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ment même fans attendre de réponse, il piqua fon cheval, laissant à Reignier celui fur lequel il avoit fait le voïage, fans vouloir ni le reprendre, lorf qu'il lui fut renvoïé, ni même en recevoir le prix.

Le carnage dura cependant pendant sept jours à Paris, & l'on prétend que durant tout ce tems-là, il fut tué plus de cinq mille perfonnes, quoique le roi dès le foir même de la fête de faint Barthelemi, eût fait publier à fon de trompe dans toute la ville, que chacun eût à fe retirer chez foi, & que perfonne ne fortît de sa maison, sur peine de mort contre ceux qui n'obéïroient pas ; mais on eut peu d'égard à ces ordres.

A N. 1572

XXXII. Une aubepine

rend le peuple

De Thou loce Sup. lib. sz. pag,

n.

Dupleix hift. de

La fureur du peuple augmenta à l'occafion d'une aubepine plantée dans le cimetiere des SS. Inno- qui fleurit à Paris, cens; quoique demi féche & dépouillée de fes feüil- plus furicux. les, elle ne laissa pas de pouffer ce jour-là beaucoup de fleurs. Cet évenement pouvoit être fort naturel; 815. Spond. hoc ann. mais les factieux le regarderent comme un miracle, 5. & prétendirent montrer par-là, que Dieu approu- France, tom. 3. voit tout ce qu'ils faifoient. Ils battirent le tam- pag. 793, bour; les confrairies y allerent en proceflion : le roi lui-même voulut voir cette épine; & le massacre continua. Cependant il y eut encore plus de Calviniftes qui fe fauverent, qu'il n'y en eut qui furent enveloppez dans ce meurtre.

XXXIII. cufer cette action

Le roi veut ex⭑

par fes lettres.

De Thou loco

Le 25. d'Août, le roi, ou effraïé de la barbarie d'une telle action, ou appréhendant que le blâme n'en tombât fur lui feul, écrivit à tous les gouverneurs des provinces, pour en rejetter toute la faute up. lib. 52. pag. fur les princes de Guife: il affura que la fédition Mezeray abregé avoit été excitée à son infçû; qu'aïant découvert chron. tom. 5. in

824.

12. pag. 255.

con

que les amis & les parens de l'amiral avoient réfo A N. 1572. lu de venger la bleffure qu'il avoit reçûë, les Guises avoient affemblé pour les prévenir, un grand nom bre de gentilshommes & de Parifiens, avec le secours defquels on avoit forcé les gardes qu'il avoit donnez à Coligni; & qu'ils l'avoient tué, & tous ceux qui s'étoient trouvez avec lui. Que cet exemple avoit été fuivi avec tant de violence & de fureur dans tous les autres endroits de la ville, qu'on n'y avoit pû remedier ; qu'on ne devoit attribuer la caufe du tumulte qu'aux anciennes inimitiez de ces deux maisons. Que comme ce mal étoit arrivé cor tre sa volonté, il vouloit qu'on fçût, que l'édit fait depuis peu n'avoit été pour cela violé en aucun article: qu'au contraire, il prétendoit qu'il fût religieufement obfervé, & loin d'autorifer la violence, il vouloit que tous les gouverneurs fuffent attentifs à la réprimer chacun dans leurs districts, décernant des peines de mort contre ceux qui n'obéïroient pas; au refte, concluoit-il, je fuis ici avec le roi de Navarre mon frere, & le prince de Condé mon coufin prêt à partager avec eux la même fortune. Le même jour la reine écrivit dans les mêmes tetmes, non-feulement aux gouverneurs, mais encore à la république des Suiffes; & par l'ordre du roi : ces lettres furent répandues en Angleterre, & dans differentes provinces de l'Allemagne.

Le même jour quelques gardes du roi furent envoïez fuivant les ordres à Châtillon-fur-Loing, fous la conduite de Gafpard de la Châtre, comte de Nançay, pour fe faifir de la femme & des enfans de l'amiral', & de ceux de Dandelot & de fa femme.

Mais François, fils aîné de Coligni, & Guy de Laval, auffi fils aîné de Dandelot, avoient déja pris la fuite; les autres furent arrêtez & conduits à Paris avec ce qu'il y avoit de meubles précieux dans leur maison. Le deffein du roi étoit qu'auffi-tôt après la mort de l'amiral & de ceux de fon parti, les princes de Guife fortiffent de Paris & fe retiraffent chez eux, afin de persuader le public, que le tout ne s'étoit fait que par eux : mais la reine mere & le duc d'Anjou s'y opposerent, & engagerent même le roi à les décharger de ce que cette action avoit d'odieux. Le duc d'Anjou produifit des lettres qu'il difoit avoir été trouvées dans la caffette de Teligny, par lefquelles le maréchal de Montmorency promettoit de venger la blessure de l'amiral fur celui qui en étoit l'auteur, & de punir cet attentat avec autant de zéle, que s'il avoit été commis contre lui-même. Sur cette prétendue découverte, la reine & le duc d'Anjou représenterent au roi, que les chofes étoient dans un tel état, que s'il continuoit de diffimuler, il s'expofoit à perdre fon roïaume & fa réputation; que ceux de la maifon de Guife qui fouhaitoient le trouble, & qui ne cherchoient qu'à l'entretenir, aïant fçû les deffeins du maréchal de Montmorency, ne quitteroient jamais les armes, fous prétexte de défendre leur vie ; & qu'ainfi bien loin de finir la guerre, on en verroit recommencer une autre beaucoup plus dangereufe ; que les restes des Proteftans, dont on croïoit les affaires ruinées, fe joindroient infailliblement aux Montmorencis, & reprendroient de nouvelles forces. Que pour prévenir un si grand mal, il falloit le roi ap

que

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prouvât par une déclaration ce qui avoit été fait; A N. 1572. comme aïant été executé par les ordres : que c'étoit l'unique moïen de défarmer les Guises, & empêcher les Montmorencis de prendre les armes, & les Proteftans de s'attacher à eux.

XXXV.

Le roi vient au

De Thou in hift.

Daniel hift. de

en 7. tomes, pag.

494.

12. pag. 256,

abregé

Le roi touché de ces raisons, vint le mardi matin parlement, & y 26. Août au parlement avec les ducs d'Anjou & avoue le maffacre. d'Alençon fes freres, le roi de Navarre, beaucoup lib. 52. pag. 826. d'autres grands feigneurs, & y tint fon lit de justiFrance, tom. 6. ce, toutes les chambres étant affemblées ; il y déclara in-4°. de l'édit. qu'il avoit été contraint à prendre les voies violentes, dont on venoit d'être témoin ; qu'il s'y étoit déterMexray are miné après avoir été informé que l'amiral & fes complices avoient confpiré de le tuer, lui, la reine sa mere, fes freres, & même le roi de Navarre, quoique ce dernier professât la même religion qu'eux, afin de faire roi le prince de Condé, en attendant que l'amiral eût pris toutes les mesures néceffaires pour le mettre lui-même fur le trône, qu'il avoit emploïé malgré lui un remede violent pour prévenir un tel attentat, mais que dans les périls extrêmes, on ne pouvoit faire autrement que d'ufer de remedes extrêmes ; il ajoûta, qu'il vouloit donc, que tout le monde fçût, que tous les meurtres qui avoient été commis dans ces derniers jours, ne l'avoient été que par fes ordres, afin d'empêcher l'effet d'une détesta, ble confpiration.

Dès que le roi eut ceffé de parler, Christophle de Thou, premier préfident & pere de l'hiftorien, fit un difcours accommodé au temps, dans lequet il loüa fort la prudence du roi. Quand il eut fini, Guy du Faur, feigneur de Pibrac, qui étoit avocaț

général, s'étant levé, demanda au roi s'il vouloit qu'on inferât fa déclaration dans les registres publics de la cour, pour en conferver la memoire: qu'on corrigeât les dépravations du clergé & des officiers de judicature, dent il s'étoit plaint, & qu'il fût ordonné de fa part de finir les massacres & les pillages. Le roi répondit, qu'il confentoit au premier article, qu'il pourvoiroit au second, & que quant au troifiéme il avoit déja ordonné qu'on s'abftînt à l'avenir de piller & de tuer, & qu'il réïtéreroit cet ordre. La déclaration que le roi étoit venu faire en plein parlement, furprit beaucoup de perfonnes; le premier président de Thou ne put s'empêcher d'en blâmer fa majefté en particulier, & lui parlant plus fincerement dans le fecret, qu'il ne l'avoit fait en public, il lui dit, que fi la conjuration de Coligni & de ses adherans étoit vraïe, il devoit faire proceder contr'eux fuivant les formes de la juf tice, & ne pas emploïer la violence.

Cependant on ofa faire des proceffions où le peuple affifta en grand nombre, même le roi & toute la cour, pour rendre graces à Dieu de l'heu reux succès d'une entreprise qui couvroit la France de confufion, & qui ne pouvoit être que détestée du ciel & de tous les gens de bien ; & l'on frappa des médailles pour éternifer une action, que l'on a été obligé de regarder enfuite avec l'horreur-qu'elle méritoit.

A N. 1572.

Le même jour que le roi tint fon lit de juftice au parlement, il publia un édit par lequel il déclaroit conformément à l'aveu qu'il venoit de faire, de que tout ce qui étoit arrivé, avoit été exécuté par

XXXVI. Edit du roi à l'oc

cation du maffacre la faint Barthelib.pag. 317.

lemi.

De Thou in hift.

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