met à genoux, implore la miféricorde de Dieu, & AN. 1572. n'attend plus que le coup de la mort, quand de Vczins au lieu de le tuer, lui commande brufquement de s'habiller, de monter fur un cheval qu'il lui avoit amené, & de le fuivre : il fallut obéir, de Vezins n'en dit pas davantage, il tire fon homme hors de Paris, & le conduit jufqu'à fon château en Quercy, fans lui avoir parlé dans tout le chemin. Mais alors rompant le filence: Il y a long-tems, lui dit-il, que j'aurois pû me venger de vous, fi j'avois voulu profiter de l'occafion; mais l'honneur ne me l'a jamais pû permettre, & votre vertu m'a toûjours paru digne de partager le péril avec vous, Vivez donc par la faveur que je vous fais; mais croïez qu'à l'avenir je ferai toûjours auffi prêt à vuider notre differend par la voie reçûë entre gentilshommes, que vous m'avez trouvé difpofé à vous garantir d'une perte inévitable. Ces paroles toucherent fenfiblement Reignier; il répondit à fon bienfaicteur, qu'il mettoit dans leur combat une condition impoffible, & que les choses ne feroient jamais égales des deux côtez; qu'en le traitant d'une maniere fi héroïque, il lui avoit ôté le courage, les forces & la volonté de fe défendre, & qu'il ne lui reftoit plus d'autre parti à prendre, que celui de le fuivre par-tout où il voudroit, & d'emploïer pour lui la vie dont il lui étoit redevable à ces mots il courut à de Vezins les bras ouverts pour l'embraffer; mais celui-ci réfolu de pouffer jufqu'au bout fa fierté & fon indifference, repliqua, qu'il lui laissoit le choix de le confiderer comme ami, ou comme ennemi. Et dans le mo : de ment même fans attendre de réponse, il piqua fon Le carnage dura cependant pendant sept jours à XXXII. Une aubepine rend le peuple Sup. lib. sz. pag. Spond. hoc ann. n. 15. La fureur du peuple augmenta à l'occasion d'une aubepine plantée dans le cimetiere des SS. Inno- qui fleurit à Paris, cens; quoique demi féche & dépouillée de fes feuil- plus furicux. les, elle ne laiffa pas de pouffer ce jour-là beaucoup De Thou loce de fleurs. Cet évenement pouvoit être fort naturel; 8. mais les factieux le regarderent comme un miracle, „.is. & prétendirent montrer par-là, que Dieu approu- France, tom. 3. voit tout ce qu'ils faifoient. Ils battirent le tam- pag. 793. bour; les confrairies y allerent en proceflion : le roi lui-même voulut voir cette épine; & le massacre continua. Cependant il y eut encore plus de Calviniftes qui fe fauverent, qu'il n'y en eut qui fu rent enveloppez dans ce meurtre. Dupleix hift. de Le 25. d'Août, le roi, ou effraïé de la barbarie XXXIII. Le roi veut ex* cufer cette action par fes lettres. De Thou loco nce, derer по up. lib. 52. pag. Mezeray abregé chron. tom. 5. in 12. pag. 255. que les amis & les parens de l'amiral avoient réfo A N. 1572. lu de venger la bleffure qu'il avoit reçûë, les Guises avoient affemblé pour les prévenir, un grand nom bre de gentilshommes & de Parifiens, avec le fecours defquels on avoit forcé les gardes qu'il avoit donnez à Coligni; & qu'ils l'avoient tué, & tous ceux qui s'étoient trouvez avec lui. Que cet exemple avoit été fuivi avec tant de violence & de fureur dans tous les autres endroits de la ville, qu'on n'y avoit pû remedier ; qu'on ne devoit attribuer la caufe du tumulte qu'aux anciennes inimitiez de ces deux maisons. Que comme ce mal étoit arrivé contre sa volonté, il vouloit qu'on fçût, que l'édit fait depuis peu n'avoit été pour cela violé en aucun article: qu'au contraire, il prétendoit qu'il fût religieufement obfervé, & loin d'autorifer la violence, il vouloit que tous les gouverneurs fuffent attentifs à la réprimer chacun dans leurs diftricts, décernant des peines de mort contre ceux qui n'obéïroient pas; au refte, concluoit-il, je fuis ici avec le roi de Navarre mon frere, & le prince de Condé mon coufin prêt à partager avec eux la même fortune. Le même jour la reine écrivit dans les mêmes termes, non-feulement aux gouverneurs, mais encore à la république des Suiffes ; & par l'ordre du roi : ces lettres furent répandues en Angleterre, & dans differentes provinces de l'Allemagne. Le même jour quelques gardes du roi furent envoïez fuivant les ordres à Châtillon-fur-Loing, fous la conduite de Gafpard de la Châtre, comte de Nançay, pour se faifir de la femme & des enfans de l'amiral, & de ceux de Dandelot & de fa femme. Mais François, fils aîné de Coligni, & Guy de La- X iij que A N. 1572. XXXIV. La reine s'oppo fe au roi qui veut releguer les GuiDe Thon us supe prouvât par une déclaration ce qui avoit été fait; A N. 1572. comme aïant été executé par fes ordres : que c'étoit l'unique moïen de défarmer les Guises, & empêcher les Montmorencis de prendre les armes, & les Proteftans de s'attacher à eux. XXXV. Le roi touché de ces raisons, vint le mardi matin. parlement, & y 26. Août au parlement avec les ducs d'Anjou & avoue le malfacre. d'Alençon fes freres, le roi de Navarre, beaucoup De Thou in hift. lib. 52. pag. 826. d'autres grands feigneurs, & y tint fon lit de jufti Daniel hift. de en 7. tomes, pag. 494. Mezeray abregé 12. pag. 256, mere, France, tom. 6. ce, toutes les chambres étant assemblées ; il y déclara in-4°. de l'édit. qu'il avoit été contraint à prendre les voies violentes, dont on venoit d'être témoin ; qu'il s'y étoit déterchron. tom. 5. in miné après avoir été informé que l'amiral & fes complices avoient conspiré de le tuer, lui, la reine sa fes freres, & même le roi de Navarre, quoique ce dernier profefsât la même religion qu'eux, afin de faire roi le prince de Condé, en attendant que l'amiral eût pris toutes les mesures néceffaires pour se mettre lui-même fur le trône, qu'il avoit emploïé malgré lui un remede violent pour prévenir un tel attentat, mais que dans les périls extrêmes, on ne pouvoit faire autrement que d'ufer de remedes extrêmes; il ajoûta, qu'il vouloit donc, que tout le monde fçût, que tous les meurtres qui avoient été commis dans ces derniers jours, ne l'avoient été que par fes ordres, afin d'empêcher l'effet d'une détestable confpiration. Dès que le roi eut ceffé de parler, Chriftophle de Thou, premier préfident & pere de l'historien, fit un difcours accommodé au temps, dans lequel il loüa fort la prudence du roi. Quand il eut fini, Guy du Faur, feigneur de Pibrac, qui étoit avocaț |