Imágenes de páginas
PDF
EPUB

vû: & la curiosité n'eft pas plus fatisfaite, que fi l'on avoit tou jours été enfermé dans une chambre.

D'ailleurs, tous le pays qu'on trouve fur cette route eft un affez mauvais pays, & quoique le voyage foit de fix ou fept cens lieues, on n'y rencontre rien qui mérite attention, & l'on ne voit ni monumens, ni édifices, fi ce n'eft quelques Miao ou Temples d'Idoles, qui font des bâtimens de bois à rez-de-chauffée, dont tout le prix & toute la beauté confiftent en quelques mauvaises peintures & quelques vernis fort groffiers. En vérité, quand on a vû ce que l'Italie & la France ont de monumens & d'édifices, on n'a plus que de l'indifférence & du mépris pour tout ce que l'on voit ailleurs. Il faut cependant en excepter

[ocr errors]

le Palais de l'Empereur à Pékin, & ses maisons de plaifance; car tout y eft grand, & véritablement beau, foit pour le deffein, foit pour l'exécution, & j'en fuis d'autant plus frappé que nulle part rien de femblable ne s'eft offert à mes yeux. J'entreprendrois volontiers de yous en faire une defcription qui pût vous en donner une idée jufte; mais la chofe feroit trop difficile, parce qu'il n'y a rien dans tout cela qui ait du rapport à notre maniere de bâtir& à toute notre architecture. L'œil feul en peut faifir la véritable idée; auffi, fi jamais j'ai le tems, je ne manquerai pas d'en envoyer en Europe quelques morceaux bien deffinés.

Le Palais eft au moins de la grandeur de Dijon (je vous nomme cette ville, parce que

vous la connoiffez.) Il confifte en général dans une grande quantité de corps de logis, détachés les uns des autres, mis dans une belle fymmétrie, & féparés par de vaftes cours, par des jardins & des parterres. La façade de tous ces corps de logis eft brillante par la dorure, le vernis & les peintures. L'intérieur eft garni & meublé de tout ce que la Chine, les Indes & l'Europe ont de plus beau, & de plus pré

cieux.

Pour les maisons de plaifance, elles font charmantes. Elles confiftent dans un vafte terrein, où l'on a élevé à la main de petites montagnes, hautes depuis 20. jusqu'à 50. à 60. pieds, ce qui forme une infinité de petits vallons. Des canaux d'une eau claire arrofent le fonds de ces vallons, & vont fe rejoindre en

plufieurs endroits pour former des étangs & des mers. On par

court ces canaux, ces mers & ces étangs, fur de belles & magnifiques barques: j'en ai vû une de treize toifes de longueur & de quatre de largeur, fur laquelle étoit une fuperbe maifon. Dans chacun de ces vallons, fur le bord des eaux, font des bâtimens parfaitement affortis de plufieurs corps de logis, de cours, de galeries ouvertes & fermées, de jardins, de parde cascades, &c. Ce qui fait un affemblage dont le coup d'œil eft admirable.

terres,

On fort d'un vallon, non par 'de belles allées, droites comme en Europe; mais par des zigzags, par des circuits, qui font eux-mêmes ornés de petits pavillons, de petites grottes, & au fortir defquels on retrouve

un fecond vallon tout différent du premier, foit pour la forme du terrein, foit pour la ftructure des bâtimens.

Toutes les montagnes & les collines font couvertes d'arbres, fur-tout d'arbres à fleurs, qui font ici très-communs. C'eft un vrai Paradis terreftre. Les canaux ne font point, comme chez nous, bordés de pierres de taille tirées au cordeau; mais tout ruftiquement, avec des morceaux de roche, dont les uns avancent, les autres reculent, & qui font pofés avec tant d'art, qu'on 'diroit que c'eft l'ouvrage de la nature. Tantôt le canal eft large, tantôt il eft étroit: ici il ferpente, là il fait des coudes comme fi réellement il étoit pouffé par les collines & par les rochers. Les bords font femés de fleurs qui fortent des ro

« AnteriorContinuar »