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jefté leur jura qu'elle feroit une punition fi fevere A N. 1572. de l'affaffin & de fes complices, que l'amiral & fes amis en feroient fatisfaits. Le roi ajoûta qu'il avoit autant de ressentiment que perfonne d'une action fi noire, mais que puifqu'elle étoit commise, il vouloit convaincre tout le monde, que fi Coligni avoit reçu la bleffure, lui-même en reffentoit la douleur, qu'il les prioit d'en être témoins eux-mêmes, & pour cela de ne point fortir de Paris. La reine mere fçut auffi très-bien fe contrefaire; elle dit que toit au roi & non pas à Coligni que l'injure avoit été faite ; qu'en laiffant une telle action impunie, on porteroit la licence jufqu'à venir attaquer fa majesté dans le Louvre ; qu'il falloit donc chercher les moïens de punir très-feverement un si grand crime. Par cet artifice le roi de Navarre & le prince de Condé furent appaisez, & ne s'imaginant pas qu'on usât de diflimulation, ils ne parlerent plus de quit

VII. Précautions inu

faffin.

ter. Paris.

c'é

Auffi-tôt le roi commanda qu'on poursuivît le tiles qu'on prend meurtrier quoiqu'on ne fçût pas encore qui il pour arrêter l'afe étoit ; il fit ordonner au Prevôt de Paris de mettre par-tout des gardes prêts à executer tout ce que le duc d'Anjou leur commanderoit; il fit fermer toutes les portes de la ville, à l'exception de deux feulement, par où l'on faifoit entrer les vivres ; mais qui furent bien gardées. Le laquais & la fervante qui avoient été pris dans la maison de Villemur abfent, furent interrogez par Chriftophle de Thou, Bernard Prevost seigneur de Morfan, présidens au parlement, & Jacques Viole confeiller. Et comme Î'un & l'autre nommerent dans leur déposition Vil

liers, feigneur de Chailly, vaffal des princes de Guife, comme aïant amené au logis de Villemur un certain foldat, dont ils dirent qu'ils ignoroient le nom, il y eut ordre d'arrêter Chailly; mais on ne le trouva point. Le roi fit écrire enfuite à tous les gouverneurs des provinces pour leur marquer combien il déteftoit cette action, & la juftice févere qu'il méditoit d'en faire au plûtôt.

A N. 1572.

VIII. L'amiral deman

De Thou in hift. lib. 52. pag. 812. Hit. de la monarch. Franc. ut Sup. pag. 5729

Au milieu de ces agitations, l'amiral confervoit une merveilleufe tranquillité d'efprit: les maréchaux de à parler au roi. de Damville, de Coffe, & le fieur de Villars s'entretenans avec lui de l'accident qui venoit de lui arriver: Je vous affure, leur dit-il, que la mort ne m'étonne point, & que je fuis prêt de rendre librement à Dieu l'ame que j'ai reçûë de lui, quand il lui plaira me tirer de ce monde : mais avant ma mort, je souhaiterois qu'il me fût permis de parler au roi ; j'ai à lui communiquer des chofes, dont nul autre ne peut l'inftruire, & qui regardent fa perfonne & la confervation & la gloire de fon roïaume. Damville en parla à sa majesté, qui peu après vint

chez l'amiral.

IX.
Le roi rend vi

Ce prince étoit accompagné de la reine fa mere, des ducs d'Anjou & d'Alençon, du cardinal de fite à l'amiral. Bourbon, des ducs de Montpenfier & de Nevers, & de plusieurs autres personnes distinguées. Tous ceux qui étoient dans la chambre de l'amiral, excepté Teligny & fa femme, & celui qui afsistoit le malade, en fortirent à l'arrivée du roi, & peu après l'amiral parla ainfi à ce Prince.

X.

Dieu devant lequel il paroît que je ferai bien-tôt Difcours de l'as appellé, m'est témoin, que pendant que j'ai vécu, miral au roi,

&

j'ai toujours été fidéle à votre majesté, attaché à son A N. 1572. fervice & zelé pour rendre fon regne floriffant & paisible. Je sçai toutefois que quelques-uns m'ont fait paffer pour un traître, un rebelle, un homme qui n'aimoit que le trouble; mais j'efpere que Dieu devant qui je fuis prêt de rendre raison de mon obéiffance & de mon refpect envers votre majesté, quand il lui plaira m'appeller à fon tribunal, fera quelque jour leur juge & le mien. Enfin, comme le roi votre pere m'a comblé de grands honneurs, que votre majesté a bien voulu me les confirmer, la fidélité & le zéle que j'ai pour le bien de votre état, m'engagent à vous fupplier de poursuivre l'affaire des Païs-Bas ; fi vous abandonnez cette entreprise, il est à craindre que votre roïaume n'en souffre de très-grands maux. N'est-ce pas une infamie inoüie, qu'on ne puiffe rien dire dans votre conseil fecret, que le duc d'Albe n'en foit auffi-tôt informé ? n'eft-il pas indigne que trois cens gentilshommes, braves officiers, pris dans la défaite de Genlis, aïent été étranglez ou punis d'autres fupplices par ce duc? Néanmoins on s'en divertit à la cour. Je dois encore parler à votre majesté, du mépris qu'on fait de l'édit de pacification, ceux qui président à la juftice en sont la cause, parce qu'ils violent tous les jours la foi qu'ils ont donnée eux-mêmes, & dont les princes étrangers ont été témoins. J'en ai souvent averti votre majefté & la reine votre mere, & je le répéte ici, je ne crois pas qu'il y ait de moïens plus affurez pour conferver la paix, le repos & la tranquillité publique, que l'obfervation exacte & religieufe des édits. Cependant on les méprife avec

XI.

De Thou ut fup.

Hift. de la mo

$73.574.

lib. 6.

tant d'impunité, qu'on a infulté le 12. de ce mois à Troyes des vassaux de la princesse de Condé, & A N. 1572. quoiqu'il leur fût permis fuivant l'édit, d'y faire les exercices de leur religion, on en a massacré sur les chemins quelques-uns qui retournoient chez eux. Le roi répondit à l'amiral, qu'il l'avoit toujours confideré comme un homme généreux, fidéle & Réponse du roi, affectionné pour sa gloire, qu'il le regardoit com- lib. 2. pag. 813. me l'un des plus grands capitaines de fon roïaume, march. Franç pren& qu'il le lui avoit affez marqué : qu'à l'égard de l'é- ves tom. 4. pag. dit de pacification, il fouhaitoit qu'il fût religieufe-Matheu”, hijt. ment obfervé; qu'il avoit envoie dans les provinces des perfonnes choifies pour y travailler, & que fi ces perfonnes étoient fufpectes, on en envoïeroit d'autres. Il ajouta : Je vois bien, mon pere, que vous parlez avec trop de contention, cela pourroit vous incommoder & rendre vos blessures plus dangereuses : j'aurai soin de ce qui vous regarde, & jurant le nom de Dieu, je vous proteste, lui dit-il, que je vengerai l'injure que l'on vous a faite, comme aïant été faite à moi-même. Il ne faut pas beaucoup chercher, répondit Coligni, pour en trouver l'auteur, & les indices paroissent assez ; mais je suis content, & je remercie votre majefté de ce qu'elle veut bien me promettre avec tant de bonté de me rendre juftice.

;

XII. Confeil des fei

dame de Char

tes, & avis du vi

Après que le roi fut forti avec tous ceux qui l'accompagnoient, les feigneurs Proteftans tinrent gneurs Calvinifconfeil enfemble & le vidame de Chartres dit, qu'on ne pouvoit prendre trop de précautions pour fe mettre en sûreté ; & que l'on ne devoit point se fier aux paroles que la cour leur donnoit : qu'il sça

tres.

De Thou in hift. lib. 52. pag. 813. .

voit que plufieurs courtisans catholiques voïant forA N. 1572. tir les Calviniftes de l'églife de notre-Dame, de

XIII.

Les princes de

permiffion de se

retirer.

narch. Franç. tom. 4. pag. 575.

peur d'entendre la messe à la célébration du mariage du roi de Navarre, leur avoient dit que ce fcrupule ne dureroit pas long-temps; que leurs efpions avoient appris des domeftiques de Charles de Gondy maître de la garderobbe du roi, qu'il se répandroit aux mêmes nôces plus de fang que de vin; que la tragedie aïant commencé par la bleffure de Coligni, finiroit bien-tôt par le carnage de tous les autres qu'il étoit donc d'avis qu'on quittât Paris sans differer davantage. Ainfi parla le vidame de Chartres : fon avis étoit fage, mais Teligny empêcha qu'il ne fût suivi,

Dès le lendemain, le bruit s'étant répandu que Guife demandent ceux de la religion Proteftante menaçoient fort les princes de Guife, ceux-ci & le duc d'Aumale alleHift. de la mor rent trouver le roi, & lui dirent en préfence de plufieurs, qu'il leur fembloit que depuis quelques temps fa majesté n'agréoit point leur fervice, & qu'ils la prioient de leur permettre de fe retirer de la cour. Le roi leur répondit avec une vivacité feinte, qu'ils pouvoient s'en aller s'ils vouloient, & qu'il les fçauroit bien trouver, fuppofé qu'ils fuffent coupables de l'infulte qu'on avoit faite à l'amiral. Sur cette réponse, ils fe retirerent, & monterent à che val bien accompagnez, mais l'on fçut qu'ils n'é toient pas fortis de Paris.

XIV. Confeil de la

L'après-dînée la reine-mere conduifit le roi, le reine-mere pour duc d'Anjou, le duc de Nevers, Tavannes & le les Proteftans. comte de Rets dans le jardin des tuilleries, & leur Hist. de Mathieu représenta que ceux qu'ils poursuivoient depuis fi

exterminer tous

liv, 4.

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