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pontife, se démit entre fes mains de la grande péA N. 1573. nitencerie qui fut donnée au cardinal Aldobrandin, & de beaucoup de commiffions qui l'obligeoient à partager le tems qu'il croïoit devoir tout entier au foin des peuples, dont il étoit pasteur : il remit auffi aux rois d'Espagne & de Portugal, la protection des provinces de leurs états, & généralement tout ce qui étoit capable de le rappeller ou de l'arrêter à Rome. Il avoit jufqu'alors gardé fa premiere abbaïe d'Arone, dans le deffein, ou d'en faire une église collégiale, ou de la donner à quelque congrégation réguliere ; & pendant fon féjour à Rome, il obtint du pape la faculté d'emploïer le revenu de cette abbaïe, à fonder un college qui fut confié aux Jefuites,

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Il partit de Rome dans le mois d'Octobre, & emploïa tout l'hiver suivant à faire exécuter les ordonnances déja établies, à pourfuivre la réformation déja commencée, furtout à l'égard des religieufes, qu'il réduifit à une exacte obfervance de leurs regles, & à difpofer toutes chofes pour la convocation de fon troifiéme concile provincial, qu'il indiqua au 24. d'Avril 1573. Il en fit lui-même l'ouverture; & l'on y voit plufieurs reglemens & ftatuts très-salutaires, touchant la sanctification des fêtes, l'établissement des écoles de la doctrine chrétienne, la discipline ecclesiastique, l'administration des facremens, principalement du batême des enfans qu'on expofe, & de l'euchariftie qu'on porte aux malades; la célébration de l'office divin, les devoirs des curez, des chanoines, des religieufes. Après avoir terminé ce concile, il en envoïa les actes au

pape par le fieur Caftello fon vicaire général, qu'il chargea auffi d'expofer à fa fainteté quelques avis fort utiles, tant pour fon église particuliere de Milan, que pour les autres ; & furtout la néceffité de faire célebrer des conciles dans toutes les provinces : ce qu'on négligeoit beaucoup en plusieurs métropoles.

Pendant que ce faint archevêque rempliffoit fi pieufement les fonctions, de nouveaux troubles s'éleverent dans fon diocéfe fur la jurifdiction ecclefiaftique. Le duc d'Alburquerque gouverneur de Milan étoit mort ; & dom Alvarez gouverneur du château, fut mis en fa place par provision seulement. Alvarez voulut fignaler fon entrée par une chaffe de differens animaux, & choifit pour la faire la place qui eft devant la grande église. Le pieux cardinal le défendit fous peine d'excommunication. Le gouverneur fe foumit d'abord, & transfera le fpectacle vis-à-vis du château : mais il garda dans fon cœur un vif reffentiment de l'injure qu'il prétendoit lui avoir été faite par l'archevêque: pour le chagriner il voulut engager des perfonnes de qualité à faire des danfes, & à donner des fpectacles dans les jours confacrez par l'église à la piété ; mais il n'y réüffit point, & mourut fort indifpofé contre l'archevêque.

Il eut pour fucceffeur Requefens grand commandeur de Caftille, homme très-propre au gouverne ment. Le cardinal l'avoit connu à Rome fous le pontificat de Pie IV. auprès duquel il étoit ambaffadeur du roi d'Espagne: ce qui lui fit efperer, qu'il n'auroit avec lui aucun differend touchant fa jurif

A N. 1573.

CXXV.
Ses brouilleries

avec le gouver
neur de Milan.
liv. 3. chap. 2.

Giuffano ut fup.

diction, mais il fe trompa. Le nouveau gouverneur A N. 1573. mal confeillé, fe laiffa emporter à des violences que le cardinal ne crut pas devoir tolerer. Un gentilhomme Milanois aïant voulu fe fervir dans une affaire purement féculiere, d'un bref apoftolique qu'il avoit obtenu, le gouverneur lui fit défendre d'en faire usage fans la permiffion des juges roïaux. Le pape averti de ce procedé, fit fçavoir au gouverneur qu'il avoit encouru les cenfures ecclefiaftiques, & l'exhorta à en demander l'absolution, qui lui fut accordée par le cardinal Chiefa, qui fe trouva pour lors à Milan, Saint Charles étoit occupé à la vifite de fon diocéfe ; & ceci se passa dans fon absence. Mais ce petit orage ne fut que l'avantcoureur d'un plus grand, qui eut des fuites assez fâcheufes.

Il y avoit deux ans que les miniftres du roi Catholique avoient obtenu de ce prince fur de faux rapports, des lettres très-préjudiciables à l'autorité ecclefiaftique ; & comme elles avoient été surprifes, on n'ofoit les produire. Quelques efprits broüillons qui en étoient informez, en donnerent avis au gouverneur, & le fçurent fi bien gagner, qu'ils le porterent à intimer ces lettres au grand vicaire de l'archevêque qui étoit absent. Le prélat ne l'eut pas plûtôt appris, qu'il revint à Milan, où il pria le cardinal Chiefa de s'emploïer pour engager le gouverneur qui étoit son ami à ne pas se servir de ces lettres, & à ne point troubler l'exercice de la jurisdiction ecclefiaftique. Les remontrances de ce cardinal furent inutises, auffi-bien que celles de faint Charles, quoiqu'accompagnez de beaucoup de dou,

çeur

ceur, & le faint prélat voïant que la raison seule
étoit trop foible, , y ajouta la menace des cenfures
ecclefiaftiques, voulant en infpirer seulement la
crainte, fans aucun deffein de les prononcer contre
une perfonne fi confidérable dans l'état. Mais l'in-
docilité du gouverneur fit réfoudre le faint arche-
vêque à fe pourvoir par les voïes ordinaires de la
justice: il lui fit d'abord fignifier une monition par
un de ses grands vicaires, qui fut déchirée en pié-
ces ; une feconde monition fut traitée de même ;
le
gouverneur y répondit en latin & en italien pour
justifier sa conduite, & blâmer les`procedures du
cardinal comme violentes & infoutenables ; ce qui
obligea le faint d'en venir aux derniers remedes.

A N. 1573.

Après avoir confulté plufieurs fois des perfonnes habiles & pieuses, & pris l'avis du pape, il déclara le gouverneur, le grand chancelier, & quelques fénateurs excommuniez, conformément aux bulles des fouverains pontifes contre les ufurpateurs de la jurisdiction ecclefiaftique ; & auffi-tôt que cette excommunication eut été publiée & affichée dans plufieurs places publiques, il en donna avis au pape, & lui expofa exactement les raisons de fa conduite. Le gouverneur n'en fut pas plus foumis, il traita l'excommunication de nulle & d'injuste, & publia un manifeste fort long, dans lequel il déguifa fa conduite fous des couleurs fpecieuses, au lieu de la juftifier par des raifons folides : il faifoit tomber tout le mal de la cenfure fur le cardinal, dont la démarche, felon lui, étoit témeraire & capable de troubler la tranquillité publique. Ceux qui l'avoient engagé dans ce précipice, ne ceffoient de l'irriter

contre l'archevêque, qui de son côté ne se défenA N. 1573. doit que par fes prieres & par fes larmes pour le falut du gouverneur, & l'accommodement de cette

affaire.

Le gouverneur pour fe venger, défendit toutes les affemblées de dévotion que le faint prélat avoit établies dans Milan, à moins qu'il n'y eût quelque magiftrat de fa part, afin d'empêcher, difoit-il, qu'il ne s'y pafsât rien de contraire au fervice du roi Catholique, il ordonna encore que les pénitens ne marcheroient point en proceffion le visage couvert. De plus, comme le cardinal joüiffoit du château d'Arone, le gouverneur donna ordre au comte Anguisciola qui commandoit dans Côme, d'y aller avec des gens de guerre, & de s'en emparer. Son prétexte étoit que cette fortereffe fe trouvant fur la frontiere, il ne pouvoit la laisser entre les mains de perfonnes aufquelles il ne se fioit pas. Jules Beolco, commandant de ce château de la part du cardinal, l'avertit de ce qui fe paffoit, & le prélat plein de douceur, lui ordonna de remettre cette place à celui qui la demandoit : dans le même tems il pria le comte Borromée fon oncle d'aller trouver gouverneur, & de lui dire, que non-feulement le château d'Arone, mais que toutes les autres places occupées par ceux de fa maison étoient au roi, & qu'il offroit de les lui configner toutes, pour faire connoitre à tout le monde fa fidélité & fon zéle A N. 1574 pour le service de fa majesté.

Arrivée du roi

le

CXXVI. Cependant le nouveau roi de Pologne étant arride Pologne dans vé dans fes états le 18. de Février 1574. le sénat &

fes états.

De Thou loco toute la noblesse vinrent le recevoir en grand cor

Sup. lib. 57.

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