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après beaucoup d'actions extraordinaires de valeur

du côté des affiégez; comme ils manquoient de A N. 1571. poudre & de vivres, & qu'ils n'avoient aucune esperance d'être fecourus, ils demanderent une fufpenfion d'armes pour traiter des conditions ; & l'on donna des ôtages de part & d'autre. Les conditions dont on convint, furent, que tous auroient la vie fauve : Que les étrangers fortiroient avec leurs alliez, armes, enseignes, bagages, & cinq groffes pieces d'artillerie : Que chacun des chefs & feigneurs emmeneroit avec lui trois de fes plus beaux chevaux : Qu'on fourniroit à tous des galeres & des vaiffeaux, pour être fûrement conduits en Candie: Qu'on ne maltraiteroit point les habitans: Qu'on ne les contraindroit point de quitter leur païs : Qu'ils y pourroient jouir de leurs biens, & vivre librement dans l'exercice de la religion Chrétienne, auffi bien que les Grecs qui voudroient demeurer.

LVI. La capitulation eft fignée par Mu

De Thou, hift. lib. 49. Chalcond. ibid. ut fup. pag. 705.

Folieta lib. 2.

Mustapha aïant reçû ces articles, les figna ; & les confirma le ferment ordinaire aux Turcs: enpar fuite il envoïa quatre vaiffeaux au port, où les mala- stapha. des commencerent à s'embarquer; le refte de la garnison demeurera dans fon pofte, pour empêcher les infidéles de faire infulte aux habitans. "Spond. n°. 11. Ces derniers furent traitez d'abord avec beaucoup de douceur ; mais les Turcs étant entrez dans la place changerent de conduite, & uferent de beaucoup de violence. Bragadin en fit porter fes plaintes à Mustapha par Neftor Martinengo, & le fupplia de faire ceffer ces infultes, & en même tems de lui envoïer d'autres vaiffeaux pour embarquer ceux qui étoient reftez, & le bacha accorda ce que l'on défi

LVII. Inhumanité de

ce bacha contre la

foi donnée.

De Thou, ibid.

lib. 49. Joan.

lib. 2. de bello Cy

prio.

roit. Il dit auffi à Martinengo, qu'il fouhaitoit de A N. 1571. connoître Bragadin, qu'il eftimoit fa valeur & fon courage, & qu'il en avoit vû de grandes preuves dans ce fiége. Le gouverneur informé du defir du bacha, laisla dans la ville Laurent Tiepolo, pour la remettre aux Turcs ; & fortit fur le foir accompagné de la principale noblesse pour aller saluer le bacha. Mustapha les reçut d'abord avec beaucoup de politeffe ; mais après s'être entretenu familierement avec eux, il leur fit une querelle de propos délibeté, comme fi pendant la fufpenfion d'armes, BraBaptift. Adriani gadin avoit fait tuer quelques Turcs prifonniers. Le gouverneur le nia : mais fans entendre plus longtems les preuves de sa justification, Mustapha se leva en furie, & le fit enchaîner : il fit amener enfuite devant fa tente, tous ceux qui avoient accompagnez Bragadin, & les fit égorger. Pour Bragadin, après qu'on l'eût obligé trois fois de tendre le col au bourreau, qui avoit déja le bras levé pour le frapper; Mustapha se contenta pour lors, de lui faire couper le nez & les oreilles, & l'aïant fait coucher par terre, il infulta à fes malheurs par des paroles injurieuses, en lui demandant où étoit maintenant ce Chrift qu'il adoroit, & pourquoi il ne venoit pas l'arracher des mains de fon vainqueur par sa puiffance fouveraine : dans le même tems ceux qu'on avoit fait embarquer, furent dépouillez & mis à la rame. Le lendemain 5. du mois d'Août, Mustapha fit fon entrée dans la ville de Famagoufte, & fit pendre Tiepolo qui étoit chargé de la lui remettre.

Le 17. du même mois, Bragadin qui n'étoit pas encore guéri, fut conduit en la présence du barba

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re,

A N. 1571.

dans tous les endroits des murailles qui avoient été battus & renverfez, portant deux paniers remplis de terre à fon col, & toutes les fois qu'il paffoit devant Mustapha, on l'obligeoit de baiser la terre : enfuite on le fit voir lié au haut d'une antenne, pour fervir de spectacle aux foldats prifonniers. Enfin il fut mené dans la place au bruit des tambours & des trompettes, & y fut écorché tout vif: il fouffrit tous ces fupplices avec une conftance admirable, fans ceffer d'invoquer Jefus-Chrift, & reprochant au barbare vainqueur fa perfidie & son inhumanité. Il n'étoit encore écorché que jufqu'à la ceinture, que le fang fortant avec abondance, lui fit rendre fon ame à Dieu, en implorant le fecours de fa grace par des prieres ferventes & continuelles. Mustapha peu content de ce qu'il avoit fait souffrir à ce grand homme pendant qu'il vivoit, voulut encore infulter à son corps mort : il fit remplir sa peau de paille, la fit porter par la ville fous un dais mocquerie, l'attacha enfuite au haut d'un mâts, & après l'avoir produit en spectacle fur les ports de l'Illyrie & de la Cilicie, il l'envoïa à Conftantinople avec les têtes de Loüis Martinengo, d'André Bragadin & de Quirini. Hercules Martinengo qui s'étoit caché, eut le malheur d'apostasier dans la suite. Neftor Martinengo fon parent, après s'être auffi Chalcond. ut fup. caché pendant quelque temps pour fe foustraire la barbarie des Turcs, fe donna pour efclave à un Sangiac, & racheta peu après fa vie & fa liberté avec cinq cens fequins. Multapha n'épargna pas les cendres des faints: il fit déterrer tous les corps qui étoient inhumez dans l'église de faint Nicolas, &

par

à

lib. 15. pag. 707.

briser leurs offemens; il voulut qu'on arrachât les A N. 1571. images des faints, qu'on renversât leurs autels, & aïant fait blanchir cette églife, il en fit une mosquée. Telle fut la fin du fameux fiége de Famagouf te, qui rendit les Turcs tout-à-fait maîtres de l'ifle de Chypre. Conquête qui leur coûta cher; car il y périt un grand nombre de ces infidéles.

LVIII. Bataille de Lé

pante.

ut fup. lib. 49.

Les Chrétiens cependant armoient puiffamment fur mer; & Sebastien Veniero géneral de l'armée De Thou, ibid. navale de Venife qui étoit à Corfou, voulant sçavoir les deffeins des ennemis, envoïa le premier jour d'Août à Zante, Jean Lauredano qui aborda cinq jours après à Cephalonie. Il y apprit que les Turcs étoient allez de Navarin à Zante, & il en · avertit aufli-tôt Veniero. Drufio qui avoit accompagné Lauredano, fut renvoïé une autre fois pour reconnoître l'ennemi de plus près; mais aïant rencontré les galeres Turques, il fe retira à Corfou, & Trono fon Compagnon qui s'étoit jetté en haute mer, fut pris. Les Turcs apprirent de lui, que l'armée navale des Chrétiens étoit à Corfou, fur quoi 'ils réfolurent d'y paffer; mais Veniero qui ne vouloit pas être fi voifin d'eux, s'en alla à Meffine pour fe joindre à la flotte des alliez. Cette retraite facilita aux Turcs le pillage de Zante & de Cephalonie, où ils firent plus de fix mille captifs : de là ils pafferent en Albanie, où ils trouverent Achmet qui y étoit déja defcendu avec le Beglierbey de Grece, & les autres troupes, dans le deffein de diffiper une révolte dont on leur avoit donné avis.

Lorfque toutes les flotes des princes liguez furent arrivées à Meffine, les Chrétiens réfolurent

de livrer bataille. Dans ce deffein l'on quitta la côte d'Albanie le 3. d'Octobre, & l'on prit le chemin de A N. 1571. Cephalonie. Le premier jour la flote Chrétienne s'avança jufqu'à l'ifle de Paxu; le lendemain elle aborda à Cephalonie, & étant entrée dans le canal de Viceardo, entre Cephalonie & Tiachi, elle jetta l'ancre au port du val d'Alexandrie, d'où elle s'avança jufqu'aux ifles Cursolaires.

Ciacon. in vitâ

1021. 1022.

L'armée navale des Turcs alloit à fainte Maure, lorfqu'elle rencontra au point du jour celle des Chrétiens qui commençoit à s'éloigner de ces ifles ; ce fut un dimanche matin 7. d'Octobre. Les armées n'é- In epist. Princip. tant éloignées pour lors que de mille pas, Jean d'Au- vol. 3. ad finem. triche disposa ses vaisseaux fans bruit, & commanda PV. tom. 3. [az. à celui qui avoit la conduite de ceux qui étoient venus à fon fecours,de ne point quitter fon pofte, & lui défendit de fe mêler dans le combat fans un ordre exprès. Doria étendit fa pointe vers la haute mer, & Barbarigo qui conduifoit la gauche, s'étant approché de la côte avec fa capitane, les autres Officiers prirent chacun leur place, & formerent un front de cent foixante galeres. Les Turcs voïant approcher l'armée Chrétienne, calérent les voiles, & dans l'inftant même fe mirent en bataille.

LIX.
Jean d'Autriche

à fe conduire avec valeur.

De Thou, fup. lib.so.

loco

Les deux armées étant fi proches, Dom Jean d'Autriche fit arborer l'étendart qu'il avoit reçû à exhorte les fiens Naples de la part du pape, defcendit dans un brigantin, & donna ordre à Requefens & à Colonne de faire la même chofe ; & d'aller parmi les rangs exhorter leurs gens à bien combattre fous les aufpices de Jefus - Chrift, dont ils voïoient l'image en croix. Il harangua les fiens du milieu de l'armée,

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