in exteriore curte cellâ perfruetur.

Il est donc conftant que, fuivant les anciennes régles, les novices doivent être féparés des religieux. La raison qu'en apporte dom Nicolas-Hugues Menard, Bénédictin de la congrégation de faint Maur, ad cap. 65, §. 1, Concord. regul. eft pour empêcher qu'ils ne fçachent ce qui fe paffe dans le monaftere, & qu'ils ne le divulguent enfuite dans le monde, en cas qu'ils viennent à quitter fans faire profeffion. Ce réglement a encore pour objet, continue-t-il, de pourvoir à leur tranquillité; afin qu'étant féparés de tout commerce, ils puiffent vacquer plus utilement à la contemplation, & à l'extirpation de leurs vices.

Le pape Clement VIII. dans fes décrets pour la réception des novices, §. 26, veut qu'ils aïent non-feulement une chambre ou un dortoir féparé du monaftere, mais une église, un jardin; en un mot tout ce qui eft néceffaire pour les exercices fpirituels & temporels; & que perfonne n'entre dans leur bâtiment excepté le maître des novices & le fupérieur du monastere, quand il est néceffaire. Il doit même se faire accompagner d'un' ancien religieux.

Le maître des novices doit être, fuivant la régle de faint Tiii ij

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