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mourut le même jour, âgé de vingt-trois ans onze

AN. 1574. mois, vingt-huit jours, après avoir regné treize ans cinq mois & vingt-cinq jours. Pendant les deux dernieres femaines de fa vie, il étoit tombé dans des fymptomes extraordinaires, il treffailloit & fe roidiffoit avec une extrême violence, le fang fortoit à gros boüillons par tous les conduits de fon corps, & réjailliffoit même à travers les pores ; ce qui ne manqua pas de faire dire aux Proteftans, que c'étoit un effet de la vengeance divine pour le punir de l'horrible maffacre qui avoit été fait par fes ordres. Comme il avoit échappé à la reine de dire au duc d'Anjou à fon départ pour la Pologne, qu'il n'y feroit pas long-tems, quelques-uns crurent qu'on avoit avancé la mort de ce prince. Pour détruire cette opinion, on fit ouvrir le corps par des chirurgiens en présence des medecins ; mais l'opération fervit plûtôt à augmenter ce bruit, qu'à le difliper, à cause des taches livides qu'on vit répanduës fur les parties, & dont on ne put deviner la caufe. Son corps fut porté de Vincennes à S. Denis avec les cérémonies accoutumées, & Arnaud Sorbin grand prédicateur pour ce tems-là, depuis évêque de Nevers, qui l'avoit affifté à la mort, y prononça fon oraison funébre. Antoine Muret fit la même chofe à Rome en présence du pape & des cardinaux, & la reine d'Angleterre lui fit faire un fervice dans faint Paul de Londres.

CXXXIII.
Soins que prend

la reine mere pour
calmer les trou-
bles.

Catherine de Medicis déclarée régente, ne penfa qu'à prévenir les troubles qu'elle avoit lieu de craindre. Dans ce deffein elle écrivit aux magiftrats des provinces, aux gouverneurs, & autres officiers

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principaux pour fe concilier leur amitié, & pour AN. 1574affurer aux Proteftans la liberté de confcience, & tout ce que le feu roi leur avoit accordé de plus favorable l'on conclut auffi une trêve avec les Rochellois. Pendant que la régente cherchoit par cette conduite à gagner du tems jufqu'à l'arrivée du roi de Pologne qu'elle avoit mandé, le Prince de Condé toûjours à Strasbourg, follicitoit les princes Proteftans de fe joindre à lui, & faifoit des levées qui allarmoient la reine, mais qu'elle ne pouvoit empêcher.

ment à

Supplice du com

meri.

res pour fervir à

D'Avila lib. S

'Dans cet intervalle, la reine qui avoit extrême- CXXXIV. à cœur la perte du comte de Montgommeri, te de Montgom lui fit faire son procès, & il fut condamné à mort comme coupable de leze-majefté. En allant au fup- Dans les memoiplice, il dit, qu'il mouroit pour fa religion, & l'histoire de Franqu'il n'avoit jamais offenfé fon fouverain, qu'il n'a-4. voit fait tort à perfonne, qu'il étoit prifonnier de De Thou lib. 58. guerre, & qu'on ne lui gardoit pas la promeffe qu'on lui avoit faite, de lui conferver la vie : il ne voulut pas se confeffer à Simon Vigor, archevêque de Narbonne, ni baiser la croix, ni écouter le prêtre qui l'affiftoit. On rapporte qu'un cordelier lui difant qu'il avoit été abufé, il lui répondit avec vivacité. Si je l'ai été, ça été par ceux de votre ordre; ce fut un cordelier, qui le premier me donna une bible en françois, dans laquelle j'ai appris la religion que je profeffe, & dans laquelle aïant toûjours vécu, je veux mourir aujourd'hui par la grace de

Dieu.

Etant fur l'échaffaut dans la place de gréve, il de❤ manda au peuple de prier Dieu pour lui, recita à

haute voix le fymbole, dans la confeffion duquel il A N. 1574. protesta qu'il mouroit; & aïant fait fa priere comme ceux de Genêve, il eut la tête tranchée le 26. Juin. Le lundi fuivant vingt-huit, fa tête fut mife fur un poteau au lieu de l'exécution, & en fut otée la nuit par le commandement de la reine, qui avoit affifté à fon fupplice. Ses enfans furent dégradez de nobleffe, déclarez incapables d'aucune charge ou dignité, & tous ses biens furent confisquez au profit du roi.

CXXXV. Ecrits injurieux contre la reine

mere.

Mezeray abregé

300.

de les

Cette mort irrita les Proteftans contre la reine mere : & ils la déchirerent dans plufieurs libelles très-fatiriques. Plufieurs de ces libelles étant tomchron. to. s.pag. bez entre les mains, le confeil voulut rendre des Dávila liv. 6. arrêts séveres contre les auteurs & les Imprimeurs : mais elle s'y oppofa. « Ce feroit, dit elle, autorifer » ces fatires, & leur faire trop d'honneur que défendre; les gens de probité ne fe font jamais mieux connoître, que lorsqu'ils font en butte aux » mêchans & aux calomniateurs. » Cependant quand elle apprit que les troupes Allemandes étoient en chemin pour venir en France, & que ses artifices étoient épuifez, elle partit de Paris accompagnée du duc d'Alençon & du roi de Navarre fous bonne garde. En paffant par la Bourgogne elle païa les Suiffes, les Lanfquenets & les Reitres qui étoient à la folde de la France, gratifia leurs officiers, & leur fit beaucoup de careffes; & étant arrivée à Lyon, elle réfolut de s'y arrêter, foit pour être à portée de mettre ordre aux troubles des provinces voisines, foit pour y attendre le roi de Pologne qui venoit pour monter fur le trône de France; où on le vit en ef

fet, dès le commencement du mois de Septembre fuivant.

A N. 1574.

nal.reg. Elifab.

La reine d'Angleterre n'eut pas plûtôt été infor- Cambden in an mée de l'arrivée de ce prince en France, qu'elle lui envoïa le baron de Nortk pour le complimenter, & pour le prier de faire obferver les édits faits en faveur des Proteftans; elle lui fit auffi demander la liberté des maréchaux de Montmorenci & de Coffé, ce qui lui fut accordé ; mais l'on n'eut pas le même égard pour fes autres demandes.

CXXXVI. tre dans la confré

Henri III. en

rie des pénitens. De Thou lib. 59..

Pendant le féjour qu'Henri III. fit à Avignon à fon retour de Pologne, voulant gagner l'amitié des Italiens qui y étoient en grand nombre, en pratiquant lui-même les dévotions nouvelles qu'ils aimoient beaucoup, il se mit de la confrérie des pénitens, dont on a eu occafion de parler dans les livres précedens de cette hiftoire. Il y avoit alors trois de ces confréries établies à Avignon, & on les diftinguoit par les couleurs blanche, noire & bleuë; la premiere fut celle dans laquelle Henri s'engagea. Il affiftoit souvent à leurs proceffions revêtu d'un fac de toile, & le vifage couvert comme les autres; tous les feigneurs de la cour fuivirent l'exemple du prince; & le cardinal de Lorraine voulut auffi y afLifter, & fe mit à la tête des pénitens bleus. Il fe trouva mal dans une de ces proceffions, & ne voulut pas fe retirer dans la crainte de troubler la cérémonie: mais à son retour fon mal augmenta, le friffon le faifit, & fut fuccedé d'une fiévre fi violente, qu'il en perdit l'usage de la raifon il en cxXXVII. mourut le dimanche vingt-fix de Decembre à cinq Mort de card heures du matin, âgé de près de cinquante & un Lorraine.

res pour fervir à

L'hiftoire de Fran

&fuivantes.

à

ans, étant né au mois de Fevrier 1524. Il avoit fon A N. 1574. dé l'année précédente une univerfité à Pont-àDans les memoi- Mouffon en Lorraine, & y avoit établi les Jefuites ce, tom. 1. p. 43. pour y enfeigner; car entre un grand nombre de belles qualitez qui le diftinguoient, il avoit toûjours témoigné un grand zéle pour l'avancement des lettres. Lui-même étoit éloquent & parloit avec grace & majefté ; il étoit capable des plus importantes affaires, foit de l'églife, foit de l'état, & propre faire réüffir les négociations les plus épincuses, fa pénétration d'efprit le rendoit maître dans les affemblées, lorfqu'il y donnoit fon avis; & il étoit étonnant qu'il eût un auffi grand fond d'érudition, fi l'on confidere le peu de tems qu'il avoit pû emDans les addi- ploïer à l'étude. Les Catholiques le regretterent, au tions aux memoi- lieu les Calvinistes qui le regardoient comme zom. 1. édit. de leur plus dangereux ennemi, fe réjoüirent de sa mort, & déchirerent fa mémoire par plufieurs calomnies. Ce qu'il y a de vrai, c'eft qu'il rendit de grands fervices à l'églife & à l'état, & qu'il eut toute fa vie beaucoup de zéle pour la confervation de la religion Catholique ; mais il y a lieu de croire que l'ambition & la paffion d'élever sa maifon, eurent quelque part à ce grand zéle. On dit que la reine mere, le jour qu'il mourut, fe mettant à table, dit:

res de Caftelnau,

1731. pag. 280.

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que

Nous aurons à présent la paix, puifque le cardinal » de Lorraine eft mort; car on dit que c'étoit lui qui » l'empêchoit, ce que je ne puis croire, vû que c'étoit » un grand & fage prélat, à la mort duquel la France » & nous tous, perdons beaucoup. » Le même jour elle dit à fon confident, qu'il étoit mort le plus méshant de tous les hommes, de forte qu'elle en di

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