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il y a de quoi s'amufer longtems, & de quoi fatisfaire toute fa curiofité.

Au refte, ces petits Palais ne font pas, fi je puis m'exprimer ainfi, de fimples vuide-bouteilles. J'en ai vû bâtir un l'année derniére dans ce même enclos, qui couta à un Prince cousingermain de l'Empereur, foixante Ouanes; *fans parler des ornemens & des ameublemens intérieurs, qui n'étoient pas fur fon compte.

Encore un mot de l'admirable variété qui regne dans ces maifons de plaifance. Elle fe trouve non-feulement dans la position, la vûe, l'arrangement, la diftribution, la grandeur, l'élevation, le nombre des corps de

* Une Ouane vaut dix mille Taëls, le Taël vaut 7. liv. 10 fols, ainfi foixante Quanes font quatre millions & demi.

logis, en un mot dans le total; mais encore dans les parties différentes dont ce tout eft compofé. Il me falloit venir ici pour voir des portes, des fenêtres de toute façon & de toute figure; de rondes, d'ovales, de quarrées & de tous les poligones; en forme d'éventail, de fleurs, de vafes, d'oifeaux, d'animaux, de poiffons: enfin de toutes les formes, régulieres & irrégu lieres.

Je crois que ce n'eft qu'ici qu'on peut voir des galeries telles que je vais vous les dépeindre. Elles fervent à joindre des corps de logis affez éloignés les uns des autres. Quelquefois du côté intérieur, elles font en pilaftres, & au-dehors elles font percées de fenêtres différentes entr'elles pour la figure. Quelquefois elles font toutes en pilaf

tres, comme celles qui vont d'un Palais à un de ces pavillons ouverts de toute part, qui font destinés à prendre le frais. Ce qu'il y a de fingulier, c'eft que ces galeries ne vont guére en droite ligne. Elles font cent détours, tantôt derriere un bofquet, tantôt derriere un rocher, quelquefois autour d'un petit baffin. Rien n'eft si agréable. Il ya en tout cela un air champêtre qui enchante & qui enleve. Vous ous ne manquerez pas, fur tout ce que je viens de vous dire, de conclure, & avec raifon, que cette maison de plaifance à dû couter des fommes immenses: il n'y a en effet qu'un Prince, maître d'un Etat auffi vafte que celui de la Chine, qui puiffe faire une femblable dépenfe, & venir à bout en fi peu de tems d'une fi prodigieufe

a

entreprise. Car cette maison eft l'ouvrage de vingt ans feulement. Ce n'eft que le pere de l'Empereur qui l'a commencée, & celui-ci ne fait que l'augmenter & l'embellir.

Mais il n'y a rien en cela qui doive vous étonner ni vous rendre la chofe incroyable. Outre que les bâtimens font prefque tous des rez-de-chauffée; on multiplie les ouvriers à l'infini. Tout eft fait lorfqu'on porte les matériaux fur le lieu. Il n'y a qu'à pofer, & après quelques mois de travail la moitié de l'ouvrage eft finie. On diroit que c'est un de ces Palais fabuleux

qui fe forment tout d'un coup par enchantement dans un beau vallon, ou fur la croupe d'une montagne. Au refte, cette maifon de plaifance s'appelle Yvenming yven; c'est-à-dire, le jar

din des jardins, ou le jardin par excellence. Ce n'eft pas la feule qu'ait l'Empereur. Il en a trois autres dans le même goût, mais plus petites & moins belles. Dans l'un de ces trois Palais, qui eft celui que bâtit son ayeul Canghy, loge l'Impératrice mere avec toute fa Cour : il s'appelle Tchamg tchun yven, c'eft-à-dire, le jardin de l'éternel printems. Ceux des Princes, des grands Seigneurs, font en raccourci ce que ceux de l'Empereur font en grand.

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Peut-être direz-vous quoi fert une fi longue defcrip tion? Il eût mieux valu lever les plans de cette magnifique maifon & me les envoyer. Je répons, Monfieur, qu'il faudroit pour cela que je fuffe

au moins trois ans, à n'ayoir autre chofe à faire; au lieu

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