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où ils étoient confervez. Je les trouvai dans un état pitoyable, parce que le receveur du chapitre, à qui on avoit confié la clef de ce lieu, en avoit fait un poullalier; & que comme ils étoient ouverts fur des pupitres, les poules les avoient couverts d'ordures. Lorfque je commençois à les manier, Monfieur l'abbé Defofiers, à qui il appartient d'en avoir foin, me vint trouver; il ne fut pas moins chagrin que moy de les trouver en cet état, & fit à l'heure même netoyer le lieu & les livres, & me promit de faire relier ceux qui en auroient befoin. L'un des plus curieux manuscrits de la fainte Chapelle, eft celui qu'on appelle les heures du duc Jean. C'est un pfeautier latin avec une verfion angloise de fix ou fept cens ans. Ceux qui me la montrerent, croyoient que c'étoit de l'allemand ou de l'hebreu. Mais fi-tôt que je l'eus vú, je connus le caractere Anglo-faxon. J'en fus encore plus convaincu, lorfqu'examinant les litanies qui font à la fin, je trouvai que la plupart des Saints étoient d'Angleterre. Ce livre eft confervé dans le chartrier.

La fainte Chapelle doit fon origine à Jean premier duc de Berry, qui la fonda l'an mil quatre cens cinq pour douze chanoines, douze vicaires, douze chapelains & six enfans de chœur, un chantre & un treforier qui eft la premiere dignité du chapitre ; & afin qu'ils euffent de quoy vivre honorablement, outre le fonds qu'il leur donna, il y unit tous les revenus de l'abbaye de faint Hyppolite, & du chapitre de faint Oaftril ou faint Auftregefile du château, & de quelques prieurez, qu'il fupprima. Il voulut qu'elle fût exempte de la jurifdiction des archevêques de Bourges, & qu'elle fût immediate au faint. Siege. Ce prince ayant fupprimé en faveur de fa fainte Chapelle le chapitre de faint Ouftrille du château, qui étoit confiderable, il le refonda une feconde fois à la priere d'un de fes officiers qui en estoir chanoine, pour dix ou douze chanoines & un doyen qu'il foumit à la jurifdiction du treforier de la fainte Chapelle, & à qui il donna la collation des canonicats.

L'églife de faint Ouftril étoit originairement une abbaye fameule, dont quelques uns prétendent que Marculfe auteur des formules a été abbé. Plufieurs archevêques de Bourges l'ont choisie pour le lieu de leur fepulture. Depuis ayant été détruite fous Eudes comte d'Aquitaine, elle fut rebâtie, & donnée à des chanoines feculiers. Le cardinal

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Boifratier archevêque de Bourges en avoit été chanoine. Proche de cette églife font deux chapelles anciennes, dans l'une defquelles je lus cette infcription, qui a environ 300 ans, fur la table facrée de l'autel: A l'honneur & loüange de Dieu, de la glorieufe Vierge Marie, de Monfeigneur faint Auftrille, & de la cour celefte, Jean Blanchart Sergent du roy notre Sire, a laifié ceans trente fols tournois de rente, fituée fur la mai. fon de Pierre de Ville-neufve, étant entre la maison Chastelfort &la maifon Colas Doucet, pour lefquels trente fols les feigneurs de ceans feront tenus tous les ans de dire deux anniversaires pour l'ame dudit Blanchart & de Jacquette (a femme. Voila un fergent qui avoit grande envie que fa fondation fût affûrée, ou qui avoit une grande devotion, qui le porta à la faire graver fur l'autel.

L'églife de faint Urfin étoit en fon origine une abbaye, qui avoit faint Symphorien martyr pour patron, & qui prit le nom de faint Urfin aprés que les reliques de ce faint évêque y eurent été transferées. Ayant été détruite, elle fut rebâtie & donnée à des chanoines, qui la poffedent encore aujourd'hui. L'entrée en paroît fort ancienne; & la grande croix qui eft au portail avec un agneau en eft une preuve. Monfieur Alabat qui en eft prieur, m'en fit voir toutes les curiofitez, les corps de faint Urfin & de faint Sulpice Severe, qui s'y confervent derriere le grand autel, celui de faint Guinefort abbé, qui étoit autrefois dans un autel creux, & que l'on a transferé ailleurs, le chef de faint Urfin dans un beau buste, & une relique de faint Symphorien. Il m'assûra qu'ils poffedoient encore autrefois les reliques de faint Raoul, de faint Juft, & de faint Arcade archevêques de Bourges dont on attribuë la perte aux Huguenots. J'en trouvai effectivement des preuves dans le chartrier, qu'il me fit ouvrir avec beaucoup de bonté. Il me communiqua auffi deux beaux cartulaires, & me fit voir des anciennes legendes manufcrites affez belles. Je trouvai dans l'une la vie de saint Antoine de Padouë, écrite de temps du ce Saint; mais fans ces miracles prodigieux qu'on lui attribuë; & cependant on dit que c'est à Bourges même, que le Saint fit adorer le faint Sacrement par un mulet, & on montre dans un cimetiere une chapelle de faint Antoine, bâtie dans l'endroit où l'on prétend que le miracle fe fit, pour en conferver la me. moire. J'y trouvai auffi une vie de faint Fulgence évêque de

Rufpe en Afrique, avec une hiftoire de fa tranflation à Bourges mais cette hiftoire ne me parut pas affez folide pour affûrer un fait de cette confequence, & les anachronismes qu'elle contient, la rendent entierement fufpecte. Comme je fçavois qu'il y avoit à Bourges une églife de faint Fulgen. ce, j'eus la curiofité de la voir. Monfieur Alabat prit la peine de m'y mener, & fe faifoit un fingulier plaifir de m'obliger. C'est un prieuré cure qui dépend de l'abbaye de Plein-pied. Lorfque nous y arrivâmes, nous trouvâmes le curé malade, il nous fit toutefois entrer. Je luy demandai à quel Saint fon églife étoit dédiée, & quel jour il en faifoit la fête. Il me répondit que fon églife étoit dédiée à faint Fulgence évêque de Rufpe, & qu'il en faifoit la fête le 6 may. Je le priai de me dire quelle raifon il avoit d'en faire ce jour-là, dautant que le jour de fa mort étoit le premier de janvier; & il me répondit qu'il n'avoit point d'autre rai fon, finon parce qu'on en faifoit memoire ce jour-là dans le breviaire de Bourges. Je luy demandai encore s'il en avoit des reliques, & il me dit qu'il les avoit toutes entieres. On nous montra effectivement dans l'églife de la cure une châffe de bois doré, dans laquelle il y a un corps, qu'on dit être de faint Fulgence. Je crains fort que ce ne foir quelque Saint du pays, dont on ignore les actions, & à qui on aura attribué celles de l'évêque de Rufpe, dont on avoit une vie parfaitement belle. Derriere l'églife de la paroiffe eft l'ancienne église de faint Fulgence, petite & étroite, mais voutée, dont les fenêtres font fort longues. Elle paroît ancienne. On en a détruit l'autel il y a quelques années, & de la table facrée, on a fait le pavé de la paroiffe, dans l'endroit où l'on marche le plus.

Toutes les églifes collegiales de Bourges, excepté la fainte Chapelle, étoient dans leur origine des abbayes d'hommes ou de filles. Celle de Notre-Dame de Sales reconnoît fainte Bertoare pour fa patrone, on y montre fon tombeau fous un autel qui ne paroît pas fort ancien. On conferve dans cette églife la chafuble de faint Urfin premier évêque de Bourges, qui eft toute ronde par le bas.

L'abbaye de faint Sulpice eft la plus illuftre du Berry. E le doit fon origine à Sulpice le Debonnaire archevêque de Bourges, qui la fonda en l'honneur de faint Etienne premier martyr, & qui la choifit pour le lieu de fa fepulture. On

voit encore aujourd'hui fon fepulcre fous l'autel, qui lui eft confacré, & fes facrez offemens dans une fort belle châffe d'argent dans la facristie, avec plufieurs autres reliques tresauthentiques. On prétend auffi y avoir du fang de faint Etienne premier martyr dans un coffre de vermeil doré, dont la clef étoit autrefois gardée par un feigneur du Berri, dont je n'ai pas retenu le nom. C'est à ce coffre ou à la châfle de faint Sulpice, qu'étoit autrefois attachée une tres-belle agathe, qui representoit Marc-Antoine & Cleopatre. Le Pere Menétrier Jefuite l'ayant vûë, fut tellement frappé de sa rareté, qu'il avoüa qu'il étoit difficile de trouver rien en ce genre de plus beau; & étant retourné à Paris, il en parla au ray comme d'une piece qui meritoit d'avoir place dans fon cabinet, & pour achever de faire fa cour, il vint à saint Germain des Prez dire au R. P. General que le roy demandoit cette agathe. Il n'en fallut pas davantage, pour obliger les fuperieurs de la faire venir à Paris. Ils la firent presenter au Roy, qui l'admira; mais comme il avoit de la religion, s'étant informé du religieux qui la lui avoit apportée, d'où elle avoit été prife, lui répondit, qu'elle avoit été tirée d'un reliquaire; alors il lui dit cette belle parole digne d'un Roy tres-chrétien: A Dieu ne plaife que je prenne ce que la pieté des fideles a confacré à fes Saints: mon Pere, remportez votre agathe. Je ne fçai comment les religieux de faint Sulpice avoient pû conferver ce tresor, & toutes leurs reliques de la fureur des heretiques; car ces impies ruinerent le monaftere & principalement l'église de fond en comble. On en rebâtit une autre, fur les fondemens de l'ancienne, qui eft petite, mais affez jolie. La figure de la sainte Vierge qui eft à fon autel eft une piece achevée : tous les étrangers qui passent à Bourges, viennent exprés pour la voir, & ne fe laffent point de l'admirer. Quelques uns n'estiment gueres moins la figure de notre bienheureux Pere faint Benoit, qui eft à l'autel de ce Saint. Les chaires du chœur font affez belles, le travail eft délicat; & pour exciter la pieté & la ferveur des religieux, on a peint à chaque siege un faint fondateur d'un ordre religieux.

Durant le fejour que je fis à Bourges, je fus avec le ReveBeau-voir. rend Pere abbé de faint Sulpice à l'abbaye de Beau-voir, qui est à deux ou trois lieuës de Bourges, affez prés du château de Meun, où Charles VII. mourut. Cette abbaye reconnoît

pour

pour fondateur Robert de Courtenay, qui la bâtit & dota l'an 1234 pour des religieufes de l'ordre de Cîteaux. Elle est aujourd'hui gouvernée par madame de Chauvelin, qui étoit auparavant religieufe de l'ordre de Fontevrault, & qui en peut être confiderée comme la reftauratrice. Car loriqu'elle fut nommée abbeffe, elle trouva le monaftere tout ruiné fans clôture, & prefque fans églife; (car la voute étoit à bas) chargé de vingt-trois mille livres de dettes manuelles dépourvû de toutes les neceffitez de la vie, fans reffource. pour les avoir, avec quatre ou cinq religieufes fans difcipline & fans regularité. Mais la pieuse abbeffe a fi bien travaillé depuis environ trente-fix ans qu'elle fut pourvûë de l'abbaye, qu'elle l'a entierement rétablie, & pour le fpirituel & pour le temporel. Elle a payé les dettes, rétabli les lieux reguliers, refait la voute de l'églife, enfermé l'enclos d'une bonne muraille, & rétabli la regularité dans le monaftere. 11 y a aujourd'hui vinge deux religieufes, qui s'eftiment heureufes d'être gouvernées par une fi bonne abbeffe. Elle nous fit voir les reliques de fon monaftere, dont les plus confiderables font une mâchoire de faint Laurent, un os de faint André, un de faint Gaucher premier abbé de Quincy, & un couteau de faint Louis roy de France. Elle nous fit voir auffi les titres avec beaucoup de bonté. J'y trouvai la lettre fuivante de l'abbé de Cîteaux à Petronille dame de Meun & de Sully..

Nobiliffima in Chrifto fibi plurimum dilect a Petronille de Magduno & de Soliaco Domina frater B. dictus abbas Cifters cii falutem & dilectionem.

Noverit dilectio veftra præfentium litterarum tenore, quod nos petitionem veftram in veftris litteris contentam, videlicet quod moniales de Bello-vifu Bituricenfis diœcefis, quæ funt filiæ noftræ immediata, poffint lectiones legere & hiftoriam cantare, quæ in ecclefia Bituricenfi cantatur, de fancto Guillelmo noftri ordinis monacho, & ejufdem ecclefiæ Bituricenfis antiftite fanétissimo, in civitate eadem & in provincia illa nominatiffimo, vobis concedimus, & abbatiffa domus ejufdem ac monialibus fignificamus, quod de confilio vifitatoris quem ibi pofuimus, vel aliorum de ordine noftro abbatum, de legenda & hiftoria ordinata fecundum ordinis inftituta fibi faciant provideri. Datum apud Ciftercium tempore capituli generalis, anno Domini M. CC. LV.

Il me reste à parler du monaftere des Annonciades de Bour

I. Part.

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