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Epift. 149. cap.

13.

Ff21.» vons dire à Dieu felon faint Augustin : Sei10. 11, gncur, ne vous éloignez pas de moy, parce que la tribulation eft proche. Tandis qu'on ne nous enleve que nos biens, dit ce faint Docteur; tandis qu'on fe contente de noircir nôtre. reputation par des injures & par des calomnies`; tandis que la haine de nos perfecuteurs fe termine à nous exiler & à nous chaffer de nôtre patrie, la tribulation eft encore éloignée de nous, parce qu'il nous cft facile de mépriser les biens de la fortune, de nous élever audeffus de l'eftime & de la reputation des hommes, & de nous confoler de l'exil auquel on nous a condamnez, parce que toute la terre est au Seigneur, & que nous pouvons le fervir & l'honorer en tous lieux. Mais lors que la maladie attaque & afflige nos corps, la tribulation eft. proche de nous, puifqu'elle nous fuit par tour, & qu'il nous eft impoffible de ne pas fentir ce qui fe paffe dans nous-mêmes. Et auffi nous voyons dans l'Ecriture que le démon, après avoir enlevé à Job fes biens & fes enfans, ne crut pas l'avoir affez tourmenté, & qu'il demanda à Dieu la permiffion de l'affliger dans fa chair, de couvrir tout fon corps d'une ulcerc affreux, & de lui faire fentir de tres vives douleurs.

Voilà comment l'on juge des maladies> quand on ne les confidere qu'à l'exterieur : mais lors qu'on les regarde par les yeux de la foy, & par rapport à l'autre vie & au falut éternel, l'on reconnoît qu'elles font un tresgrand bonheur, & qu'on ne fçauroit trop les eftimer. Et pour s'en convaincre de plus en plus, il faut leur appliquer ce que nous avons dit des tribulations en general.

Elles font une fuite & une marque de l'a mour que Dieu nous porte car il a coutume de châtier & de frapper de verges ceux qu'il

aime, & qu'il reçoit au nombre de ses enfans.

Elles nous rendent le Seigneur prefent, & nous mettent en état de jouir plus parfaitement de lui que le refte des hommes: car quoy qu'il Loit par tout par fon immenfité, & qu'il rem→ pliffe le ciel & la terre, il nous a neanmoins promis par la bouche du Prophete, d'être toû- Pfal. 33. jours proche de ceux qui ont le cœur brifé de 18. douleur, & d'honorer de fa prefence d'une ma- Pfal. 20. niere toute particuliere les Juftes qui vivent is dans la tribulation..

Elles font caufe que des pecheurs d'habitude, que des pecheurs endurcis, que des pe-cheurs qui fermoient les yeux à la lumiere, & qui fembloient avoir été livrez à l'égarement d'un efprit dépravé & corrompu, rentrent en eux-mêmes, font de ferieufes reflexions fur leur conduite paffée, condamnent leurs defordres, renonçent à leurs plaifirs & à leurs voluptez, fe foamettent au joug de Jefus Chrift, & embraffent la vertu de toute la plenitude de leur cœur.

Elle font une penitence que Dieu leur impo fé lui-même par mifericorde, afin de les purifier, & de leur donner moien de racheter leurs gechez, & de fatisfaire à fa fouveraine justice, comme nous le reprefenterons au chapitre fui

vant.

Elles perfectionnent leur vertu par la prati-que de la patience; elles leur font acquerir de nouveaux merites devant Dieu; elles excitent leur zele & leur ferveur; & elles les renous vellent en quelque maniere, parce qu'on les› voit enfuite changer de conduite, & marcher à grands pas dans les voies de la perfection.

Elles les humilient à leurs propres yeux,parce qu'elles leur font connoître qu'ils font fajets à une infinité de miferes, que leur force:

gut. c. 2.

& leur vigueur peut être abattue en un mos ment, & qu'il ne faut prefque rien pour ruiner leur temperamment, & pour alterer leur fanté, lors même qu'elle femble être tres-robufte & tres-parfaite; parce qu'elles les reduifent fouvent à une fi grande foibleffe qu'ils ne peuvent plus fuffire à eux-mêmes, comme. on l'a déja observé; parce qu'elles leur remettent devant les yeux leur propre neant qu'elles les en avertiffent à tous momens, & qu'elles les obligent d'y faire de ferieuses reflexions.

Elles les détachent des plaifirs, des volup-tez, des honneurs, des grandeurs, des biens. temporels, & de la vie même qui commence à leur paroître dure & amere. Et au mêmetems qu'elles les dégoûtent de toutes les chofes d'ici-bas, elles les portent à foupirer après la vie future, où ils feront affranchis de tou-tes fortes de miferes, de langueurs & de douleurs, & où ils jouiront d'une felicité éternelle, que rien ne pourra troubler ni alterer.

Mais écoutons les Saints Peres fur le bonheur & l'avantage des maladies & des infirmitez.

Tertullien foûtient qu'on ne croit jamais plus parfaitement qu'il y a un Dieu que quand De fuga on fe trouve dans la perfecution, & que l'on fe in perfe voit menacé de tres-grands maux, parce qu'alors on prie avec ferveur, on s'humilie, on jeune, on veille, on frequenté les Eglifes, on: s'exerce dans toutes les vertus chrétiennes, on penfe ferieufement au ciel, on fait mille proteftations de bien vivre, & l'on implore fans. ceffe la divine mifericorde.

La même chofe arrive dans les maladies car la plupart de ceux qui avoient coutume de negliger leur falut, & d'oublier Dieu, commencent à rentrer en eux-mêmes dès qu'ils fe

fentent frappez à mort: Ils s'hamilient & s'anneantiffent devant le Seigneur : ils ont recours à la bonté : ils implorent fa mifericorde : ils lui proteftent qu'ils veulent fe convertir, & changer de vie, & ils le prient avec d'autant plus de ferveur, qu'ils voyent le befoin qu'ils ont de fon fecours : Ils font des vœux & des neuvaines à tous les Saints du Paradis : ils diftribuent des aumônes abondantes, eux qui aimoient autrefois leur argent avec paffion, & qui en étoient idolatres : ils s'affligent de n'avoir pas pratiqué une infinité de bonnes œuvres, dont ils voient alors le merite & la neceffité: ils prennent la refolution de fuivre la vertu le refte de leurs jours; & ils promettent à Dieu de se donner à lui fans partage & fans referve, & de le fervir de toute la plenitude de leur cœur.

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Lib. 1. do

pœnitent.

cap. 120

Saint Ambroise enfeigne que les maladies fortifient & perfectionnent notre ame, au même tems qu'elles affoibliffent, qu'elles abattent, & qu'elles détruifent nos corps, parce qu'elles mortifient nôtre concupifcence, & qu'elles amortiffent nos paffions qui la tenoient captive, & la faifoient pancher vers la terre; qu'ainfi faint Paul dit: Lors que je fuis foible, c'eft alors que je fuis fort: quoi que l'homme exterieur fe détruise en nous, «c neanmoins l'homme interieur fe renouvelle de « jour en jour.

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2. Cors

[2. 10.

cap

"4.160.

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C'eft encore pour nous convaincre de l'uti- « lité & du bonheur des maladies, que les faints Docteurs de l'Eglife nous affurent qu'elles nous garantiffent fouvent de plufieurs pechez dans lefquels nous tomberions peut-être fi nous étions forts & vigoureux, & fi nous joüiffions d'une parfaite fanté. » Combien y a-t-il de gens, dit faint Auguftin, qui étant couchez « malades dans leur lit confervent leur innocen

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7.

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»ce, & qui s'emporteroient à de tres-grands cri » mes, s'ils étoient fains & vigoureux ? Com » bien en voit-on à qui la fanté eft tres préjudi »ciable? Ne feroit-il pas infiniment plus avan» tageux à ce voleur qui fe leve la nuit pour per»cer la muraille de fon voifin, & qui va l'atten» dre dans les places publiques ou en pleine cam »pagne pour le tuer, d'être languillant & accucilli d'une grande fievre, que de jouir d'une fanté vigoureufe? Car la maladie le maintiendroit dans l'innocence, au lieu que la fanté le ee met en état de commettre des crimes.

Ajoutons à la pensée de ce grand Saint, qu'une infinité de jeunes gens fe plongeroient dans la débauche & dans des voluptez infa- • mes, s'ils n'étoient retenus par des langueurs & par des infirmitez corporelles; qu'une infinité de guerriers & de gens d'armes le porteroient à répandre le fang des Citoyens, s'ils n'en étoient empêchez par des maladies & par des douleurs continuelles qu'ils endurent; qu'une infinité de filles & de femmes fuivroient fe luxe & les pompes du fiecte, & ne mettroient point de bornes à leur vanité, fi elles n'étoient actuellement malades; qu'enfin une infinité de perfonnes ne penferoient qu'à contenter leurs paffions, fi elles en avoient la for ce, & fi leur fanté le pouvoit permettre : mais que leurs maladies mettent un frein à leur concupifcence; qu'elles les forcent, pour ainfi dire, d'être innocens, ou qu'au moins elles diminuent notablement leurs pechez, puis. qu'elles ne leur permettent pas d'executer leurs mauvaises volontez, & de faire à l'exte rieur tout le mal qu'ils avoient refolu dans le fecret de leur cœur.

La doctrine de faint Gregoire Pape confirme auffi cette verité; car il enfeigne que Dieu envoie fouvent des troubles, des afflictions &

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