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dont ils ne se serviffent pour l'affermir, & comme A N. 1572. il hésitoit encore, la reine lui reprocha avec beauHift. de la mo- de vivacité, qu'il laiffoit perdre par ses incernarchie Françoife coup dans les preuves, titudes la plus belle occafion que Dieu lui pût pré10m. +. pag. 580. fenter pour se défaire entierement de tous les en

4.

XIX.

Commencement

nemis. A ces mots, le roi appréhendant qu'on ne l'accusât de lâcheté, donna fes derniers ordres, & dans le moment même le duc de Guife, le chevalier d'Angoulême & le duc d'Aumale, accompagnez de Coffeins qui étoit aufli venu chez le roi, & foutenus de plufieurs arquebufiers de la garde du roi & de toute celle du duc d'Anjou, prirent le chemin du logis de l'amiral, pour commencer l'exécution au premier fignal. Le duc de Nevers qui avoit réfolu de ne laiffer échapper aucun des Calviniftes qui logeoient dans les fauxbourgs, furtout dans celui de S. Germain, fur lefquels Maugiron devoit faire main basse, voulut sortir de Paris avec de la cavalerie, & follicita fortement le roi & la reine de le lui permettre, dans le deffein d'arrêter ceux qui fuieroient. Mais l'on s'oppofa à fon départ, ce qui fut caufe, ainsi qu'il l'avoit bien prévû, que plufieurs fe fauverent ; & que la cour ne put tirer tout le fruit qu'elle avoit prétendu de tant de meurtres.

Les feigneurs Calvinistes qui étoient logez par du mafiacre de la fordre du roi dans les maisons prochaines de celle de l'amiral, étonnez de ces bruits & de ces mouveDe Thou wet (up. mens extraordinaires à une heure induë, fortirent

S. Barthelemi.

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Bib. 52. pag. 817

1.6.

Mathieu hift de leurs logis, & s'en allerent vers le Louvre où Dans les memoi- chacun couroit. Ils demanderent aux premiers qu'ils Marguerite liv.1. rencontrerent les caufes de ce bruit,& pourquoi l'on

res de la reine

voïoit tant de gens armez? C'eft, leur répondit-on,

qu'il a pris envie au roi de faire attaquer pendant la nuit aux flambeaux une efpece de fort fait à plaifir, AN. 1572. pour fervir de divertiffement, & chacun court pour le voir. Ces gentilshommes continuant leur chemin arriverent proche le Louvre, où ils furent infultez par quelques gardes qui leur dirent des injures : un d'eux aïant voulu répondre fur le même ton, un foldat gascon le frappa de sa halebarde ; & tous les autres auffi-tôt commencerent à fe jetter fur les Proteftans. La reine mere impatiente, & ne pouvant plus attendre davantage, aïant appris cette nouvelle, alla promptement dire au roi qu'il n'étoit plus poffible de retenir la fureur des foldats, qu'il falloit ordonner de donner le fignal, qu'il étoit à craindre qu'en tardant plus long-tems, le tout ne fe passât avec confufion & comte fa volonté. Ainfi par fon ordre on fonna la cloche de faint Germain l'Auxerrois le 24. d'Août, fête de faint Barthelemi, qui dans cette année étoit un Dimanche, un peu avant le jour.

fut

L'amiral la douleur de fes bleflures empèque choit de dormir, fe faifoit lire les commentaires de Calvin fur Job. Il reconnut au bruit qu'il entendoit, qu'il y avoit quelque fédition; mais il n'em pas étonné. Il fuppofoit que ces mouvemens ne venoient que du peuple excité par les Guises, & qu'il fe retireroit auffi-tôt qu'il verroit les foldats des gardes fous la conduite de Coffeins, placez à sa porte pour le défendre. Il ne fe détrompa que quand le bruit s'étant augmenté, il eut appris que fa premiere porte avoit été forcée, & qu'on avoit tiré dans sa cour un coup d'arquebuse, alors con

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jecturant ce qui étoit, il fortit de fon lit, prit fa AN. 1572. robbe de chambre, & fit fes prieres appuié contre la muraille, commandant au miniftre Merlin de fe joindre à lui pour prier Dieu, & lui recommander fon ame. La Bonne domeftique de l'amiral gardoit les clefs ; & Coffeins lui aïant demandé au nom du roi d'ouvrir la porte, elle fut ouverte aussi-tôt; Coffeins entra, vit la Bonne devant lui, & le perça de plufieurs coups de poignard. Enfuite avec les foldats il força le logis, écarta les Suiffes, entre lefquels il y en eut un de tué, & monta les degrez pour arriver à la porte de l'appartement où étoit l'amiral; le duc de Guife étoit demeuré dans la cour avec les feigneurs & les autres qui l'accompagnoient. Ambroise Paré, chirurgien, qui étoit avec l'amiral, lui dit que c'étoit Dieu qui les appelloit, qu'on avoit forcé le logis, & qu'il n'étoit pas poffible de réfifter. Il y a long-tems, répondit Coligni, que je me fuis préparé à la mort; pour vous autres, fauvez-vous fi vous pouvez, car vous ne fçauriez me fauver la vie ; je recommande mon ame à la miféricorde de Dieu : ce qu'il prononça fans faire paroître aucun trouble, ni aucune altération fur fon vifage.

XXI.

Il eft poignardé

nêtres de fon lo

gis.

Coffeins fit enfoncer la porte de la chambre, & & jetté par les fe- y entra avec un nommé Behem, Allemand, domestique du duc de Guise, qu'on disoit avoir époufé une bâtarde du cardinal de Lorraine, le capitai→ ne Attin, domestique du duc d'Aumale, Corberon de Cordillac, feigneur de Sarlaboux, Achilles Petrucci de Sienne, tous armez de cuiraffes. Behem qui étoit entré le premier dans la chambre, voïant

un homme affis dans un fauteuil en bonnet de nuit A N. 1572.

& en robbe fourrée, lui demanda, N'es-tu pas l'amiral? Oui c'est moi, répondit-il avec un vifage affuré; mais toi jeune homme tu devrois respecter ma vieilleße, & avoir égard à mon infirmité: cependant quelque chofe que tu faffe, tu n'abregeras pas de beaucoup ma vie. Le meurtrier le perça auffi-tôt de son épée, & la retira pour la lui enfoncer dans la bouche, les autres qui fuivoient Behem, le percerent de plufieurs coups de poignard.

Le duc de Guife qui étoit demeuré dans la cour avec les autres feigneurs Catholiques, appella Behem, & lui demanda à haute voix, fi l'affaire étoit faite, & Behem lui aïant répondu qu'oùi: le chevalier d'Angoulême ne veut pas le croire, s'il ne le voit,dit le duc, jette-le par la fenêtre. Auffi-tôt le même Behem aidé de Sarlaboux,prit le corps & le jetta en bas; & parce que le coup qu'il avoit reçu dans le vifage, & le sang dont il étoit couvert, empêchoient qu'on ne le reconnût, le duc de Guife ou le chevalier d'Angoulême, effuïant le vifage avec un mou choir, dit: je le reconnois, c'eft lui-même : quelquesuns ajoutent qu'il lui donna un coup de pied. Enfuite il fortit du logis avec les autres, & s'écria : Courage, foldats, achevons ce que nous avons fi heureufement commencé, allons aux armes le roi le com fait au corps de mande, c'est la volonté du fouverain, c'eft fon exprès commandement. Il répeta fouvent ces paroles, & auf fi-tôt après l'horloge du palais fonna, & l'on cria aux armes de tous côtez. Le peuple accourut à la maifon de Coligni; un Italien, domestique du duc de Nevers, lui coupa la tête, & la posta au roi & à

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car

XXII.
Infultes qu'on

cet amiral.
De Thou ut fup.

Hift. de la moarch. Franç, ub

[up.

la reine mere. La populace étant furvenue, coupa A N. 1572. les mains & les pieds du corps, le traîna durant trois jours dans toute la ville, & enfin le porta à Montfaucon, où il fut pendu avec des chaînes de fer. Mais peu de tems après, François de Montmorenci, proche parent du mort, & encore plus fon ami, le fit ôter de nuit du gibet par des hommes fidéles, & le fit tranfporter à Chantilly, où il fuț enterré dans la Chapelle.

Mexeray tom. 3. in fol. pag. 380.

XXIII.

On anime le

le contre les Calvinistes.

De Thou in hist.

Lib. 52, p. 818.

L'amiral aïant été tué, tous ceux qui fe rencontrerent chez lui, ou qui s'y trouverent cachez, éprouverent le même sort. Les soldats pillerent la maison, rompirent les portes, prirent l'argent & tout ce qu'il y avoit de précieux; & l'on mit feulement à part les lettres & les papiers, que Coffeins porta à la reine mere, qui en avoit donné l'ordre. Enfuite le duc de Nevers, le duc de Montpenfier peuple dans la vil- & Tavannes, coururent armez dans toute la ville pour animer le peuple, qui étoit déja affez porté de lui-même au massacre : ils eurent soin de faire publier dans les ruës, que l'amiral & ceux de fa religion avoient formé une conspiration contre le roi & la famille roïale, fans même en excepter le roi de Navarre & le prince de Condé, pour le gouverner enfuite en république, & que les Catholiques pouvoient les exterminer fans fcrupule, puifqu'ils ne feroient que les prévenir de quelques heures : que la confpiration avoit été découverte par une grace particuliere du Seigneur : qu'on n'épargnât donc pas le fang des ennemis du roi & de la patrie, qu'on pillât leurs biens comme une proie légitimement acquife: que c'étoit la volonté du fouverain,

d'extirper

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