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les rangs honorables & les plus hautes dignités du monde ne peuvent mettre perfonne à couvert de cet Enfer. Vous même, Monfeigneur, avec toute votre autorité, & l'éclat de la place qui vous éleve fi fort au-deffus de la plupart des autres hommes, vous avez à appréhender l'extrême malheur, dont tous font menacés, & vous ne pouvez l'éviter qu'en reconnoiffant la vérité, & en fuivant la fainte Religion.

Ce difcours fi digne du zèle 'd'un Apôtre, ne tarda pas à être payé de vingt-cinq foufflets que le Vice-Roi fit donner inhumainement au faint Prélat après quoi il ordonna qu'on diftribuât les trois bandes des Confeffeurs de Jefus-Chrift dans les Prifons de la Ville, ce qu'on n'exécuta qu'avec peine dans le refte de la nuit.

Deux jours après arriverent' à Fou-ngan neuf autres Chrétiens & cinq Chrétiennes, & le 30. Juillet tous ceux qui étoient" dans les fers, comparurent enfemble devant un Tribunal compofé de plufieurs Mandarins, dont chacun étoit Gouverneur d'un Hien, c'eft-à-dire, d'une Ville du 3. ordre; ou d'une portion d'une plus grandeVille,équivalente à une Ville du 3e. ordre.

On demanda aux Prifonniers pourquoi ils s'étoient attachés à la Religion Chrétienne. Ils dirent unanimement qu'ils l'avoient embraffée & qu'ils vouloient continuer à la fuivre parce qu'ils la reconnoiffoient pour véritable. Un feul déclara qu'il y renonçoit, & protefta qu'il n'avoit été jufques-làChrétien que pour obéir à fes paréns, qui étant eux-mêmes de

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cette Religion, l'y avoient fait entrer & l'y avoient élevé. Ce difcours déplut à l'un des Juges. Il reprit aigrement cet apoftat, & lui dit qu'il montroit un bien mauvais coeur, de vouloir abandonner les exemples & les enfeignemens de fes Parens.

Les Juges marquerent en- ̈ faite à plus d'une reprife, leur compassion pour les Chrétiennes, en voyant leurs mains horriblement meurtries par les tortures. Ils adrefferent fur-tout la parole à la plus jeune, qui y avoit été appliquée deux fois. Qui vous a fi cruellement maltraitée, lui demanderent-ils ?? C'est par ordre de l'Officier Fan, répondit-elle, que nous avons toutes fouffert la queftion. Pourquoi, lui dirent les Juges, ne portez-vous fur la tête aucune parure, comme fleurs, pierre

ries & perles? Tout cela n'eft que vanité, repliqua-t-elle. Notre fainte Religion nous apprend à méprifer la gloire paffagere & les faux plaisirs de cette vie: tout cela n'eft rien en comparaifon du Paradis que nous vou lons mériter.

L'Officier dans les inftructions qu'il avoit données, avoit accufé les Miffionnaires d'impudicité & de magie. L'unique fondement d'une calomnie fi atroce, étoient quelques reme des trouvés parmi leurs effets & en particulier, une Caiffe d'offemens que le Pere Alcober avoit mife en dépôt chez un Chrétien. L'Officier prétendoit en premier lieu , que -les Miffionnaires tuoient de petits enfans & tiroient de leurs têtes des philtres propres à faire confentir le fexe aux plus infâmes paf

Fions; & en fecond lieu, que l'ufage des remédes Européans étoit d'en empêcher les fuites. Les Miffionnaires interrogés fur ces deux accufations répondirent qu'elles étoient toutes les deux fauffes, & que de plus la premiere étoit abfurde. Mais, dirent les Juges, qu'eft-ce.donc que cette Caiffe d'offemens ? Qu'en faites vous, fi vous ne vous en fervez pas pour exercer quelque art magique? Ce font, répondirent les Miffionnaires, les précieux reftes d'un de nos prédéceffeurs, d'une vertu extraordinaire, lequel, fous la Dynaftie précédente, fut tué par une bande de voleurs. Nous aurions fouhaité pouvoir les envoyer en Europe, dans le Royaume qui eft fa patrie & la nôtre, mais nous n'en avons pas encore trouvé l'occafion favora

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