Imágenes de páginas
PDF
EPUB

celle de faint Eftienne doit fon origine à faint Colomban, qui la bâtit pour des moines qui la poffedent encore aujourd'huy. Sur la fin de l'onzième fiecle il n'y avoit que fort peu de religieux, & l'églife & le monaftere menaçoient de ruine. Guillaume comte de Nevers le fit rebâtir, le choifit pour le lieu de fa fepulture, & le donna à faint Hugues, qui en fit un prieuré dépendant de Cluni l'an 1097. On voit encore dans une chapelle le tombeau de ce comte, où il eft reprefenté offrant à faint Hugues une églife. Dans l'autel de la paroiffe qui eft dans la nef eft renfermé le corps de faint Eulade évêque de Nevers, dans un fepulchre de pierre avec cette inscription:

QUISQVIS AB OCCASV PPERAS HVC QUISQVIS AB ORT V CORPVS IN HOL TVMVLO QVOD VENERERIS HABES PRESVL CVLADIVS HVIVS QVONDAM PATER VRBIS ADVENTV GAVDENS SVSTINET HIC DOMINI

Il ne reste plus aucun monument du tombeau de Hugues III. évêque de Nevers qui fut auffi enterré à faint Eftien

ne.

L'abbaye de Notre Dame n'eft guéres moins ancienne que le monaftere de S. Eftienne, car on prétent que les difciples de S. Colomban en ont jetté les fondemens, & qu'ils y mirent des religieufes. Ayant été détruite par les Wandales, Heriman évêque de Nevers la rebâtit dans le neuviéme fiecle pour des religieufes Benedictines qui la poffedent encore aujourd'huy,& la choifit pour le lieu de fa fepulture. On voit encore fon tombeau dans l'églife. Fromondus évêque de Nevers dans le douziéme fiecle y réunit trois autres abbayes, & de quatre n'en fit qu'une feule, qui par cet endroit devint confiderable. Madame de Levi qui en eft aujourd'huy abbeffe me témoigna beaucoup de bonté, & me fir entrer plufieurs fois dans fon monaftere pour y vifiter les archives. J'eu beaucoup de confolation de voir dans le jardin une petite chapelle dans le lieu même où l'on dit que faint Reverien évêque d'Autun fouffrit le martyre. La pierre fur laquelle il eut la tête tranchée se conferve dans l'églife, & fes facrées reliques dans le trefor

I. Partie.

G

dans une belle châffe d'argent, avec plufieurs autres reliques fort confiderables.

L'églife de Notre-Dame n'eft pas l'unique monument de la pieté de l'évêque Heriman. L'églife cathedrale où il établit foixante chanoines, & celle de faint Martin qu'il fonda pour dix-huit n'en eft pas un moindre. Ces chanoines vivoient en commun dans l'une & dans l'autre églife, mais vers le douzième fiecle ceux de faint Martin convertirent leur église en un monastere de chanoines reguliers. Il est aujourd'huy poffedé par ceux de la congregation de fainte Geneviève qui y confervent les reliques de faint Hierôme évêque de Ne

vers.

Le portail de faint Pierre a quelque chofe de fingulier, car on y remarque une reine avec un pied d'oye. Le pere Mabillon dans fes annales dit qu'on voit la même chofe au portail de Neelle dans le diocefe de Troye & en celuy de faint Benigne de Dijon, & qu'on dit que cette reine eft fainte Clotilde. Je fuis bien trompé fi je ne l'ay vû auffi dans le portique de l'églife de Bourges reprefentée de la même maniere.

Le college des Jefuites & le convent des Minimes font des témoignages de la pieté des Gonzagues.

Pendant que j'étois à Nevers il m'arriva une chose plaifante, car comme j'allois dans tous les convens nouvellement établis pour en connoître les fondateurs & le temps de la fondation étant allé aux Carmelites, & aprés avoir fait mon compliment à la fuperieure, je la priay de me dire par qui elles avoient été fondées, & en quel temps. Cette propofition démonta tellement cette bonne fille,qu'elle s'écria:Hé pourquoy me demandez-vous cela, mon pere? n'eft-ce pas pour mettre encore de nouveaux impôts fur nôtre maison ? nous en avons déja tant payé que nous avons été obligées pour y fatisfaire d'emprumter une fomme confiderable, dont nous payons la rente. Je luy répondis que j'étois bien éloigné d'avoir cette penfée qui ne convient pas à un homme de ma profession. Elle me remit au lendemain, parce qu'elles étoient preffées d'enterrer une de leurs foeurs qui étoit morte ce jour-là: mais 'étant point raffurée de ce que je luy avois dit, elle envoya quérir fon directeur pour favoir ce qu'elle avoit à faire. Le directeur diffipa cette terreur panique, l'affûrant que c'étoit un honneur pour leur maifon qu'on en fit mention dans un ouvrage auffi confiderable que celuy que nous avions entre

pris; & lorfque je la fus voir, elle m'apporta de bonne grace le contrat de la fondation.

Aprés avoir demeuré dix jours à Nevers, j'en partis pour aller à l'abbaye de Bourras dans le diocefe d'Auxerre. Cette abbaye qui eft la premiere fille de Pontigny, fondée l'an 1119, peut avoir été autrefois affez confiderable, car c'eft d'elle que furent tirez les premiers religieux de Chalivoy dans le diocefe de Bourges: mais aujourd'huy elle eft tellement ruinée, qu'elle reffemble plûtoft à une grange qu'à une ab. baye, en forte qu'elle eft réduite à un feul religieux. J'y arrivay fur les trois heures, & comme ce religieux étoit allé à la Charité, la fervante qui a foin de fon ménage fit mettre notre cheval à l'écurie, & me fit apporter du pain & du vin avec du fromage: comme je n'avois pas encore difné, j'en mangay avec appetit. Luy ayant demandé quand monfieur le prieur reviendroit, elle me répondit que ce feroit le foir même, & me dit beaucoup de bien de luy que j'entendois avec plaifir. Elle m'affûra qu'il fe traittoit fort mal, & qu'à fon arrivée il se contenteroit peut-être d'un falade, qu'il paffoit tous les jours deux ou trois heures à l'église à prier Dieu & à dire fon office, qu'elle en avoit vû deux autres avant luy qui étoient morts, lefquels faifoient bonne chere & fe divertiffoient bien; elle ajoûta fi ceux qui font morts étoient obligés de faire ce que monfieur le prieur fait, je ne fcai pas ce qu'ils font devenus. J'admiray le raifonnement de cette femme, & je conçu de-là combien les religieux doivent être circonfpects devant les feculiers. Lorfque le prieur fut arrivé, je connu la verité de ce qu'elle m'avoit dit. Il me parut un fort bon religieux, & il étoit fi dépourvû de toutes les neceffitez de la vie, qu'à peine put-il trouver quelques œufs pour me regaler. Il m'en fit de grandes excuses, mais fa vertu étoit pour moy un plus grand regal que toute la chere qu'il auroit pû me faire.

Bourras,

Le Recon

Le jour fuivant j'allai à l'abbaye du Reconfort fondée pour des religieufes de l'ordre de Cîteaux l'an 1234 par Mathilde fort. comteffe de Nevers. Deux heures aprés mon arrivée, l'abbeffe qui revenoit de Paris, où elle avoit gagné deux procés de confequence, y arriva auffi, & je connus par les cris de joye de fes religieufes, qu'elle en étoit fort aimée. Je ne voulus point troubler le plaifir que fes fœcurs avoient de la recevoir, & j'attendis au lendemain à la faluer. Je luy montrai

Corbigny.

les lettres de recommandation que j'avois de monfieur de Citeaux, & auffi-tôt elle m'ouvrit fon monaftere, me communiqua fa fondation, & me fit voir tout ce qu'elle avoit de titres. Cette maison eft prefque redevable de tout ce qu' elle eft aujourd'hui à madame Angelique de Vievre de Launay religieufe de Faremoutier, qui en ayant été faite abbesse l'an 1634, y rétablit la regularité avec l'office divin, & en rebâtit les lieux reguliers. Auffi fa memoire y eft.elle en benediction.

Aprés y avoir demeuré deux jours, j'en partis le 21 octo bre pour aller à Corbigny, qui n'eft qu'à deux lieues de-là, comme j'y arrivai de bonne heure, je travaillai le reste de Bellevaux, la journée, & le jour fuivant j'allai à l'abbaye de Bellevaux, de l'ordre de Premontré dans le diocefe de Nevers. J'y trouvai cinq religieux de la commune observance, mais qui vivent fort bien. Il y avoit un bon vieillard, qui avoit beaucoup contribué au rétabliffement de cette maifon, & qui paroiffoit avoir de la religion. Ils furent tous ravis de m'avoir ouvert leurs archives, lorfque par les découvertes que j'y fis ils apprirent que leur fondateur étoit un feigneur de Marmagne, qui avoit embraffé la vie religieufe luy & fa femme dans leur monaftere. Car anciennement les monafteres de Premontré étoient doubles, & proche du monaftere des hommes, on en bâtiffoit un de femmes. La joye qu'ils avoient de fçavoir qui étoit leur fondateur, fit qu'ils me prefferent beaucoup de refter encore chez eux; mais aprés avoir pris toutes les connoiffances dont j'avois befoin, j'en partis inceffamment pour retourner à Corbigni..

J'allai de-là à la Chartreuse duVal-saint-George,où le vicaire & le procureur me reçurent avec toute la cordialité que leur permit la maladie mortelle de leur prieur, à qui ils donnerent l'Extrême-onction pendant que j'étois là. Ils me firent voir leurs archives, qui n'ont rien fouffert de l'incendie, qui confuma il y a environ quarante ans tout ce monaftere. La fondation qui a été faite par un feigneur de l'Orme eft des plus belles qu'on puiffe voir. Il ne fe peut rien ajouter à la pieté de ce seigneur, ny aux précautions qu'il a pris pour que rien ne manquât à fes chers Chartreux. La pluye qui étoit tombée toute la matinée porta le vicaire & le procureur à me faire beaucoup d'inftance pour demeurer le refter dujour, mais comme on m'avoit affûré que les chemins étoient beaux, je ne laiffai pas de

partir fur les deux heures. A à peine fus-je forti du monaftere, que la pluye accompagnée d'un vent froid & violent, qui me l'envoyoit dans le vifage, tomba fur moy à verfe, & pour comble de malheur je m'égarai. Je ne laiffai pourtant pas d'arriver fur le foir à Vezelai.

C'est une ancienne & illuftre abbaye fituée fur la pointe d'une montagne, où l'on dit qu'il y a eu jufqu'à huit cens religieux. Je doute fort qu'on puiffe en apporter de bonnes preuves. François premier roy de France la voulut ériger en évêché l'an 1530. J'ai trouvé à faint Germain d'Auxerre une lettre qu'il écrivoit à fon ambaffadeur en cour de Rome, par laquelle il luy commandoit de poursuivre cette érection auprés du pape. Cela n'ayant pas réuffi, on la fecularisa l'an 1537, & la raifon qu'apporterent les moines pour changer d'état, c'est que leur monaftere étant fort frequenté à caufe de l'affluence des peuples qui venoient offrir leurs vœux à fainte Magdelaine, dont ils prétendoient avoir les reliques, ils ne pouvoient pas garder la folitude prefcrite par leur regle. Voila le beau prétexte qu'on apporta pour ôter à l'ordre de faint Benoift une de fes plus fameufes maifons. L'on auroit peut être mieux fait de dire, que les moines étant déreglez, ils étoient indignes de la poffeder; encore n'auroit-ce pas été un fujet legitime pour les fecularifer, puifqu'on pouvoit mettre en leur place des religieux reformez du même ordre, car l'experience fait voir que les fecularisations tournent prefque toûjours à la ruine des maisons, comme le dit fort bien monfieur le Labou. reur dans fes Mazures de l'Ifle-Barbe. Auffi monfieur le doyen m'affura que la fecularisation de l'abbaye de Vezelay avoit achevé de la ruiner. Cet auguste monaftere qui a fervi autrefois de retraite à tant de faints moines, qui poffedoient de fi grandes richeffes, & qui les employoient à nourrir un fi grand nombre de pauvres, eft reduit aujourd'hui à un chapitre de dix chanoines, dont le revenu, y compris la manfe de l'abbé, ne monte qu'à vingt-deux mille livres, fujetes à beau coup de charges. L'églife eft tres-belle, & furpaffe en longueur celle de Notre Dame de Paris, & foit pour fa beauté, foit pour fa grandeur, foit pour l'ancienne fplendeur de l'abbaye, on l'appelle dans la ville la cathedrale. Le portique qui eft à l'entrée, & qui étoit anciennement la place des penitens, eft entierement couvert; de forte qu'ils y étoient à

Vezelay.

« AnteriorContinuar »