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d'extirper la maudite engeance de ces ferpens contagieux, afin qu'après avoir entierement diffipé le venin de ces fectaires, on ne vît plus regner que la feule religion Catholique.

AN. 1572.

XXIV. Beaucoup de fei

dans cette occa

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pe Thou ut fup.

lib. 52.

Ces exhortations artificieuses & auffi contraires à la religion, qu'à la probité & à l'humanité, eurent gneurs font tuez leur effet : l'on n'épargna ni les vieillards, ni les enfans, ni les femmes enceintes ; l'on vit regner de tous côtez le carnage. Teligny, gendre de l'ami ral, qui étoit échappé des mains de plusieurs meurtriers, fut maffacré. Antoine de Clermont, marquis de Renel, frere uterin du prince Porcien, qui étoit venu à Paris pour folliciter un procès qu'il avoit avec Loüis de Clermont Buffy d'Amboise son parent, au sujet du marquifat de Renel, fut arrêté par ce même Buffy, qui le tua. Le feigneur de Guerchi qui avoit paffé la nuit dans la maison de l'amiral, aïant été furpris fans avoir le tems de s'habiller, prit d'une main fon manteau & de l'autre son épée, & fe défendit long-tems contre fes meurtriers; mais comme ils avoient tous des cuiraffes, il fut accablé par le nombre.

François, comte de la Rochefoucaut, que le roi aimoit particulierement, & qui étoit après l'amiral le plus confidérable du parti Calviniste, ne fut point épargné. Le roi avec lequel il avoir paffé une partie de la nuit, avoit envoïé ordre qu'on le fauvât; mais cet ordre vint trop tard. Rouvray, Soubise, la Chateigneraye, Beaumanoir de Lavardin, & plusieurs autres feigneurs & gentilshommes de marque furent, où poignardez, ou tuez à coups d'arquebufe. François Nompar de Cau

mont étant au lit avec fes deux fils, qu'il aimoit A N. 1572. tendrement, y fut furpris par des malheureux, que l'esperance du gain, plûtôt que le zéle de la religion avoit attirez : il fut tué avec un de ses enfans ; l'autre tout couvert de fang se cacha sous le cadavre de fon pere, & feignit d'être mort, ce qui lui sauva

XXV.

Le maffacre fe

Louvre.

Hift. de la mo

narchie Françoi

preuves tom. 4. Pag. $84.

la vie.

Un pareil carnage se faifoit dans le Louvre, où fait jufque dans le plufieurs gentilshommes du roi de Navarre furent paffez au fil de l'épée ; les galeries & les escaliers étoient prefque couverts de corps morts, & l'on pourfuivoit ces malheureux jufques dans les appartemens des princeffes. Parmi ceux qui furent tuez dans le Louvre en présence du roi qui regardoit par une fenêtre, & qui crioit qu'on n'en laissât échapper aucun, les plus remarquables furent le baron de Pardaillan, faint Martin, le gouverneur du roi de Navarre, Brouffe, Armand de Clermont, feigneur de Piles & quelques autres ; ce dernier s'étoit rendu fameux par fa valeur dans la défenfe de faint Jean d'Angely, & par cet endroit il étoit devenu fort odieux au parti catholique : se voïant au milieu d'une troupe de meurtriers, & apperçevant les de ceux qu'on avoit déja égorgez, il s'écria: Eft-ce là la foi du roi ? font-ce là fes promeffes ? Mais vous, mon Dieu, prenez la défense des opprimez, & vengez un jour comme jufte juge, une fi grande perfidie & une fi horrible inhumanité : il prononça ces paroles d'un ton fi haut, qu'il fut entendu du roi. Enfuite prenant fon manteau qui étoit de grand prix, il le préfenta à un gentilhomme de fa connoiffance qui étoit auprès de lui, & le

corps

pria de l'accepter pour memoire de la malheureufe & indigne mort qu'il alloit fubir; mais l'autre refu- A N. 1572. fa le manteau, & lui dit qu'il ne le prendroit point à de telles conditions, & qu'il n'étoit point de la troupe de ceux qui en vouloient à fa vie, & dans l'instant, de Piles fut percé par un des archers d'un coup de hallebarde, dont il tomba mort: fon corps fut jetté fur les autres, & les meurtriers crioient à ceux qui les regardoient ; c'eft ainfi qu'on doit traiter ceux qui vouloient tuer le roi. De Beauvoir fut tué dans fon lit, où la goute le retenoit depuis long-tems. Le roi fit grace à de Grammont, seigneur de Gascogne, au feigneur de Duras, à Joachim Rouhaut, feigneur de Gamaches, & à Bouchavannes, qui promirent d'être fidéles à sa majesté, & qui tinrent leur parole.

Dès que

XXVI.

Difcours du roi & au prince de

au roi de Navarre

Condé.

De Thou ut fup.

Mathieu hift.

la premiere fureur de ce maffacre fut paffée, le roi de Navarre & le prince de Condé furent mandez en la chambre du roi, qui leur dit en présence de son confeil secret, que depuis son enfance fon roïaume avoit été continuellement trou- lib. 52. pag. 820. blé par des guerres cruelles de la part de fes propres liv. 6. fujets; que maintenant par la grace de Dieu il avoit trouvé le moïen de les terminer, en faisant massacrer l'amiral de Coligni, auteur de ces troubles, & qu'on traitoit actuellement dans la ville de la même maniere tous fes partifans héretiques & féditieux. Puis continuant à adreffer la parole au roi de Navarre & au prince de Condé ; je n'ai pas, leur dit-il, oublié les maux que l'amiral m'a caufez, ni ceux que vous avez vous-mêmes occafionnez, en vous met+ tant à la tête des rebelles pour me faire la guerre ;

je pourrois me venger de tant d'outrages; mais la AN. 1572. proximité du fang, l'alliance que vous venez de contracter avec moi, & plus encore votre jeuneffe excitent ma compassion. Je veux bien me persuader que vous ne vous êtes ainfi comportez que par les confeils de Coligni & de fes adherans. Vous pouvez me faire perdre le fouvenir de tout ce qui s'est passé ; afsurez-moi que vous êtes dans la résolution de réparer vos fautes par une fidélité & une obéïssance sincere, & qu'en renonçant à la nouvelle doctrine, vous êtes prêts de rentrer dans le fein de la religion ancienne; car je vous déclare que je ne veux pas qu'il y ait dans mon roïaume d'autre religion, que , que celle de mes prédeceffeurs : déclarez donc si vous êtes disposez à m'obéïr, autrement fi vous devez vous attendre à fubir les mêmes peines, dont on vient de punir tous ceux qui font dans vos mêmes opinions.

XXVII.

de Navarre & du

Le roi de Navarre répondit au roi, qu'il regleRéponfes du roi Foit toujours fes volontez fur celles de fa majesté, prince de Condé & qu'il lui obéïroit en toutes chofes; mais qu'il la De Thou loco prioit de fe fouvenir de fa promeffe, & de l'allian"Duplex de ce nouvellement contractée, & de confiderer comFrance, tom. 3.in bien la confcience eft une chofe délicate, à laquel

au roi..

Sup. lib. 52. p. 821.

fol. pag. 793.

le on ne doit faire aucune violence, furtout par rapport à la religion dans laquelle on a été élevé & inftruit dès l'enfance. Le prince de Condé malgré le danger qui étoit préfent, répondit fierement au roi, que fa majefté avoit donné fi folemnellement fa foi à tous ceux de la religion réformée, qu'il ne pouvoit fe perfuader qu'elle voulût violer un ferment fi autentique. Qu'à l'égard de l'obéïssance

qu'elle exigeoit de lui, il l'avoit fidélement renduë
jufqu'à préfent, & qu'il promettoit de perféverer
dans les mêmes fentimens, fans s'en éloigner en
aucune maniere ; mais que pour la religion, c'étoit
une chofe fur laquelle fa majefté ne pouvoit rien lui
commander, que c'étoit à Dieu feul qu'il en de-
voit rendre compte. Que le roi étoit maître de fon
corps & de fes biens, qu'il pouvoit en disposer com-
me il voudroit ; mais qu'il étoit réfolu de demeurer
ferme dans fa religion, quand même il devroit lui
en coûter la vie. Cette réponse mit le roi dans une
fi furieufe colere, qu'il traita le prince d'opiniâtre,
de féditieux, de rebelle, de fils d'un rebelle ; &
jura que
fi dans trois jours il ne changeoit de con-
duite & de religion, il le feroit mourir.

A N. 1572.

Les feigneurs Proteftans retirez au fauxbourg S. Germain, fe fau

vent.

Il y avoit un nombre confidérable de feigneurs XXVIII. Proteftans logez dans le fauxbourg S. Germain, & l'on avoit donné tous les ordres néceffaires pour qu'il n'en échappât aucun. Marcel, ancien prévôt des marchands, avoit été chargé d'envoïer à Mau- De Thon ut fup giron, à qui l'on avoit commis l'exécution du maffacre dans ce quartier-là, mille hommes des levées qu'on avoit faites dans la ville. Mais Marcel n'aïant pas été affez diligent; les Proteftans furent avertis, que toute la ville étoit dans de grands mouvemens

&

que les habitans avoient pris les armes : tous s'affemblerent fur le champ ; & ils étoient encore à déliberer fur le parti qu'ils devoient prendre ( la plûpart ne pouvant s'imaginer que le roi eût aucune part à ce qui fe paffoit) lorfque le duc de Guise impatient fit venir des foldats, & en attendant qu'on les eût fait paffer de l'autre côté de la Seine,

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