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fideles comment ils doivent fe conduire ences occafions, afin de ne rien faire que de legitime, &qui ne foit digne du nom Chrétien.

Il ne faut pas abfolument blâmer ceux qui témoignent quelque defir que leurs corps foient portez dans le fepulchre de leurs ancêtres, & réunis à ceux des perfonnes qui leur ont été les plus cheres. Car l'on voit tous les jours que des gens de pieté en ufent de la forte, & qu'ils croient témoigner par là du respect & de l'amitié pour leurs parens. L'Ecriture même marque que Jacob & Jofeph qui moururent en Egypte, demanderent qu'on transpor tât leurs os & leurs cendres dans la terre de Chanaam, pour y être inhumez avec Abraham, Ifaac, Sara, Rebecca, & Lia.

Mais neanmoins fi l'on portoit ce defir trop loin, & fi l'on témoignoit trop d'empreffement pour être ainfi réuni à de certains defunts & pour avoir la fepulture en un lieu plûtôt qu'en un autre, on ne feroit pas exempt de faute, & on témoignerez par-là avoir encore quelques affections humaines. On doit même avertir les fideles qu'il y a maintenant plus de perfection à fe priver de cette confolation, & à confentir que fon corps foit en

terré au lieu où l'on fe trouve. Nous ne le difons qu'après le grand faint Auguftin, qui rapporte comme un effet finguller de la grace fur la mere fainte Monique, qu'étant tombée malade à Oftie dans le cours d'un voiage, elle renonça avant que de mourir au defir violant qu'elle avoit toûjours témoigné d'être enterré en Affrique avec fon mari.

Voici comment ce faint Docteur raconte ce qui fe paffa alors dans le cœur de cette Cofe femme fi admirable. » Nous voïant, dit-il, lib. 9.» mon frere & moi débout auprès d'elle dans » l'étonnement & dans la trifteffe, elle nous

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dit:

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dit: Vous enterrerez ici vôtre mere: Surquoi « je ne repondis rien, & je retins mes larmes : mais mon frere aiant dit quelque chofe qui témoignoit qu'il eût fouhaitté pour fa confo- ce lation particuliere qu'elle fut plûtôt morte en « fon pais, que non pas dans une terre étrangere, elle jetta fur lui un regard fevere; comme le reprenant des yeux de ce qu'il étoit dans a ces penfées; & puis s'adreffant à moy, elle cc me dit: Voiez ce qu'il vient de me dire : & ce nous parlant enfuite à tous deux, elle ajouta : « Enterrez ce corps où vous voudrez fans vous ce en mettre aucunement en peine. La feule cho- « fe que je vous demande, eft de vous fouvenir ce de moi à l'Autel du Seigneur, en quelque lieu ce que vous foiez.

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Nous aïant ainfi fait entendre fa pensée fe- cc lon qu'elle en étoit capable en cet éiat, elle CC fe tût, & fa maladie fe redoublant, elle fouf- c froit de grandes douleurs. Confiderant alors ce en moi-même, ô Dieu invifible, ces faveurs ce que vous répandez comme des femences dans ce le cœur de ceux qui vous font fideles, & qui produifent enfuite de fi admirables fruits, ce j'étois rempli de confolation, & je vous ren- ce dois graces du changement qui s'étoit fait en ce ma mere: car aiant toûjours eu une forte c paffion pour la fepulture, elle l'avoit choifie «c & preparée auprès de celle de fon mari; afin « qu'après avoir vêcu ensemble dans une tres- ce grande union, l'on pût encore dire un jour « à venir, qu'après avoir traverfé la mer, & се être retournée d'un fi grand voïage, elle avoit « en le bonheur d'être réunie après la mort à ce fon mari dans le même tombeau, enforte сс qu'une même terre couvroit le corps, ou plûtôt la terre de l'un & de l'autre.

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Et parce que je ne fçavois pas depuis quel ce sems ce vuide de fon cœur, pour parler ainfi, « Bb

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avoit été rempli de la plenitude de vôtre gra»ce, je me réjouiffois de ce qu'elle me l'avoit » declaré en cette maniere. Etant faifis d'éton» nement de voir dans une femme une fi grande » vertu, qui étoit, mon Dieu, l'effet de vôtre » mifericorde fur elle. Nous lui demandâmes en» core fi elle ne s'affligeoit point d'être enterrée » en un lieu fi éloigné de fon païs. On n'eft ja» mais loin de Dieu, répondit-elle, en quelque » lieu du monde que l'on puiffe être ; & je n'ai pas fujet d'apprehender qu'au jour du Jugement il foit en peine de trouver mon corps pour le réfufciter.

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Saint Auguftin témoigne donc que ce fut dans fa mere un acte de perfection de furmonter ainfi le defir qu'elle avoit toûjours eu d'ètre enterrée en fon païs avec fon mari; & par confequent on ne fçauroit manquer en portant les fideles à l'imiter, & à confentir que l'on mette leurs corps après leur mort où l'on jugera à propos.

Et s'ils difent que Jacob & Jofeph demanderent, comme on l'a déja observé, que l'on tranfportât leurs corps dans le tombeau de leurs ancêtres; on leur répondra après faint Homil. Jean Chryfoftome, que Dieu fous l'ancien Teftament n'exigeoit pas des hommes tant de Gan fim. perfection qu'il en exige maintenant fous la loy de grace. L'on ajoutera avec cette grande lumiere de l'Eglife, que ces faints Patriarches en faifant cette demande, témoignerent une grande foy aux promeffes de Dieu; qu'ils ne voulurent pas que leurs corps demeuraffent parmi un peuple infidele, & entre les mains d'une nation ennemie de Dieu; qu'ils enjoignirent à leurs enfans & à leur pofterité de les tranfporter en la terre de Chanaam, pour leur marquer qu'ils étoient certains que Dieu accompliroit la promeffe qu'il leur avoit faite,

qu'il les mettroit dans la fuite des tems en poffeffion de cette terre heureufe d'ou couloient des ruifleaux de lait & de miel ; qu'ainfi Jofeph dit à fes freres Dieu vous vifitera e Genef. après ma mort, & il vous fera paffer de cette co 289 terre à celle qu'il a juré de donner à Abraham,

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24.

à Ifaac, & a Jacob. Tranfportez mes os avec ce vous hors de ce lieu, & promettez-le moi avec « ferment; Que faint Paul pour nous faire comprendre cette verité, dit que ce fut par la foy Hebreer que Jofeph mourant parla de la fortie des en- cc. 22. fans d'Ifraël hers de l'Egypte, & qu'il ordon- cc na qu'on en tranfportât les os; Mais que ce cc n'eft plus maintenant la même chofe; que les promeffes de Dieu ne regardent plus le monde prefent, mais la terre des vivans; que nous fommes par-tout ici-bas des étrangers; que nous ne devons avoir attache à aucun païs particulier; que nous fommes même obligez de quitter peres, meres, parens, amis, patrie pour fuivre Jefus-Chrift, & qu'ainfi il ne faut plus rechercher avec empreffement d'être enterré dans un certain lieu, ni avec fes ancêtres.

Nous obferverens même que c'eft pour nous fortifier contre ce defir naturel que ce faint Docteur remarque que Dieu a permis que les os de Moïfe, d'Aaron, de Daniel, de Jeremie fuffent enterrez en une région étrangere, & qu'excepté faint Pierre, faint Paul, faint Jean, Homil faint Thomas, dont on connoît les tombeaux, 26. ad on ne fçût point où les autres Apôtres ont été Hebress enterrez. Ces exemples, dit-il, nous apprennent à ne nous point inquietter & à ne nous. point troubler à l'occafion de nôtre fepulture, étant certains en quelque lieu que nous fotons enterrez, que la terre & tout ce qu' 'elle contient eft au Seigneur.

Ce que nous venons de reprefenter n'empêche pas neanmoins que nous ne puiffions par

Satiri.

un principe de pieté & de Religion demander d'être enterrez dans quelques Eglifes plutôt que dans d'autres, & proche le tombeau d'un faint auquel nous avons une devotion particu liere, parce qu'il nous en peut revenir de grands avantages fpirituels, comme nous l'ap prenons des faints Peres.

Sain: Ambroife faifant l'éloge de fon frere Satire decedé depuis peu, remercie Dieu de ce qu'il n'a pas permis que ce cher défunt foit mort pendant fes voïages dans un païs fort éloigné, parce que c'est pour lui un tres-grand

bonheur de poffeder fon corps, & de pouvoir De obitu être enterré avec lui. J'ai, dit-il, fes reliques, fratris fui & je puis les baifer & les embraffer à toutes heures. J'ai ici fon tombeau ; j'efpere d'y être moi-même enterré un jour à venir; & je croi que mes os repofant avec les ficns, j'en ferai traité plus favorablement par nôtre Seigneur Jefus-Chrift.

De cura pro mor.

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reda cap 4.618.

Lib. 4.

Saint Auguftin enfeigne auffi qu'il eft avantageux aux défunts que leurs corps foient inhumez proche les tombeaux des Martyrs, & dans les Eglifes dediées à Dieu fous l'invocation des Saints; parce que ceux qui frequentent ces Eglifes & ces tombeaux, ont foin de recommander les ames de ces défunts aux Saints qu'ils invoquent. Mais il ajoute que fi on ne prioit point pour eux, il ne leur ferviroit de rien d'avoir une telle fepulture.

La même doctrine fe trouve dans faint Gregoire Pape: car il dit que les fideles qui vont dialog. adorer Dieu dans les lieux Saints, y voïant les cap. 5o. tombeaux de leurs parens & de leurs amis, font engagez par ce fpectacle à prier pour eux, & à implorer la divine mifericorde en leur faveur.

Epift. lib

C'eft dans cette vue que faint Ambroise 7. Epift. avoit d'abord d.stiné de fe faire enteirer fous

53.

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