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A N. 1572.

général, s'étant levé, demanda au roi s'il vouloit qu’on inserât sa déclaration dans les registres publics de la cour , pour en conserver la memoire : qu'on corrigeât les dépravations du clergé & des officiers de judicature, dent il s'étoit plaint, & qu'il fût ordonné de la part de finir les massacres & les pillages. Le roi répondit, qu'il consentoit au premier article , qu'il pourvoiroit au second , & que quảnt au troisiéme il avoit déja ordonné qu'on s'abstînt à l'avenir de piller & de tuer , & qu'il réïtéreroit cet ordre. La déclaration que le roi étoit venu faite en plein parlement, surprit beaucoup de personnes ; le premier président de Thou ne put s'empêcher d'en blâmer la majesté en particulier , & lui parlant plus sincerement dans le secret , qu'il ne l'avoit fair en public, il lui dit , que si la conjuration de Coligni & de ses adherans étoit vraïe , il devoit faire proceder contr'eux suivant les formes de la jus. tice , & ne pas emploïer la violence.

Cependant on osa faire des processions où le peuple assista en grand nombre, même le roi & toute la cour , pour rendre graces à Dieu de l'heureux succès d'une entreprise qui couvroit la France de confusion , & qui ne pouvoit être que

détestée du ciel & de tous les gens de bien ; & l'on frappa. des médailles pour éterniser une action, que l'on a été obligé de regarder ensuite avec l'horreur qu'elle méritoit.

Le même jour que le roi tint son lit de justice XXXy1 au parlement, il publia un édit par lequel il décla- cation du matlacre roit conformément à l'aveu qu'il venoit de faire , de ha faint Bartheque tout ce qui étoit arrivé, avoit été exécuté par lib.sampare e di

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fes. ordres, qu'il ne prétendoit pas pour cela déro-
ger
à fes édits de pacification, qu'il les ratifioit, &
qu'il vouloit qu'on les obfervât religieusement ;
qu'il n'en avoit ainfi agi que pour aller au-devant
de la conjuration de Coligni & de fes complices;
qu'il ordonnoit donc que tous les Proteftans de-
meurassent dans leurs maisons en paix & en sûreté :
que les gouverneurs empêchaffent qu'on ne leur fit
aucune violence, ni dans leur vie ni dans leurs
biens, fur peine de mort contre ceux qui y contre-
viendroient. Que cependant, parce que leurs prê-
ches & leurs affemblées publiques excitoient des
troubles & faifoient beaucoup de mécontens, ils
euffent à s'abstenir à l'avenir de tenir les affemblées
ni publiques, ni même particulieres, jufqu'à ce que
le roi en eût autrement ordonné, fur peine de la
perte des biens, & de la vie même pour ceux qui
n'obéïroient pas.

AN. 1572.

XXXVII.
Differentes vil-

Plufieurs provinces ne furent pas mieux traitées les du roiaume où que Paris. Le jour même qui préceda le maffacre, le roi avoit écrit à differens gouverneurs, de faire par

l'on maffacre les hugenots.

lib. 2. versùs fi

nem.

pag. 796.

De Thou in hift. tout main basse sur les Calvinistes ; & en conféquen ce, pendant deux mois on ne vit que meurtres dans D'Avila liv.5. prefque toute la France. A Meaux, plufieurs furent France, tom. 3. égorgez, & d'autres précipitez dans la Marne. La présence de François de Montmorency qui étoit Chantilly, & qui avoit le gouvernement de l'isle de France, empêcha les féditieux de rien entrepren dre à Senlis. Mais il y eut de grands défordres à Orleans, dont les Calviniftes s'étoient deux fois emparez, & où les ruines des églifes qui étoient encore présentes, animoient le peuple à la vengeance.

Angers

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gers

Angers fuivit l'exemple d'Orleans ; les habitans de
Troyes dont Coligny s'étoit plaint au roi quelque AN. 1572
tems auparavant, aïant appris le maffacre de Paris.,
mirent des gardes aux portes de leur ville pour em-
-pêcher qu'aucun n'échappât, & tous ceux qui étoient
fufpects aiant été mis en prifon le 30. du mois
d'Août, furent tuez cinq jours après par l'ordre
d'Anne de Vaudray, feigneur de faint Phal, baillif
de Troyes. L'on le comporta avec la même fureur à
Bourges, où François Hotman & Hugues Doneau,
célébres profeffeurs en droit auroient péri, fi leurs
écoliers ne fuffent venus à leur fecours. On ne fir
en aucun endroit un plus grand carnage qu'à Lyon,
dont François de Mandelot étoit gouverneur. Les
foldats de la garnison aïant refusé d'être les bour-
reaux de leurs compatriotes, l'on choifit des hom-
mes fans aveu, qui forcerent l'archevêché où étoient
trois cens Calvinistes des principaux de la ville
& qui après avoir foüillé dans leurs bourfes, les
massacrerent impitoïablement : ceux qui étoient
dans les prifons de Roüane, furent traitez avec la
même inhumanité. Le muficien Gaudimel qui avoit
mis en chant les pfeaumes traduits par Marot &
Beze, fut du nombre. A Touloufe on pendit cinq
confeillers en robbe
rouge à un orme dans la cour
du palais; on compta près de vingt-cinq mille per-
founes de tuées dans ces differentes provinces.

On les traite plus

xxXVIIL humainement en Provence & ca De Thou ut supi

en

On fe conduifit avec beaucoup moins de cruauté en Provence, dont Claude de Savoye, comte de Tende étoit gouverneur, & en Dauphiné où de Gordes étoit lieutenant de roi : le premier qui étoit allié de près à meffieurs de Montmorenci, répon- lib. 52. pag. 830 Tome XXXV,

Dauphiné.

Y

dit à Jofeph Boniface de la Mole, qui lui appor AN. 1572. toit l'ordre du roi pour exterminer les Calviniftes du païs, qu'il ne croïoit pas que fa majesté approuvât une pareille violence, & que ces ordres ne pou voient partir que de quelques ennemis de la tranquillité publique, qui empruntoient son nom refpectable; qu'il avoit reçu quelques jours auparavant des ordres contraires; & qu'il aimoit mieux les fuivre, comme étant plus dignes de la bonté & de la clémence du prince. Quelques tems après ce géné reux gouverneur mourut, & l'on foupçonna qu'il avoit été empoifonné. Le comte de Garces, lieutenant de roi dans la Provence, imita fa douceur, & par ses remontrances il obtint de la cour un or~ dre contraire au premier qui ne refpiroit que le fang & le carnage.

Dans le Dauphiné, Bertrand de Simiane, feigneur de Gordes élevé dans la maifon de Montmorency, représenta le grand crédit que Montbrun avoit dans le parti, & le danger auquel on s'expofoit en réduifant les Calviniftes au défefpoir; ainfi voïant que le peuple avoit déja commencé à en égorger quelques-uns à Valence & à Romans, il arrêta par autorité le cours de cette fanglante execution. Saint Herem, gouverneur d'Auvergne, attaché pareillement aux Montmorencis, ufa de la même modéra tion, & répondit qu'il n'obéïroit jamais à des or dres fi cruels, s'il ne les recevoit du roi même. Enfin, l'on peut dire qu'il refta beaucoup plus feux fauve tous de Calviniftes dans les provinces qu'il n'en périt. Le

XXXIX. L'évêque de Li

fes diocéfains Cal

viniftes.

San-Marth. in clergé tout maltraité qu'il avoit été par ces hérétiGall. Chriftiana, ques, en fauva autant qu'il put en differens en

tem. 2. pag 652.

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plus

c. Le

Preti $ CD

A N. 1572.

ord. fratr.

341.

c

pas B

droits. Le lieutenant de roi de Lifieux aïant com-
muniqué fes ordres à l'évêque Jean Hennuyer de
l'ordre de faint Dominique, qui avoit été précep- Echard de feripe.
teur d'Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, de- cat. tom. 2. pag.
puis roi de Navarre, ce prélat s'oppofa à leur exe-
cution : « Non, lui dit-il, vous n'exécuterez
vos ordres, & je n'y confentirai jamais je fuis le «.
pasteur de l'église de Lifieux, & ceux que vous
voulez faire égorger font mes oüailles ; il est vrai «
qu'elles font égarées, mais je ne défefpere pas de «
les faire un jour rentrer dans la bergerie de Je-«
fus-Christ. Je ne vois
dans l'évangile, que le
pafteur doive fouffrir qu'on répande le fang de «
Tes brebis ; j'y lis au contraire, qu'il eft obligé de «
verser son fang, & de donner la vie pour elles.
Retournez-vous- en donc avec cet ordre qu'on «
n'exécutera jamais, tant que Dieu me conservera «
la vie, que je n'ai reçûë de lui que pour être em- «
ploïée au bien fpirituel & temporel de mon trou- «

cc

pas

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peau. »

Le lieutenant surpris de cette fermeté, lui demanda par écrit un acte de refus, pour lui fervir de décharge envers le roi : le prélat le lui accorda, & lui dit qu'il étoit affuré de la bonté du prince, qu'on l'avoit furpris en cette occafion, & qu'il ne doutoit nullement qu'il ne trouvât bon fon refus; qu'en tout cas il fe chargeroit de tout le mal qui en pou roit arriver. Dieu favorifa le zéle du prélat ; fon opposition aïant été envoïée au roi par le lieutenant, fa majesté en fut édifiée, & révoqua auffi-tôt ses ordres à l'égard du diocéfe de Lifieux; le cher troupeau docile aux instructions de son pasteur, fut s

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