la conduite qu'on avoit tenue à leur égard. PourA N. 1571. quoi, dirent-ils, a-t'on violé la paix faite à Longjumeau ? pourquoi par les embûches du cardinal de Lorraine, le prince de Condé lui-même & l'amiral de Coligny ont-ils prefque été furpris à Noyers, où ils s'étoient retirez pour y vivre en repos ? pourquoi a-t'on arrêté fon fécretaire, que ce prince envoïoit au roi pour se plaindre des infultes qu'on lui avoit faites, & à lui & aux fiens pourquoi le même prince s'étant retiré à Cofne fur Loire avec Coligny, écrivit-on de la part du roi aux gouverneurs des Provinces, aufquels on commandoit de poursuivre le prince de Condé & fes adherans comme criminess de léze-majesté ? Ils dirent encore, qu'il étoit constant, qu'avant que l'on eût pris les armes, les ennemis du roïaume avoient déja concerté cette manœuvre conformément à un bref du pape du mois de Juillet, qui permettoit au roi d'aliéner pour cinquante mille écus de rente des biens ecclefiaftiques, pour fervir aux frais de cette guerre : que puifque ces mêmes ennemis avoient confeillé au roi d'ôter aux Proteftans par son édit du mois de Septembre la liberté de confcience, & les affemblées pour la religion, il étoit évident, qu'ils vouloient ôter toute efperance d'accommodement, afin de pouvoir entretenir dans le roïaume une guerre que le défespoir rendroit perpetuelle, ou qui ne pourroit finir que par la perte de l'un des partis. Enfin ils représenterent que c'étoit injustement, qu'on privoit la reine de Navarre de la joüiffance de Leictoure, capitale de la principauté d'Armagnac qui lui appartenoit, & qu'on ôtôit aux Proteftans Aurillac qui leur avoit été donné, pour y faire pu- Proteftans. Ils concluoient leurs plaintes, en difant, qu'on formoit de tous côtez des deffeins dans les provinces à la ruine de la reine de Navarre, de fon fils, & de tous ceux qui lui étoient attachez : qu'on avoit envoïé des gens en Espagne & en Portugal, pour faire des levées d'hommes & d'argent à ce fujet. Que Blaise de Montluc faifoit ouvertement la mêA N. 1571. me chofe dans la Guienne chofe dans la Guienne, pour fe venger de la blessure qu'il avoit reçu au fiége de Rabasteins : que toutes ces raisons faifoient justement craindre, que la tranquillité du roïaume ne fût troublée contre les bonnes intentions du roi par les fecretes pratiques de ceux-là même qui l'obligeoient, ou par leurs perfuafions, ou par la force, à prendre malheureufement les armes contre fes fujets, & qui avoient trop de crédit à la cour & dans le roïaume. Le maréchal de Coffé répondit à ces plaintes, que les chofes dont ils parloient, avoient été en partie oubliées & tout-à-fait abolies ; que l'édit même portoit, qu'on n'en feroit aucune mention; parce qu'elles étoient de nature à faire naître de nouvelles femences de haine & de division, en en rappellant la memoire : qu'ainfi ceux qui aimoient la paix, ne devoient plus y penfer, ni écouter des bruits répandus par des gens timides ou féditieux, qui cherchoient matiere à de nouvelles broüilleries; mais que chacun devoir être perfuadé, que le roi fouhaitoit la paix, qu'il l'avoit toujours défirée, & qu'ainfi il la vouloit conferver, puifqu'elle étoit faite. Il ajouta, que puifqu'ils lui avoient fait connoître les caufes de leurs foupçons, il fe croïoit aussi obligé de dire, que depuis le dernier édit, le roi avoit en lui-même plus de raifon de fe défier de leurs intentions & de leur fidelité ; Qu'il étoit informé que depuis quatre mois la reine de Navarre, fes enfans, le prince de Condé, & un grand nombre de grands feigneurs & de nobles distinguez, faifoient leur féjour ordinaire à la Rochelle, loin de " LXXIII. Réponse du ma téchal de Coffé à ces plaintes. De Thou ut fup. lib. 5o. pag. 755. & que leurs maisons & de leurs familles ; que c'étoit sans pas chez soi ? tous pendant la guerre souhaitoient avec ardeur, d'aller revoir leurs femmes & leurs enfans, & maintenant que la paix est faite, on ne veut plus la même chose., & l'on préfere les incommoditez d'un séjour étranger , qui exige de grandes dépenses au plaisir de revoir sa patrie : il ajouta que le roi étoit fort surpris de cette conduite, les soupçons avoient augmenté, en apprenant que les capitaines des Protestans levoient des gens de guerre, à qui ils promettoient une plus forte pare pour les attirer : qu’un grand nombre de vaisseaux aux environs de Brouage, de l'isle de Ré, & des endroits voisins faisoient tous les jours des courses sur les Espagnols & sur les Portugais , comme si les deux rois étoient en guerre : que cette conduite occasionnoit beaucoup de plaintes , & le roi la trouvoit d'autant plus mauvaise, qu'il ne souhaitoit rien avec plus d'ardeur , que de voir retrancher tous les sujets de mécontentement & de querelle. Les Protestans repliquerent au maréchal, que dès que la paix avoit été faite & publiée, l'on avoit Proteitans. licentié & fait sortir de la Rochelle les soldats étran- De Thos ut sup. gers, & que si quelques-uns s'étoient arrêtez dans les endroits voisins, il ne falloit en attribuer la cause qu'à l'arrivée du comte de Villars , qui leur étoit fuspect par les raisons qu'ils avoient alléguées; outre que le roi avoit donné ordre qu’on redoublâc les & que LXXIV. Replique des lib. so. pag. 756. garnifons dans les villes du voifinage. Que fi la reiAN. 1571. ne de Navarre & les feigneurs n'étoient pas encore partis de la Rochelle, c'eft qu'ils attendoient toujours ceux qui auroient dû s'affembler plûtôt, afin de pourvoir à un partage égal des contributions pour les grandes fommes qu'on devoit aux Alle mans. Après cette conférence, les deux députez du roi s'en retournerent à la cour, la cour, où Teligny, Briquemaut & Arnaud de Cavagnes, confeiller au parlement de Toulouse, furent en même tems envoïez par la reine de Navarre, & l'amiral pour remercier le roi des bontez qu'il leur témoignoit, & demander l'exécution de l'édit dans tous les articles : ainsi se passa l'hiver. Dès le mois de Mars il y eut de grands troubles à Roüen, caufez par la haine mutuelle des deux partis. Les Proteftans étant fortis le matin du quatriéDe Thou, loco me de Mars pour aller faire leurs prieres, furent fup. lib. 5o. pag. infultez par le peuple, & maltraitez par les gardes 756. chap. 114. 31. 32. Bellefores lib.6. de la porte de Caux. La chofe n'alla pas plus loin Spond. hoc anno alors, mais retournant le foir en leurs maisons, ils furent plus vivement attaquez; on fe jetta fur eux, cinq furent tuez, & beaucoup d'autres bleffez. On tenta la même chofe à Dieppe ; & l'affaire eût eu des fuites très-fâcheufes, fi le gouverneur n'eut réprimé les violences de ces féditieux. Le roi l'aïant appris, en conçut beaucoup de chagrin, foit qu'il voulût qu'on obfervât le dernier édit, foit qu'il craignît que ces mauvais traitemens n'irritaffent les Calviniftes, & ne fiffent échouer le deffein qu'il tramoit contr'eux : c'eft pourquoi il chargea Fran LXXV. Troubles à Rouen entre les Catholi ques & les Protef tans. |