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rieufe; & tous deux s'étant mutuellement animez AN. 1572, à tenir ferme, furent conduits au lieu du fupplice où ils furent pendus. On attacha au même poteau, l'effigie de Coligni faite de paille, à qui l'on avoit mis par dérifion un cure-dent à la bouche. Le roi & la reine mere étoient à une fenêtre de l'Hôtel-deVille pendant le fupplice de Briquemaut & de Cavagnes; & ils avoient avec eux le roi de Navarre, qu'ils obligerent d'être préfent à ce trifte spectacle,

LVI.

Tentative du roi

qui échouë.

De Thou lib. 53.

P. 346. & feq.

:

Cependant les Calviniftes qui trembloient pour fur la Rocheile, leur vie par tout où ils étoient, commencerent à s'affurer des places dans lefquelles ils se trouvoient les plus forts, & à en furprendre d'autres fur les Catholiques, & en peu de jours ils s'emparerent d'un grand nombre. Le roi qui vouloit s'assurer de la Rochelle, y envoïa pour gouverneur le fieur de Biron mais la nouvelle du maffacre arrivé en ce tems-là à Bourdeaux, & qui avoit été causé, à ce qu'on prétendoit, par les fermons féditieux de quelques prédicateurs, aïant été portée à la Rochelle, détermina les habitans à ne point recevoir çe nouveau gouverneur. Biron informé de leur réfolution, leur écrivit de Surgeres le 26. de Septembre, qu'il étoit fâché qu'ils effent fuivi un confeil qui leur deviendroit funefte, que néanmoins il diffimuleroit la chofe au roi, jufqu'à ce qu'étant mieux conseillez ils changeaffent de réfolution. Le roi de Navare leur écrivit auffi le 12. d'Octobre, de même que le roi, la reine mere & le duc d'Anjou, pour les exhorter à la paix. Mais les Rochellois, après avoir remercié sa majesté de la bonne volonté qu'elle avoit pour eux, la prierent de

faire retirer auparavant fon armée navale ; prétendant qu'autrement ils ne pouvoient prendre aucun parti affuré dans la confternation où ils étoient ; ils ajoûtoient, que s'ils obtenoient cette faveur de la bonté du roi, elle contribueroit beaucoup à augmenter leur zéle, & à rendre leur obéïffance plus promte.

Le roi leur députa Jacques Durand, qui étoit chargé de leurs affaires à Paris, avec des lettres de Christophle de Thou, en qui les Rochellois avoient beaucoup de confiance; Öüarti eut auffi ordre de leur écrire, parce qu'étant Proteftant comme eux, on croïoit qu'ils défereroient à ses avis : mais tout fur inutile. Le roi leur envoïa encore François Dufou du Vigean, de la premiere noblesse du Poitou, dans la perfuafion que fa préfence & fon crédit pourroient beaucoup fur l'efprit des Rochellois. Mais ils ne voulurent point le recevoir dans la ville; ils fe contenterent de lui envoïer des députez qui conférerent avec lui; & ce fut encore fans aucun fuccès. Vers ce même tems, le roi publia un édit daté du 8. d'Octobre, par lequel après avoir déploré la condition de ceux que la crainte avoit releguez dans des villes éloignées, ou hors du roïaume, il mandoit aux gouverneurs de prendre les noms des abfens, & de les faire citer trois fois pour retourner dans leurs maisons, avec promeffe à tous ceux qui obéïroient, qu'ils y feroient en affurance, qu'on leur rendroit leurs biens, & qu'ils les poffederoient librement. Qu'à l'égard de ceux qui refuferoient d'obéïr, il vouloit que l'on fit un inventaire de leurs biens, & qu'on les fit adminiftrer par les procureurs du roi. Le 27. d'Octobre, il y eut un autre édit,

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par lequel le roi défendoit expreffément d'inquié

AN. 1572. ter perfonne au sujet de la religion, à l'exception de ceux qui auroient confpiré contre lui : il vouloit de plus, que ceux qui étoient prifonniers pour caufe de religion, fuffent mis en liberté ; qu'on les rétablît dans leurs biens, & qu'ils fussent sous la protection des gouverneurs, qui répondroient en leur propre & privé nom, de tout ce qui pourroit leur arriver de mal. La modération de ces édits, fit revenir beaucoup de gentilshommes chez eux, qui fans cela fe feroient mis à la tête des peuples épouvantez, ou auroient demandé du fecours aux princes Proteftans.

LVIII.

Les Rochellois

Pendant que la cour en ufoit ainfi pour appaiser demandent du fe- les Calviniftes; les Rochellois qui perfiftoient toûcours aux Anglois, jours à refuser à Biron l'entrée de leur ville, enDe Thou loco voïerent des députez en Angleterre au comte de

Suprà.

Montgommery, qui s'y étoit retiré avec le vidame de Chartres, pour l'engager à venir prendre leur défense. Le roi voïant leur opiniâtreté, envoïa ordre le 6. de Novembre à Biron, de leur déclarer la guerre fans differer davantage, fuppofé qu'ils perfiftaffent à lui refufer l'entrée de leur ville, & de les traiter comme des ennemis rebelles à leur fouverain & criminels de leze-majefté. Suivant ces ordres, l'on envoïa d'abord quelques ingénieurs avec des galeres pour reconnoître les fortifications de la place, mais ils furent repouffez à coups de canon : enfuite l'on commença à faire ouvertement la guerre, quoi qu'avec lenteur, parce qu'on vouloit auparavant épuiser tous les moïens de gagner les habi

tans.

AN. 1572.

François de la

Noue pour commander dans la De Thou ut fup. Mezeray abregé

lib. 53. pag. 851.

chron. tom. s. in12. pag. 263.

Dans cette vûë, le roi leur envoïa François de la Nouë Calviniste, que le duc de Longueville fon an- LIX. cien ami avoit engagé de venir à la cour. Avant de Le roi envoie le faire partir, le roi l'entretint en particulier dans l'hôtel de Gondi, & après avoir excufé le maffacre de la faint Barthelemi, autant qu'il le put faire, & lui avoir remis les biens de Teligny, dont il avoit épousé la fœur : il loüa son intégrité, son grand courage & fon éloignement de toute faction, & lui commanda de travailler à la tranquillité du roïaume, & au salut des Rochellois. La Nouë s'excufa d'abord auprès de fa majesté, sur son peu de crédit & fon incapacité à bien conduire une fi grande affaire ; & il ne se rendit aux instances du roi, qu'à condition que ce prince ne fe ferviroit pas de lui comme d'un traître ; il voulut que le roi lui donnât fa parole roïale, que le tout fe pafferoit de bonne

foi.

LX. Comment il fut

Il partit pour la Rochelle avec Jean - Baptiste Guadagne Florentin, que le roi lui donna moins pour l'accompagner que pour obferver fa conduite; mais la Noue n'étoit pas fâché d'avoir un témoin de fa droiture & de fa fincerité. Comme on lui refufa l'entrée de la ville, il s'arrêta dans le village de Tarlon : des députez de la Rochelle l'y reçurent affez mal, & feignirent de ne le pas connoître. Quel- reçu par ceux de ques-uns le raillant même sur le personnage qu'on lui faifoit joüer: Eft-ce là 'ce la Nouë, difoient-ils, suprà. qui a vécu dans une fi étroite liaison avec nous, & qui paroît aujourd'hui fi different de ce qu'il étoit il n'y a pas long-tems ? lui qui avoit entrepris de nous défendre avec tant de courage & de fermeté, sans

la Rochelle.

De Thon loco

fe laiffer gagner par des promeffes, il vient nous A N. 1572. repaître de vaines efperances, & s'efforce sous ombre d'amitié de nous trahir par le moïen d'une conférence ? Il est vrai, ajoûtoient-ils, que vous avez le même visage qu'autrefois, mais non pas le même cœur ni la même volonté ; c'est pourquoi retirezvous. La Nouë diffimulant cet outrage, obtint enfin des députés, qu'ils rapporteroient à leur conseil les ordres qu'il avoit à leur communiquer: on ignore ce qui fe paffa dans ce confeil; mais pour toute réponfe, on lui propofa trois choses, ou d'être reçû dans la ville en homme privé, ou d'être le géneral des troupes qui combattroient fous fes aufpices; ou enfin de monter fur un de leurs vaiffeaux, & de paffer en Angleterre il accepta le commandement géneral qui lui fut déferé, & fut ainfi reçu dans la ville.

LXI. Plufieurs villes

foumettent au

Strada de bello

Belgico lib. 7.

:

La Flandre n'étoit pas plus tranquille que la Frandes Pais - Bas fe ce : les rigueurs du duc d'Albe fouleverent quantité prince d'Orange. de perfonnes, & un affez grand nombre de villes De Thou ut fup. s'étant foumises au prince d'Orange, la religion Protestante étendit fes conquêtes, malgré les efforts des Efpagnols pour en arrêter les progrès. Le parti des conféderez pénetra jufqu'en Hollande, & s'empara de plufieurs villes; les Efpagnols, qui les y fuivirent, agirent plus en barbares qu'en fimples guerriers, & leur cruauté fit prefque autant de conquêtes au profit de leurs ennemis, que ceux-ci en obtinrent par leurs propres armes; car on craignoit tellement d'être foumis au joug dur & inhumain de ce peuple fier & impérieux, que les villes s'uniffoient pour s'opposer au fuccès de leurs armes, & aimoient mieux fe ranger du côté de leurs adverfaires.

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