Mafcardi elog di capit. illuftr. pape le reçut avec beaucoup de témoignages d'affection & de tendresse, auffi-bien que tout le colle- A N. 1571. ge des cardinaux, les grands feigneurs, les prélats, la nobleffe, qui à l'envi lui marquoient leur joïe & le combloient de loüanges. Le lendemain, Colonne alla dans l'église d'Ara-Cali, pour y affifter à une meffe qui y fut chantée en action de graces, pour la victoire qu'on avoit gagnée sur les Turcs. Le pape voulut qu'on attachât dans cette église les enfeignes prifes fur l'ennemi, comme un monument éternel de la protection du Très-haut ; & MarcAntoine Muret, un des plus célebres orateurs de fon tems, fut chargé d'y faire le panegirique de Colonne. Les principaux prifonniers qu'on avoit faits à la bataille étoient préfens à cette cérémonie, pour illuftrer le triomphe du vainqueur; on y voïoit furtout le fameux pirate Caragiali, & Mehemet Sangiac de Negrepont, qui n'avoit point été d'avis qu'on livrât la bataille. Marc-Antoine Colonne fit préfent à l'églife d'Ara-Cali, d'une image de Jefus-Chrift en argent, fur une Colonne de même métail, avec une infcription pour conferver la mémoire de cette victoire ; & au lieu du feftin qu'on avoit accoutumé de faire dans ces fortes d'occasions, on distribua d'abondantes aumônes pour le besoin des indigens, & pour marier de pauvres filles. LXIV. Etabliffemens Pie V. Vers le même tems, Pie V. forma plufieurs établiffemens qui lui ont fait honneur: il fonda un pieux du pape college à Pavie fous le nom de Ghifleris pour élever la jeunesse dans la piété & dans les lettres. Il fit bâtir pontific. tom. 3. & dota un monaftere de religieux de S. Dominique Ciaconius in vita pag. 1004. Duchefne hift. des à Bofco, petite ville près d'Alexandrie de la Paille, A N. 1571. il fit élever dans l'église de la Minerve en la chapelle des Caraffes, un magnifique maufolée en l'honneur de Paul IV. qui l'avoit fait cardinal ; il eut le même zéle pour la mémoire du cardinal Carpi & du cardinal Alphonfe fes bienfaicteurs : enfin il ordonna par une bulle du 6. d'Octobre aux ordinaires des lieux, d'établir chacun dans leur diocéfe une ou plufieurs Confraternitez femblables à celle de la doctrine Chrétienne à Rome pour l'instruction de la jeunesse. LXV. Il foutient fes roiaumes de Na Pii V. hoc anno n. 5. Il envoïa auffi dans le roïaume de Naples, Thodroits fur les mas Orphino évêque de Strongoli, & Paul Odefples & de Sicile. calchi évêque de Cita di Perna, en Sicile, pour viGabut. in vit. siter les églises de ces deux roïaumes; mais les maSpond.in annalib. gistrats ne voulurent jamais permettre à ces prélats d'exécuter leur commiffion, qu'ils ne se fuffent auparavant présentez à eux, & qu'ils n'en eussent obtenu la permiffion; ils remontrerent que fuivant les droits de la Monarchie, les rois étoient légats nez par privilege du S. fiége ; & que c'étoit violer ces droits, que de faire agir les deux prélats d'autorité. Le pape informé de cette opposition, fit réponfe, que ce que les magiftrats regardoient comme un privilege, étoit plûtôt un abus & un renverfement des loix : que c'étoit une ufurpation manifefte, fous le prétexte de laquelle on faifoit beaucoup de chofes contre les droits divin & humain : que l'on devoit produire & prouver ces prétendus privileges, & que le pape d'ailleurs en étoit le juge & l'interpréte légitime dans tout ce qui pouvoit avoir été fait par les prédeceffeurs ; que par tout où il fe trouvoit quelque défordre, c'étoit à lui à le corriger, fans qu'aucun y pût trouver à redire : mais A N. 1571. ces remontrances qui s'étendoient en effet un peu trop loin, furent inutiles; les rois ou leurs minif tres fe maintinrent dans leurs privileges, & leur fermeté occafionna dans la fuite bien des difputes, fans que les parties aïent pû s'accorder. Ce qui étoit le plus fenfible à Pie V. étoit le pro- Synode des Lugrès que faifoit l'erreur en Allemagne, en France, theriens à Drefde dans les Païs-Bas & ailleurs. Les Lutheriens tinrent dans la Mifnie. dans le mois d'Octobre de cette année 1571. un fynode à Drefde, capitale de la Mifnie, où l'on dresfa une formule de foi touchant l'incarnation & l'eucharistie, contre la doctrine des Ubiquitaires, qui attribuoient à Jefus-Chrift d'être par tout, même felon la nature humaine. Il fut décidé dans ce fynode que Jefus - Christ eft véritablement préfent dans la céne d'une maniere vivifiante & fubftantielle, & qu'il nous y présente fon vrai corps offert fur la croix, & fon vrai fang répandu pour nous avec le pain & le vin; & que par-là il témoigne qu'il nous adopte, qu'il nous fait fes membres, qu'il nous purifie par fon fang, qu'il nous accorde la rémiffion de nos pechez, & qu'il veut habiter vraïement & efficacement en nous. Les théologiens de Vittemberg adopterent cette confeffion de foi; mais elle fut combattuë par les disciples de Flaccius Illyricus & de Brentius, qui accuferent les premiers d'être Sacramentaires. Sur leurs plaintes, l'électeur de Saxe fit assembler à Tergaw quinze théologiens qui drefferent une nouvelle formule, où la présence réelle du corps & du fang de Jefus - Chrift dans l'euchariftie eft exprimée, & la doctrine des SacraA N. 1571. mentaires rejettée & condamnée en termes trèsforts on voulut obliger les théologiens de Vittemberg de figner cette formule, & ceux qui refuseLXVII. rent, furent mis en prison : ainfi cette résolution de Tergaw ne fit qu'augmenter les diffentions entre les Lutheriens. L'électeur de Saxe voulant les Hospinian. de appaiser, indiqua une autre assemblée à Liectemcana Dominica berg, où douze théologiens propoferent des arti2. in opere, cui cles de concorde, entre ceux qui faifoient profestitulus concordia sion de suivre la confeffion d'Ausbourg. Le premier Formule de foi pour accorder enfemble les Luthe riens. 1. inftitutione 10. difcors. Union entre les l'affemblée de fut d'en exclure les Calviniftes : le fecond, d'ou- Les Sacramentaires n'étoient pas plus unis dans leur doctrine, comme on le voit par quelques fyLXVIII. nodes qu'ils tinrent en cette année. En 1570. on en Lutheriens & les avoit tenu un à Sandomir, où l'acte d'union fut Zuingliens, dans paffé entre les Lutheriens, les Bohemiens & les Zuingliens qui s'étoient réfugiez en Pologne : ce Syntagma gen. 2. fynode eft intitulé: L'union & confentement mutuel fait entre les églifes de Pologne ; fçavoir entre ceux de Variations in 4°. la confession d'Aufbourg, ceux de la confeffion des freres 10. 2. lib. 11. art. de Boheme, & ceux de la confeffion des églifes Hel Sandomir. part. pag. 218. 219. Beffuet, hift. des 192. & fuivans. H vetiques, c'est-à-dire des Zuingliens. On y produisoit tout entier l'article de la confeffion Saxonique, fur A N. 1571. la céne que Melanchton avoit dreffée en 1551. pour être portée à Trente: on y difoit, entr'autres chofes, que Jefus-Christ est vraïement & fubftantiellement préfent dans la communion, & qu'on le donne vraïement à ceux qui reçoivent le facrement de fon corps & de fon fang. Que la présence subftantielle de Jefus-Chrift n'est pas feulement fignifiée, mais vraïement effectuée, les fignes n'étant pas nuds, mais joints à la chose même, fuivant la nature des facremens : cette confefsion passa, mais l'union n'eut fon effet qu'en Pologne. Les Zuingliens de la Suiffe demeurerent fermes à rejetter les équivoques, & l'on vit dès-lors une partie des Calvinistes de France imiter leur exemple. Plufieurs foutenoient ouvertement qu'il falloit rejetter le mot de substance, & changer l'article 36. de la confeffion de foi qu'ils avoient présentée au roi Charles IX. où il s'agiffoit de la céne. Ce parti ne fut pas pris par des particuliers feulement, mais auffi par les églifes de l'ifle de France & de Brie, par celles de Paris & de Meaux, & leurs voifines. Dix ans auparavant, elles avoient foutenu le contraire, comme étant la pure parole de Dieu : mais c'est le propre de l'erreur de varier dans fa doctrine. Ce changement allarma ceux qui tenoient encore pour la premiere confeffion de foi, & le fynode de la Rochelle qui fut tenu dans cette année, réfolut de condamner ces réformateurs de la réforme. Theodore de Beze vint exprès de Genève pour y préfider; la reine de Navarre s'y trouva avec les princes LXIX. Synode des Cal viniftes à la Rochelle. Benoit, hift. de l'édit de Nantes, tom. 1. pag. 4. Poffuet at fup. lib. Surv. 2. art, 1. & De Thon, hift. lib. 59. |