AN. 1572. ret célebre orateur fit fon oraifon funebre. Le feul défaut qu'on a pû reprocher à ce pape, eft de n'avoir pas fçû réprimer l'avidité de ceux qu'il mettoit dans les emplois, & à qui il confioit le gouvernement; fa négligence lui fit abandonner le soin des affaires les plus importantes à des ministres, de la probité defquels il n'étoit pas bien affuré; & cette même négligence l'empêcha d'écouter les plaintes qu'on auroit pû lui en porter. Dès que la nouvelle de la mort du pape fut arrivée à Paris, le cardinal de Lorraine & le cardinal de Pellevé archevêque de Sens, se mirent en chemin pour afsister à l'élection d'un nouveau pontife. Ils apprirent en route que Pie V. avoit déja un fucceffeur; mais ils ne laifferent pas de continuer leur voïage, dans le deffein de communiquer au nouveau pape les deffeins fécrets de la cour de France. Le conclave n'avoit duré en effet qu'un jour : les cardinaux y entrerent le treize de Mai, après qu'ils entrent au concia- eurent rendu les derniers devoirs au défunt avec les cérémonies ordinaires. Ils fortirent de faint Ciaconius in vi- Pierre pour entrer dans la chapelle Pauline au nombre de cinquante-deux, & s'étant féparez, chacun fe retira en fa cellule, après qu'on eut célebré la messe du Saint-Esprit, fuivant la coûtume. CVI. Les cardinaux ve pour élire un nouveau pape. tis Pont. init. to. Spond. hos an. 2.7. Folieta lib. 4. Andr. Victorel. in addit. ad Ciac. Le cardinal de Granvelle étant arrivé de Naples dans le tems que les partisans du cardinal Moroné concertoient entr'eux pour faire élire celui-ci pape, entra au conclave & y eut d'abord de longues conferences avec le cardinal Farnefe vice-chancelier de l'églife Romaine, & l'ambassadeur d'Espagne, enfuite avec le cardinal Alexandrin. Sur les CVII. Difcours du car dinal Granvelle nefe. cinq heures du foir, tous ceux qui ne devoient pas demeurer dans le conclave étant fortis, on en fer- A N. 1572. ma les portes; & le lendemain de grand matin Granvelle alla retrouver Farnefe, & lui dit que le roi fon maître defiroit qu'on élût promptement un au cardinal Farpape qui fût de bonnes mœurs, & d'une vie fainte; que pour faciliter cette élection, fa majesté le prioit de ne plus prétendre au pontificat, parce que plufieurs maisons célebres d'Italie & d'Allemagne, des interêts defquels ce prince ne pouvoit fe détacher étoient réfolus de s'y oppofer fortement. Farnese se contenta de répondre à ce difcours, qu'il étoit prêt de concourir à la prompte élection d'un fujet, tel qu'on pouvoit le defirer pour le bien de l'églife. Il est juste, reprit Granvelle, que comme vous tenez le premier rang dans le facré college, on ne faffe rien fans votre participation; ainfi vous pourrez nommer deux ou trois fujets, que vous croirez les plus propres, & je n'oublierai rien pour en faire élire un, 'CVIII. Ce dernier nom Farnese nomma les cardinaux Montepulciano, Buoncompagno, & Corregio. Granvelle l'aïant me trois fujets. quitté, alla trouver alors le cardinal Alexandrin, & lui dit que s'il ne faifoit faire promptement un pape ami du roi son maître, il pourroit bien s'en reffentir en tems & lieu; & après lui avoir nommé les trois cardinaux propofez par Farnese, il l'exhorta à faire tomber le choix fur l'un des trois. Il ajoûta qu'il s'attireroit par là les bénedictions du ciel, & qu'il fe concilieroit l'amitié du roi d'Espagne. Le cardinal Alexandrin qui étoit encore jeune, & qui n'avoit aucune expérience des conclaves, aufquels il ne s'étoit jamais trouvé, ne fçachant que répon A N. 1572. dre, fe retira dans fa cellule, où il affembla tous ses amis il leur expofa en peu de mots ce qu'on CIX. le cardinal Hugues : venoit de lui dire, & ajoûta qu'il avoit d'abord jetté les yeux fur le cardinal de Plaisance, qui étoit agréable à Borromée; mais que fes amis n'avoient pas approuvé ce choix, parce que ce cardinal étoit de la derniere promotion, & qu'on lui avoit fait entendre qu'il convenoit mieux de choisir quelqu'un promû par Pie IV. & il nomma Buoncompagno. Il alla trouver enfuite quelques-uns des cardiOn pense à élire naux de Pie IV. qu'il avoit déja engagez à briguer Buoncompagno. pour Buoncompagno, & leur dit qu'il avoit difpofé tous les amis à fe déclarer en fa faveur. Farnese de son côté qui avoit compris par la conference qu'il avoit euë avec Granvelle, que Buoncompagno auroit beaucoup de part au pontificat, le dit au cardinal d'Urbin, & le chargea d'avertir les amis de Buoncompagno, que pourvû qu'ils gagnaffent le cardinal Alexandrin, il feroit fûrement élû. CX. mement, & prend goire XIII. Spond. hoc an. n 7. Le cardinal de Verceil étant enfuite allé dans la Il eft élu unani chambre de Buoncompagno, le prit par la main, le nom de Gre- & le pria de le fuivre dans la chapelle, pour y reDe Thou ut fuf. cevoir l'adoration de tous les cardinaux. Buoncomlui aïant demandé s'il étoit affuré d'avoir afpagno Ciaconius ut fup. fez de voix pour le faire élire, & Verceil lui aïant répondu qu'il ne lui feroit pas faire cette démarche s'il n'en étoit assuré, il prit avec lui quelques papiers qui lui étoient de confequence, & le fuivit. Dès qu'il parut dans la chapelle tous l'élurent unanimement. Toute la cour Romaine fut extrêmement tom. 4. p. 2. & 4. fatisfaite de ce choix : Buoncompagno avoit été déja destiné à la papauté par Pie IV.lorfqu'il fut fait cardi- A N. 1572. nal, & peut-être auroit-on férieufement pensé à lui dans le conclave où Pie V. fut élu, s'il n'eût pas été employé alors à la légation d'Espagne. Son élection fe fit le treize de May dans l'efpace de cinq à fix heures, & il prit le nom de Gregoire XII. Son couronnement fe fit le 25. Mai jour de la Pentecôte. Ce nouveau pape étoit né à Boulogne dans le mois de Janvier de l'an 1502. de Christophe Buoncompagno & Angele Marefcalca, qui descendoit d'un notaire public dans la même ville. Après avoir fait fes premieres études, il s'appliqua à l'étude du droit fous les plus celebres professeurs d'Italie : il y fit de fi grands progrès, qu'à l'âge de vingt-huit ans il parvint au doctorat, & devint enfuite professeur à Boulogne, emploi dont il s'acquitta avec beaucoup de réputation. En 1539. il fe retira à Rome, où il eut d'abord l'office d'affeffeur, puis celui d'abbreviateur & de réferendaire de l'une & l'autre fignature enfin il fut fait vicaire civil de l'auditeur de la chambre fous Paul III. en 1549. un peu avant la mort de ce pape. Jules III. le fit fécretaire apoftolique, & en 1554. il fut vicelegat du territoire de Rome, & l'année fuivante il exerça la charge de la fignature des graces : ce même pape l'envoïa au concile de Trente en qualité de jurifconfulte. Paul IV. le fit évêque de Vesti, & Pie IV. le chargea d'aller une feconde fois à Trente : à fon retour il fit cardinal, & l'envoïa légat en Espagne pour faire de Barthelemi Carranza archevêque de Tolede. Enfin s'étant dignement acquitté de cette léga l'af A N. 1572. CX I. fades du pape pour tion, il eut la fignature des brefs fous Pie V. Auffi-tôt après fon élection il envoïa Nicolas Diveries ambaf Ormanette en Espagne pour engager Philippe II. maintenir la ligue à maintenir la ligue; Antoine-Marie Salviati vint Ciaconius in vita en France, pour tâcher de perfuader au roi trèschrétien d'y entrer, & d'autres nonces partirent encore dans le même delfein, pour se rendre auprès de l'empereur & de quelques fouverains du Nord. Le cardinal Commendon fut confirmé dans fa légation de Pologne, afin d'y continuer la com miffion dont Pie V. l'avoit chargé. pontific. tom. 4. pag. 4. Spondan. in anal. Ad hunc an |