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LE CH OE U R.

O douce paix !

Heureux le cœur qui ne te perd jamais!
É LISE, sans chanter.

Mes sœurs, j'entends du bruit dans la chambre prochaine.

On nous appelle ; allons rejoindre notre reine.

ACTE TROISIÈME.

Le théâtre représente les jardins d'Esther, et un des côtés du salon où se fait le festin.

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*

C'EST donc ici d'Esther le superbe jardin,
Et ce salon pompeux est le lieu du festin?
Mais, tandis que la porte en est encor fermée
Ecoutez les conseils d'une épouse alarmée.
Au nom du sacré noeud qui me lie avec vous,
Dissimulez, seigneur, cet aveugle courroux;
Eclaircissez ce front où la tristesse est peinte ::
Les rois craignent sur-tout les reproches et la
plainte.

Seul entre tous les grands par la reine invité,
Ressentez donc aussi cette félicité.

Si le mal vous aigrit, que le bienfait vous touche.
Je l'ai cent fois appris de votre propre bouche;

Quiconque ne sait pas dévorer un affront,
Ni de fausses couleurs se déguiser le front,
Loin de l'aspect des rois qu'il s'écarte, qu'il fuie
Test des contretemps qu'il faut qu'un sage essuie-

Souvent avec prudence un outrage endure
Aux honneurs les plus hauts a servi de degré.

A MAN.

O douleur! & supplice affreux à la pensée!
O honte, qui jamais ne peut être effacée !
Un exécrable Juif, l'opprobre des humains,
S'est donc vu de la pourpre habillé par mes mains!
C'est peu qu'il ait sur moi remporté la victoire ;
Malheureux, j'ai servi de héraut à sa gloire!
Le traître! il insultoit à ma confusion;
Et tout le peuple même, avec dérision
Observant la rougeur qui couvroit mon visage,
De ma chute certaine en tiroit le présage.
Roi cruel, ce sont là les jeux où tu te plais!
Tu ne m'as prodigué tes perfides bienfaits
Que pour me faire mieux sentir ta tyrannie
Et m'accabler enfin de plus d'ignominie.

ZARÈS.

Pourquoi juger si mal de son intention?
Il croit récompenser une bonne action.
Ne faut-il pas, seigneur, s'étonner au contraire
Qu'il en ait si long-temps différé le salaire ?
Du reste, il n'a rien fait que par votre conseil ;
Vous-même avez dicté tout ce triste appareil:
Vous êtes après lui le premier de l'empire.
Sait-il toute l'horreur que ce Juif vous inspire?

A MA N.

Il sait qu'il me doit tout, et que, pour sa grandeur,

J'ai foulé sous les pieds remords, crainte, pudeur;
Qu'avec un cœur d'airain exerçant sa puissance
J'ai fait taire les lois et gémir l'innocence;
Que pour lui, des Persans bravant l'aversion,.
J'ai chéri, j'ai cherché la malédiction:

Et, pour prix de ma vie à leur haine exposée
Le barbare aujourd'hui m'expose à leur risée!

ZARÈS.

Seigneur, nous sommes seuls. Que sert de se flatter?

pas

vous seul

Ce zèle
que pour

lui vous fites éclater, Ce soin d'immoler tout à son pouvoir suprême , Entre nous, àvoient-ils d'autre objet que vous

-même ? Et, sans chercher plus loin, tous ces Juifs désolés, N'est-ce å

que vous les immolez į Et ne craignez-vous point que quelque avis fu

neste.. Enfin la cour nous hait, le peuple nous déteste. Ce Juif même, il le faut confesser malgré moi , Ce Juif, comblé d'honneurs, me cause quelque

effroi : Les malheurs sont souvent enchaînés l'un à

l'autre ; Et sa race toujours fut fatale à la vôtre. De ce léger affront songez à profiter.

à Peut-être la fortune est prête à vous quitter; Aux plus affreux excès son inconstance passe : Prévenez son caprice avant qu'elle se lasse. Où tendez-vous plus haut Je frémis quand je voi Les abîmes profonds qui s'offrent devant moi : La chute désormais ne peut être qu'horrible. Osez chercher ailleurs un destin plus paisible : Regagnez l'Hellespont et ces bords écartés Où vos aïeux errans jadis furent jetés Lorsque des Juifs contre eux la vengeance al

lumée Chassa tout Amalec de la triste Idumée. Aux malices du sort enfin dérobez-vous, Nos plus riches trésors marcheront devant nous: Vous pouvez du départ me laisser la conduite; Sur-tout de vos enfans.j'assurerai la fuite. N'ayez soin cependant que de dissimuler. Contente, sur vos pas vous me verrez voler : La mer la plus terrible et la plus orageuse Est plus sûre pour que cette cour trompeuse. Mais à grands pas vers vous jo vois quelqu'un

marcher, C'est Hydaspe.

nous

SCÈNE I I.

AMAN, ZARES, HYDASPE.

HYDAS PE

Seigneur, je courois vous chercher.

Votre absence en ces lieux suspend toute la joie ș pour Vous y conduire Assuérus m'envoie.

Et

A MAN.

Et Mardochée est-il aussi de ce festin?

HYDAS PB.

A la table d'Esther portez-vous ce chagrin ?
Quoi! toujours de ce Juif l'image vous désole?
Laissez-le s'applaudir d'un triomphe frivole.
Croit-il d'Assuérus éviter la rigueur?

Ne possédez-vous pas son oreille et son cœur?
On a payé le zèle, on punira le crime;
Et l'on vous a, seigneur, orné votre victime.
Je me trompe, ou vos voeux par Esther secondés
Obtiendront plus encore que vous ne demandez.

AMAN.

Croirai-je le bonheur que ta bouche m'annonce?

HYDAS PE.

J'ai des savans devins entendus la réponse:
Ils disent que la main d'un perfide étranger
Dans le sang de la reine est prête à se plonger.
Et le roi, qui ne sait où trouver le coupable,
N'impute qu'aux seuls Juifs ce projet détestable.

AMAN.

Qui, ce sont, cher ami, des nronstres furieux :
Il faut craindre sur-tout leur chef audacieux.
La terre avec horreur dès long-temps les endure ;
Et l'on n'en peut trop tôt délivrer la nature.
Ah! je respire enfin. Chère Zarès, adieu.

HYD ASPE.

Les compagnes d'Esther s'avancent vers ce lieu: Sans doute leur concert va commencer la fête. Entrez, et recevez l'honneur qu'on vous apprête.

SCÈNE I I I.

ELISE, LE CHOE U R.
Ceci se récite sans chant.

UNE DES ISRAELITES.

C'est Aman.

UNE AUTR E.

C'est lui-même; et j'en frémis, ma sœur.

LA PREMIÈRE.

Mon cœur de crainte et d'horreur se resserre.
L'AUTR E.

C'est d'Israël le superbe oppresseur.

LA

PREMIERE.

C'est celui qui trouble la terre.

É LISE.

Peut-on, en le voyant, ne le connoître pas! L'orgueil et le dédain sont peints sur son visage.

UNE ISRAELITE.

On lit dans ses regards sa fureur et sa rage.

UNE AUTRE.

Je croyois voir marcher la mort devant ses pas.

UNE DES PLUS JEUNES.

Je ne sais si ce tigre a reconnu sa proie :
Mais, en nous regardant, mes sœurs,

semblé

Qu'il avoit dans les yeux une barbare joie
Dont tout mon sang est encore troublé.

ELISE.

il m'a

Que ce nouvel honneur va croître son audace !
Je le vois, mes sœurs, je le voi
A la table d'Esther l'insolent près du roi
A déjà pris sa place.

UNE DES. ISRA ÉLITES.

Ministres du festin, de grace, dites-nons, Quels mets à ce cruel, quel vin préparez-vous?

Le

U NE AUTR E.

sang de l'orphelin,

UNE

TROISIÈME..

Les pleurs des misérables

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