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ne, avoient donné occafion à l'établiffement de l'ordre, qui porte le nom de ce Saint. Cette maladie ayant difcontinué durant cent ans, avoit commencé à fe faire fentir depuis un an, & les religieux avoient charitablement r'ouvert leurs hôpitaux fermez depuis fi long temps aux pauvres miferables qui en font attaquez. Nous y en vîmes avec beaucoup de compaffion une vingtaine, les uns fans pieds, les autres fans mains, & quelques-uns fans pieds & fans mains. Car on re peut guerir ce mal qu'en coupant les membres aufquels il s'attache d'abord. Il y avoit là un frere fort habile, qui n'en manquoit aucun. Il nous fit voir des mains & des pieds coupez il y a cent ans, qui font femblables à ceux qu'il coupoit tous les jours, c'est-à-dire, tout noirs & tout fecs.

Nous partîmes de S. Antoine le fixiéme de Septembre, & nous allâmes à Romans ville du Dauphiné plus grande & Romans. plus belle que Vienne, où il y a des Cordeliers, des Capucins & des Recolets, une abbaye de Bernardines, des Urfulines, & des religieufes de la Vifitation. La principale église eft la collegiale, qui dans fon origine étoit une fameuse ab. baye, fondée par S. Barnard archevêque de Vienne dont elle porte le nom. On voit à l'entrée de la ville un vieux château, qui fert aujourd'hui de prison, qu'on dit être celui qui fut vendu au Saint, lorsqu'il y bâtit l'abbaye. Quoiqu'il en foit,l'églife qui fubfifte aujourd'hui eft grande,belle & délicate, mais elle se reffent un peu du ravage des Huguenots. Elle est deffervie par un chapitre confiderable, qui a pour abbé l'archevêque de Vienne, quoiqu'il foit immediat par fa fondation au faint Siege; on croit même que l'abbaye ne s'appelle Romans, que parce que S. Barnard la foumit à l'évêque de Rome. Elle a eu le malheur d'être ruinée fix fois. 1. par les Maures. 2. par l'archevêque Sebon. 3. & 4. par le feu. 5. par Guigue Dauphin dans le douzième fiecle, & 6. par les Calvinistes.

Valence n'eft qu'à trois lieuës de Romans. La ville eft af fez jolie, mais peu peuplée. L'église cathedrale a été confa. crée en 1096. par le pape Urbain II. & par douze évêques en l'honneur de faint Corneille & de faint Cyprien, quoyqu'on l'appelle faint Apollinaire. Elle eft affez belle pour fon temps. On croit dans Valence que c'étoit autrefois une abbaye de Benedictins, & que la cathedrale étoit à faint

Valence.

Die.

Jean, qui eft aujourd'hui une paroiffe. Nouy y vîmes cette ancienne infcription.

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Il y a dans Valence trois abbayes; S. Rufe de l'ordre de S. Auguftin, Vernaifon de l'ordre de Cî eaux, & Soyon de l'ordre de S. Benoift. Celle ci auffi bien que les autres étoit autrefois hors de la ville; mais ayant été ruinée, les religieufes furent obligées de fe retirer à Valence, où Jean de Montluc qui en étoit évêque, les reçut dans fon palais épifcopal, leur permit fans peine de faire l'office dans fa cathedrale, & d'y tenir un choeur avec les chanoines. Quelquesuns ont prétendu juftifier cet évêque, qui d'ailleurs étoit fçavant & avoit de l'efprit: mais il fut foupçonné d'avoir abusé de cette abbeffe, laquelle depuis proftitua fa religion étant morte Calvinifte hors de fon cloître. Nous avons vû à Valence des anciens chanoines, qui fçavent de leurs ancêtres, qu'on l'avoit vû prêcher en habit long & couvert de fon chapeau. Nous connoiffons auffi des perfonnes qui ont vû une lettre qu'il écrivoit au maréchal de Montluc son frere, dans laquelle il avoit l'infolence de lui mander, que fi l'évêque de Rome vouloit faire du bruit, il ébranleroit de telle forte fon clocher, qu'il tomberoit par terre.

De Valence nous fumes à l'abbaye de Leoncel, '& de-là à Die dont l'évêché étoit autrefois uni à celui de Valence. Les chemins font tres.difficiles & même dangereux. C'eft pourquoi nous n'y arrivâmes que fur les neuf heures du foir. Environ un mois auparavant on avoit découvert une confpiration ; on avoit trouvé des magafins de poudres, on avoit auffi furpris des lettres originales des Etats d'Holande & de la Reine Anne pour lever des foldats, & leur faire tenir de l'argent ;

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& felon le projet des conjurez en même temps que les An. glois firent leur defcente dans le Languedoc, les Allemans devoient fondre dans le pays de Die par le Gapençois, & tout le monde prendre les armes, égorger l'évêque, le gouverneur, le fubdelegué de l'intendant, tous les chanoines & tous les anciens catholiques. Cette confpiration avoit obligé de faire des perquifitions; on prenoit toutes les précautions poffibles, & l'on avoit déja arrêté prifonniers une vingtaine de ceux qui étoient entrez dans la confpiration, qui ne nioient pas le fait. Comme nous arrivâmes tard, les gardes qui étoient à la porte nous crierent Qui va là? mais nous étions tellement occupez à chercher notre chemin, que nous ne les entendîmes pas, nous ne vîmes pas même la porte de la ville qui étoit tout proche de nous. Il est vray qu'elle étoit fi tite, qu'elle n'avoit pas l'apparence d'une porte de ville. Comme nous ne répondîmes pas, & que nous avancions toûjours notre chemin en nous éloignant de la porte par laquelle nous devions naturellement entrer, les gardes tirerent fur nous, & furent auffi-tôt donner avis au gouverneur, que deux camifars, habillez en prêtres, montez fur des chevaux, étoient venus à la porte de la ville, qu'on leur avoit crié Qui va là? & qu'au lieu de répondre, ils avoient fui dans les vignes. Le gouverneur avertit auffi-tôt l'évêque & le fubdelegué de l'intendant de l'avis qu'on vient de lui donner; l'épouvante fe met dans les efprits, & l'on conclud qu'il falloit promptement commander une compagnie de canonniers pour courir aprés les camifars. On donne les ordres, & on met toute la ville en émotion pour prendre deux perfonnes, qui venoient fe livrer elles-mêmes. Comme nous ne fçavions rien de ce qui fe paffoit, nous fuivions toûjours les murailles de la ville dans l'efperance que nous trouverions enfin une porte; nous fimes beaucoup de fort méchant chemin, & aprés affez de temps & bien des inquietudes, nous en trouvâmes une qu'on venoit apparemment d'ouvrir pour laiffer fortir les foldats qui devoient courir aprés nous. Il y avoit un homme qui tenoit un falot & trois foldats armez qui nous regarderent depuis les pieds jufqu'à la tête. Nous les priâmes de nous faire la grace de nous mener en quelque hôtellerie. Its nous y menerent, mais en même temps ils donnerent avis au gouverneur, que les camifars étoient dans la ville, dans une telle hôtellerie. Le gouverneur en avertit auffi-tôt l'évêque,

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& un moment aprés il entra dans nôtre auberge avec le fub. delegué de l'Intendant, & un autre officier. Il nous demanda fort honnêtement fi on pouvoit fçavoir d'où nous venions; nous luy répondîmes que nous venions de l'abbaye de Leon. cel, il ajoûta fi nous avions quelque affaire dans la ville; nous lui dîmes qu'oui; que nous avions affaire à monfeigneur l'évêque Le fubdelegué de l'Intendant prenant la parole, nous demanda pourquoy nous n'avions pas répondu, lors qu'on avoit crié, qui va là ; nous lui dîmes que nous n'avions rien entendu. Pour lors le gouverneur nous dit, Mes peres, vous n'avez gueres la mine de Camifars: cependant comme nous fommes dans un temps où l'on eft obligé de prendre des précautions, puifque vous avez à faire à monfieur l'évêque, vous voulez bien que nous vous y menions. Cela nous fit un fort grand plaifir, quoy que d'ailleurs nous euffions un peu de peine d'aller voir fi tard un prélat dont nous avions befoin. L'évêque nous attendoit, & nous reçut avec beaucoup d'honnêteté, & aprés que nous luy eûmes dit le fujet de nôtre voyage, & qu'il eut vû les lettres que nous avions de l'assemblée du clergé, il congedia ceux qui nous avoient amené, & nous retint un peu auprés de lui, puis il nous donna un laquais pour nous conduire dans nôtre logis.

Le lendemain, à fept heures du matin, il nous envoya querir pour voir ses archives ; & d'un air fort agreable nous dit, Mes Peres, comme vous êtes des gens fufpects, je dois avoir l'œil fur vous; ainfi il faut que vous dîniez avec moy ; & je vous prie, tandis que vous ferez à Die, de ne vous pas engager ailleurs. Nous travaillâmes donc chez luy tout le jour & aux archives du chapitre, où nous trouvâmes la vie d'Amedée de Rouffillon, l'un des plus grands prélats qui ayent gouverné les diocefes de Die & de Valence. Il avoit été Benedictin, religieux de faint Claude, abbé de Savigny, & enfuite évêque de Valence & de Die: car ce fut lui qui procura l'union des deux évêchez, & par tout il a fait de grandes chofes. Car je diray en paffant, que dans nos recherches, nous avons trouvé prefque par tout, que les plus grands évêques font ceux qui ont été religieux. Nous y trouvâmes aussi les informations de la vie & des miracles de faint Etienne, évêque de Die, faites par les évêques de la province de Vienne, pour fervir à fa canonization. Ce grand faint avoit été Chartreux, & fon corps s'étoit confervé fans corruption jusqu'au

temps que les Calvinistes s'étant rendus maîtres de la ville, le brûlerent au milieu de la place. Nous voulûmes enfuite voir le tour que nous avions fait quand nous arrivâmes à Die, & nous fumes furpris de voir tous les méchans pas où nous avions été dans la nuit fans aucun guide. Cela nous donna occafion de prendre cette infcription que nous trouvâmes dans les murail les de la ville.

D. M.

CARINIANI. V A

LERIANI. FIL.

ANNOR V M. X V.

ACNE, FIL. CARISS.

ET SIBI. VIVA. FE C.

En voicy encore une qui étoit proche de la cathedrale.

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Celle qui fuit étoit dans un autre endroit de la ville.

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