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Aurillac qui leur avoit été donné, pour y faire publiquement leurs prieres & y tenir leurs assemblées: A N. 1571. Que ce n'étoit pas avec plus de juftice, que par un édit rendu depuis peu à Villiers-Coterets, on avoit changé, innové, ôté par une mauvaise interprétation beaucoup de chofes de l'édit précedent: Que tous leurs foupçons paroiffoient d'autant plus légitimement fondez, qu'Honoré de Savoïe, comte de Villars leur ennemi avoit été fait lieutenant de roi en Guienne, dont le prince de Navarre étoit gouverneur, qu'il y venoit avec des troupes, & qu'on avoit refufé de laiffer entrer le prince de Condé dans le château de Valery, dont les Dachons s'étoient injustement emparez: Que ce qui fortifioit leurs foupçons étoit, que le bâtard de Lanfac avoit été préféré pour l'évêché de Cominges, à Charles, frere naturel d'Henri, prince de Navarre; que le garde des fceaux Jean de Morvilliers, refufoit de fceller ce qu'on appelloit les articles fecrets, qui faifoient une partie de l'édit, fous prétexte qu'ils n'avoient pas été vérifiez au parlement, & que Michel de l'Hôpital, fi recommandable par sa probité étoit éloigné de la cour, & privé des fonctions de fa charge fur les calomnies de fes adverfaires, qui publioient en fecret, qu'il favorifoit la religion des Proteftans.

Ils concluoient leurs plaintes, en difant, qu'on formoit de tous côtez des deffeins dans les provinces à la ruine de la reine de Navarre, de fon fils, & de tous ceux qui lui étoient attachez : qu'on avoit envoïé des gens en Espagne & en Portugal, pour faire des levées d'hommes & d'argent à ce fujet.

Que Blaise de Montluc faifoit ouvertement la mêA N. 1571. me chofe dans la Guienne, pour fe venger de la bleffure qu'il avoit reçu au fiége de Rabasteins: que toutes ces raisons faifoient justement craindre, que la tranquillité du roïaume ne fût troublée contre les bonnes intentions du roi par les fecretes pratiques de ceux-là même qui l'obligeoient, ou par leurs perfuafions, ou par la force, à prendre malheureuTement les armes contre les fujets, & qui avoient trop de crédit à la cour & dans le roïaume.

LXXIII. Réponse du ma

ces plaintes.

De Thou ut fup.

Le maréchal de Coffé répondit à ces plaintes, réchal de Coffé à que les chofes dont ils parloient, avoient été en partie oubliées & tout-à-fait abolies ; que l'édit mêlib. 5o. pag. 755. me portoit, qu'on n'en feroit aucune mention; parce qu'elles étoient de nature à faire naître de nouvelles femences de haine & de divifion, en en rappellant la memoire : qu'ainfi ceux qui aimoient la paix, ne devoient plus y penfer, ni écouter des bruits répandus par des timides ou féditieux, gens qui cherchoient matiere à de nouvelles broüilleries ; mais que chacun devoir être perfuadé, que le roi fouhaitoit la paix, qu'il l'avoit toujours désirée, & qu'ainfi il la vouloit conferver, puifqu'elle étoit faite. Il ajouta, que puifqu'ils lui avoient fait connoître les caufes de leurs foupçons, il se croïoit auffi obligé de dire, que depuis le dernier édit, le roi avoit en lui-même plus de raifon de se défier de leurs intentions & de leur fidelité : Qu'il étoit infor mé que depuis quatre mois la reine de Navarre, fes enfans, le prince de Condé, & un grand nombre de grands feigneurs & de nobles diftinguez, faiLoient leur féjour ordinaire à la Rochelle, loin de

leurs maifons & de leurs familles ; que c'étoit fans doute

, parce que cette ville étant fur la mer, elle A N. 1575. leur paroiffoit plus propre à quelque nouvelle entreprise. Pourquoi, dit-il, chacun ne s'en retourne-t'il pas chez foi tous pendant la guerre fouhaitoient avec ardeur, d'aller revoir leurs femmes & leurs enfans, & maintenant que la paix eft faite, on ne veut plus la même chofe, & l'on préfere les incommoditez d'un féjour étranger, qui exige de grandes dépenfes au plaifir de revoir sa patrie : il ajouta que le roi étoit fort furpris de cette conduite, & que les foupçons avoient augmenté, en apprenant que les capitaines des Proteftans levoient des gens de guerre, à qui ils promettoient une plus forte païe pour les attirer: qu'un grand nombre de vaisseaux aux environs de Broüage, de l'isle de Ré, & des endroits voifins faifoient tous les jours des courfes fur les Efpagnols & fur les Portugais, comme fi les deux rois étoient en guerre: que cette conduite occafionnoit beaucoup de plaintes, & que le roi la trouvoit d'autant plus mauvaise, qu'il ne souhaitoit rien avec plus d'ardeur, que de voir retrancher tous les fujets de mécontentement & de querelle.

Les Proteftans repliquerent au maréchal, que dès que la paix avoit été faite & publiée, l'on avoit licentié & fait fortir de la Rochelle les foldats étrangers, & que fi quelques-uns s'étoient arrêtez dans les endroits voifins, il ne falloit en attribuer la caufe qu'à l'arrivée du comte de Villars, qui leur étoit fufpect par les raifons qu'ils avoient alléguées; outre que le roi avoit donné ordre qu'on redoublât les

LXXIV.
Replique des

Proteftans.
De Thou ut fup.
lib. 5o. pag. 756.

garnisons dans les villes du voisinage. Que fi la reiAN. 1571. ne de Navarre & les feigneurs n'étoient pas encore partis de la Rochelle, c'eft qu'ils attendoient toujours ceux qui auroient dû s'affembler plûtôt, afin de pourvoir à un partage égal des contributions pour les grandes fommes qu'on devoit aux Alle

LXXV. Troubles à Rouen

tans.

mans.

Après cette conférence, les deux députez du roi s'en retournerent à la cour, où Teligny, Briquemaut & Arnaud de Cavagnes, conseiller au parlement de Toulouse, furent en même tems envoïez par la reine de Navarre, & l'amiral pour remercier le roi des bontez qu'il leur témoignoit, & demander l'exécution de l'édit dans tous les articles : ainsi se passa l'hiver.

Dès le mois de Mars il y eut de grands troubles à entre les Catholi- Rouen, causez par la haine mutuelle des deux parques & les Protef- tis. Les Proteftans étant fortis le matin du quatriéDe Thou, loco me de Mars pour aller faire leurs prieres, furent fup. lib. so. pag. infultez par le peuple, & maltraitez par les gardes Bellefores lib.6. de la porte de Caux. La chofe n'alla pas plus loin Spond. hoc anno alors, mais retournant le foir en leurs maisons,

756.

chap. 114.

11. 32.

ils

furent plus vivement attaquez; on se jetta sur eux, cinq furent tuez, & beaucoup d'autres bleffez. On tenta la même chofe à Dieppe ; & l'affaire eût eu des fuites très-fâcheuses, fi le gouverneur n'eut réprimé les violences de ces féditieux. Le roi l'aïant appris, en conçut beaucoup de chagrin, soit qu'il voulût qu'on obfervât le dernier édit, foit qu'il craignît que ces mauvais traitemens n'irritaffent les Calviniftes, & ne fiffent échoüer le dessein qu'il tramoit contr'eux : c'est pourquoi il chargea Fran

çois de Montmorency, maréchal de France & gouverneur de Roüen, de s'y transporter avec des trou- A N. 1571. pes: on lui joignit quelques confeillers du parlement de Paris connus pour leur probité, & leur éloignement de toute faction. Après qu'on eut fait les informations néceffaires, quelques uns des coupables furent punis du dernier fupplice, d'autres furent bannis, & un grand nombre fut condamné à des amendes. Trois cens qui s'étoient sauvez furent condamnez à mort par contumace, & pendus en effigie; ce qui calma un peu les Proteftans.

LXXVI. Révolte dans

Calvinistes.

De Thou ut fup:

La ville d'Orange qui appartenoit à la maison de Naffau, avoit été agitée de pareils troubles un mois Orange contre les auparavant. Quoique le roi de France eût mis garnifon dans la citadelle, ceux du comtat Venaiffin, qui est de l'obéissance du pape, avoient excité les peuples d'Orange à se révolter contre les Proteftans ; & le tumulte dura trois jours entiers, pendant lefquels plufieurs furent tuez, & d'autres dangereusement blessez. Mommejan à qui Damville avoit confié le commandement de la citadelle, empêcha par fes foins & par fa prudence, que la fureur du peuple n'allât plus loin. Louis de Nassau qui étoit à la Rochelle aïant appris cette nouvelle, s'en plaignit par lettres au roi au nom du prince d'Orange fon frere, & demanda à sa majefté, que fuivant l'édit on pût mettre un homme de confiance dans la ville pour contenir les habitans dans leur devoir. Le roi y confentit volontiers, & Berchon aïant été reçû dans Orange, ufa d'abord d'une grande modération, invita les féditieux qui s'étoient retirez dans la crainte du châtiment, à revenir, & rétablit le calme:

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