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la reine mere. La populace étant furvenuë, coupa A N. 1572. les mains & les pieds du corps, le traîna durant trois jours dans toute la ville, & enfin le porta Montfaucon, où il fut pendu avec des chaînes de fer. Mais peu de tems après, François de Montmorenci, proche parent du mort, & encore plus fon ami, le fit ôter de nuit du gibet par des hommes fidéles, & le fit tranfporter à Chantilly, où il fuț enterré dans la Chapelle.

L'amiral aïant été tué, tous ceux qui fe rencontrerent chez lui, ou qui s'y trouverent cachez, éprouverent le même fort. Les foldats pillerent la maison, rompirent les portes, prirent l'argent & tout ce qu'il y avoit de précieux; & l'on mit feulement à part les lettres & les papiers, que Coffeins porta à la reine mere, qui en avoit donné l'ordre. Enfuite le duc de Nevers, le duc de Montpenfier peuple dans la vil- & Tavannes, coururent armez dans toute la ville

XXIII.
On anime le

le contre les Cal-
viniftes.

Mexeray tom. 3. in fol. pag. 380.

De Thou in hift. Lib. 52, p. 818.

pour animer le peuple, qui étoit déja affez porté de lui-même au maffacre : ils eurent foin de faire publier dans les ruës, que l'amiral & ceux de fa religion avoient formé une confpiration contre le roi & la famille roïale, fans même en excepter le roi de Navarre & le prince de Condé, pour le gouver ner enfuite en république, & que les Catholiques pouvoient les exterminer fans fcrupule, puifqu'ils ne feroient que les prévenir de quelques heures: que la confpiration avoit été découverte par une grace particuliere du Seigneur : qu'on n'épargnât donc pas le fang des ennemis du roi & de la patrie, qu'on pillât leurs biens comme une proie légitimement acquife: que c'étoit la volonté du fouverain, d'extirper

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AN.

d'extirper la maudite engeance de ces ferpens con-
tagieux, afin qu'après avoir entierement diffipé le
venin de ces fectaires, on ne vît plus regner que la
feule religion Catholique.

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XXIV.

de fei

dans cette occa

lib. 52.

Ces exhortations artificieuses & auffi contraires à la religion, qu'à la probité & à l'humanité, eurent gneurs font tuez leur effet : l'on n'épargna ni les vieillards, ni les en- fion. fans, ni les femmes enceintes ; l'on vit regner de De Thou ut fup. tous côtez le carnage. Teligny, gendre de l'ami ral, qui étoit échappé des mains de plufieurs meurtriers, fut maffacré. Antoine de Clermont, marquis de Renel, frere uterin du prince Porcien, qui étoit venu à Paris pour folliciter un procès qu'il avoit avec Loüis de Clermont Buffy d'Amboise fon parent, au sujet du marquifat.de Renel, fut arrêté par ce même Buffy, qui le tua. Le feigneur de Guerchi qui avoit paffé la nuit dans la maifon de l'amiral, aïant été furpris fans avoir le tems de s'habiller, prit d'une main fon manteau & de l'autre son épée, & fe défendit long-tems contre fes meurtriers; mais comme ils avoient tous des cuiraffes, il fut accablé par le nombre.

1572.

François, comte de la Rochefoucaut,
que le roi
aimoit particulierement, & qui étoit après l'ami-
ral le plus confidérable du parti Calvinifte, ne fut
point épargné. Le roi avec lequel il avoit paffé
une partie de la nuit, avoit envoïé ordre qu'on
le fauvât; mais cet ordre vint trop tard. Rouvray,
Soubife, la Chateigneraye, Beaumanoir de La-
vardin, & plufieurs autres feigneurs & gentils-
hommes de marque furent, ou poignardez, ou
tuez à coups d'arquebufe. François Nompar de Cau-
Tome XXXV.

V

mont étant au lit avec fes deux fils, qu'il aimoit A N. 1572. tendrement, y fut furpris par des malheureux, que l'efperance du gain, plûtôt que le zéle de la religion avoit attirez: il fut tué avec un de ses enfans; l'autre tout couvert de fang fe cacha fous le cadavre de fon pere, & feignit d'être mort, ce qui lui sauva la vie.

XXV.
Le maffacre fe

Un pareil carnage se faifoit dans le Louvre, où fait jufque dans le plufieurs gentilshommes du roi de Navarre furent paffez au fil de l'épée ; les galeries & les efcaliers narchie Françoi étoient prefque couverts de

Hift. de la mo

,

preuves tom. 4. Pag. $84.

corps morts & l'on pourfuivoit ces malheureux jufques dans les appartemens des princeffes. Parmi ceux qui furent tuez dans le Louvre en présence du roi qui regardoit par une fenêtre, & qui crioit qu'on n'en laifsât échapper aucun, les plus remarquables furent le baron de Pardaillan, faint Martin, le gouverneur du roi de Navarre, Brouffe, Armand de Clermont, feigneur de Piles & quelques autres ; ce dernier s'étoit rendu fameux par sa valeur dans la défense de faint Jean d'Angely., & par cet endroit il étoit devenu fort odieux au parti catholique : fe voïant au milieu d'une troupe de meurtriers, & apperçevant les corps de ceux qu'on avoit déja égorgez, il s'écria: Eft-ce là la foi du roi ? font-ce là fes promeffes ? Mais vous mon Dieu, prenez la défense des opprimez, & vengez un jour comme jufte juge, une fi grande perfidie & une fi horrible inhumanité : il prononça ces paroles d'un ton fi haut, qu'il fut entendu du roi. Enfuite prenant fon manteau qui étoit de grand prix, il le préfenta à un gentilhomme de fa connoiffance qui étoit auprès de lui, & le

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pria de l'accepter pour memoire de la malheureufe
& indigne mort qu'il alloit fubir; mais l'autre refu- A N. 15772.
fa le manteau, & lui dit qu'il ne le prendroit point
à de telles conditions, & qu'il n'étoit point de la
troupe de ceux qui en vouloient à sa vie, & dans
l'instant, de Piles fut percé par un des archers d'un
coup de hallebarde, dont il tomba mort : fon corps
fut jetté fur les autres, & les meurtriers crioient à
ceux qui les regardoient ; c'est ainsi qu'on doit trai-
ter ceux qui vouloient tuer le roi. De Beauvoir fut
tué dans fon lit, où la goute le retenoit depuis
long-tems. Le roi fit grace à de Grammont, sei-
gneur de Gascogne, au feigneur de Duras, à Joa-
chim Rouhaut, feigneur de Gamaches, & à Bou-
chavannes, qui promirent d'être fidéles à sa majef-
té, & qui tinrent leur parole.

par

;

Dès que la premiere fureur de ce maffacre fut passée, le roi de Navarre & le prince de Condé furent mandez en la chambre du roi, qui leur dit en présence de fon confeil secret, que depuis fon enfance son roïaume avoit été continuellement troublé des guerres cruelles de la part de fes propres fujets que maintenant par la grâce de Dieu il avoit trouvé le moïen de les terminer, en faisant massacrer l'amiral de Coligni, auteur de ces troubles, & qu'on traitoit actuellement dans la ville de la même maniere tous fes partifans héretiques & féditieux. Puis continuant à adreffer la parole au roi de Navarre & au prince de Condé ; je n'ai pas, leur dit-il, oublié les maux que l'amiral m'a caufez, ni ceux que vous avez vous-mêmes occafionnez, en vous mettant à la tête des rebelles pour me faire la guerre ;

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je pourrois me venger de tant d'outrages; mais la AN. 1572. proximité du fang, l'alliance que vous venez de contracter avec moi, & plus encore votre jeuneffe excitent ma compaffion. Je veux bien me persuader que vous ne vous êtes ainfi comportez que par les confeils de Coligni & de fes adherans. Vous pouvez me faire perdre le fouvenir de tout ce qui s'eft paffé; affurez-moi que vous êtes dans la réfolution de réparer vos fautes par une fidélité & une obéïffance fincere, & qu'en renonçant à la nouvelle doctrine, vous êtes prêts de rentrer dans le fein de la religion ancienne; car je vous déclare que je ne veux pas qu'il y ait dans mon roïaume d'autre religion, que celle de mes prédeceffeurs : déclarez donc fi vous êtes difpofez à m'obéïr, autrement vous devez vous attendre à fubir les mêmes peines, dont on vient de punir tous ceux qui font dans vos mêmes opinions.

Le roi de Navarre répondit au roi, qu'il regleRéponses du roi Foit toujours fes volontez fur celles de fa majesté,

XXVII.

de Navarre & du

au roi..

fol. pag. 793.

prince de Condé & qu'il lui obéïroit en toutes chofes ; mais qu'il la De Thou loco prioit de fe fouvenir de fa promeffe, & de l'allianSup. lib. 52. p. Dupleix hift de ce nouvellement contractée, & de confiderer comFrance, tom. 3.in bien la confcience eft une chofe délicate, à laquel le on ne doit faire aucune violence, furtout par rapport à la religion dans laquelle on a été élevé & inftruit dès l'enfance. Le prince de Condé malgré le danger qui étoit préfent, répondit fierement au roi, que fa majefté avoit donné fi folemnellement fa foi à tous ceux de la religion réformée, qu'il ne pouvoit fe perfuader qu'elle voulût violer un ferment fi autentique. Qu'à l'égard de l'obéïffance

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