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PREFACE.

L

E Livre que nous donnons au public fera fans doute d'un tres-grand ufage; l'on peut même dire qu'il regarde generalement tous les hommes: car il n'y en a point qui ne doivent tres certai nement mourir : il n'y en a point qui ne foient fouvent malades, ou qui ne puiffent le devenir: Il n'y en a point qui n'éprouvent de tems en tems quelque adverfité & quelque tribulation; & par confequent ils ont tous interêt de s'inftruire des faintes maximes qui font contenues dans les Traitez que nous leur prefentons. Ils y verront comment il ? faut juger des adverfitez temporelles; en quelles difpofitions on les doit fouf frir quel ulage il eft neceffaire d'en faire; & quels avantages on en peut tirer, lors qu'on s'y foumet volontiers & avec un efprit humble, pénitent, pénetré de l'énormité du peché, & convaincu de la neceffité de fatisfaire à la Justice Divine. Ils y verront comment

il faut fe conduire pendant les maladies', & de quel oil on doit les regarder dans l'ordre de la providence, & lors qu'on a deffein d'operer fon falut. Ils y verront enfin que la mort eft un bonheur, un gain, une mifericorde pour les fideles, & que bien loin de la craindre & de la fuir, il faut s'en occuper tres-fouvent, y penfer avec plaifir, l'aimer & la defirer.

par

Il n'y a aucune difficulté dans le titre des deux premiers Traitez ; car on conçoit facilement ce qu'on doit entendre les adverfitez, par les tribulations & par les maladies qui en font le fujet. Mais pour ce qui eft du troifiéme qui regarde la mort, faint Auguftin fait naître un fcrupule qu'il eft bon au moins de propofer aux Lecteurs éclairez & judicieux, afin qu'ils y faffent les reflexions qu'ils jugeront neceffaires. 11 témoigne douter que l'on puiffe dire qu'un homme eft mourant, ou au moins il loûtient qu'il eft tres-difficile de déterminer en quel tems il eft mourant : car tant que fon ame eft encore unie à son corps, il vit, & il n'eft point mourant ; & lors qu'elle en eft feparée, il n'eft plus mourant, mais il eft mort.

Cette difficulté qui eft certainement tres-fubtile, & qui nous fait connoître la pénétration du genie de ce grand Saint, he regarde à proprement parler que la

Phyfique, & ne fert de rien pour la conduite des ames; ainfi nous ne nous y arrêtrons point, & nous n'entreprendrons pas de la refoudre : car nôtre intention principale eft de porter les fideles à fanctifier leur mort en quelque tems qu'elle puiffe arriver, & à la rendre chrétienne, heureuse & meritoire. Or chacun comprend affez que la difcuffion de ce raifonnement ne les aidroit point à s'acquit ter de cette obligation. Nous dirons feulement que la mort naturelle, toute indivifible qu'elle paroît, a neanmoins plufieurs degrez, qu'elle dure quelquefois affez long-tems, & qu'elle s'étend même ordinairement pendant tout le cours de nôtre vie : car nous y tendons dès le premier moment que nous fommes fur la terre, chaque jour nous en approche, & nous voïons inceffament diminuer nos forces, nos fens s'éteindre, & nos corps déperir, ce qui eft un commencement de mort & par consequent nous fommes des mourans pendant un grand nombre d'années.

Mais nous ajouterons que cet embarras ne fe rencontre point dans la morale chrétienne, & qu'elle nous permet de dire en tout tems qu'un Chrétien eft mou rant, parce que la mort qu'elle lui fait fouffrir, ne s'opere pas en un moment, qu'elle fe réïtere tres-fouvent, & qu'elle

eft l'ouvrage de toute la vie. En effet elle le fait mourir tantôt à une chofe, & tantôt à une autre: Elle l'arrache tantôt à un plaifir & à une volupté; tantôt à une charge, à un emploi & à une occupation: Elle l'oblige à quitter la compagnie, tantôt de fes amis les plus intimes, tantôt de fes parens même les plus proches : Elle exige qu'il mortifie, non feulement les paffions qui paroiffent criminelles, mais auffi en quelques rencontres fes inclinations les plus tendres & les plus legitimes: Elle l'engage à fe renoncer foimême, non feulement une fois en paffant, mais continuellement & tous les jours

fan de fa vie : Elle veut qu'il monte fur la croix de JESUS-CHRIST, qu'il y vive, qu'il y perfevere, & qu'il y demeure tant qu'il plaira à Dieu de le laiffer fur la terre: Elle exige de lui qu'il ait toûjours en main le glaive fpirituel dont parle l'Ecriture, afin de pourfuivre, d'attaquer & de mortifier inceffamment le vieil homme.

C'est là la mort mystique & Spirituelle du Chrétien; & comme elle s'accomplit tous les jours, qu'elle fe renouvelle à chaque inftant, & qu'elle doit durer jusqu'à fa mort naturelle, l'on peut dire qu'il vit & qu'il meurt en même-tems; & que la qualité de Chrétien mourant lui

convient à jufte titre, lors même qu'il paroît plein de vie, & qu'il agit dans le monde avec le plus d'activité.

Comme ces trois Traitez ont beaucoup de connexité entre eux, on a été quelquefois obligé de retoucher les mêmes veri tez; mais on ne l'a fait qu'avec beaucoup de circonfpection, & lors feulement qu'on ne pouvoit s'en difpenfer par rapport aux matieres qu'on avoit entrepris d'éclaircir. Et quand cela eft arrivé, on a eu foin autant qu'on a été capable de leur donner un nouveau jour, & furtout de les propofer en peu de paroles, afin de ne pas fatiguer les Lecteurs par des repetitions qui leur font toûjours à charge, lors qu'ils ont de la memoire, du jugement & de la folidité d'efprit.

Nous fouhaittons de tout nôtre cœur que les Fideles puiffent profiter de ce petit travail, & qu'ils reduifent en prati que les faintes maximes que nous leur avons expliquées, après les avoir nousmêmes apprifes de l'Ecriture & des faints Peres. Si cela eft, on les verra humbles, doux, patients, moderez dans les tribulations & dans les adverfitez. Bien loin de fe plaindre & de s'impatienter dans les maladies & dans les douleurs aufquelles ils feront expofez, ils s'en réjouiront, ils en beniront Dieu, & ils lui prefenteront

å iiij

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