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des maniéres infinuantes & perfuafi-
ves; l'art de
gagner les cœurs,
& de
fe les attacher encore plus par l'affec-
tion que par l'intérêt; une attention
continuelle à mettre toujours le bon
droit de fon côté, & à donner à toutes
fes démarches un caractére d'équité
& de juftice que les ennemis mêmes
foient forcés de refpecter; enfin une
clémence qui ménage les coupables
qui le font plûtôt par imprudence
que par malice, & qui donne lieu au
repentir en laiffant des retours vers le
devoir : ce font des qualités rares dans
les plus fameux conquérans de l'an-
tiquité, & qui dominoient fouverai-
nement dans Cyrus.

JE REVIENS à mon fujet. Cyrus, avant que de quitter le roi d'Arménie, fongea à lui rendre un service confidérable. Il étoit en guerre avec les Caldéens, peuple voifin & affez belliqueux, qui tenoit continuellement le pays en inquiétude par fes courfes, & étoit caufe qu'une grande partie des terres demeuroit inculte. Après s'être bien informé de leur caractére, de leurs forces, de la fituation des lieux où ils fe retiroient, il marcha contre eux. Au premier fignal que l'ennemi

Cyrop. l. 3.

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approchoit, les Caldéens fe faifirent des hauteurs, lieu ordinaire de leur retraite.Cyrus ne leur laiffa pas le tems d'y affembler toutes leurs troupes, & il alla les y attaquer. Les Arméniens qui marchoient à la tête, furent mis d'abord en fuite. Cyrus, s'y étoit bien attendu, & il ne les avoit ainfi placés que pour engager le combat. En effet, dès que les Caldéens en vinrent aux mains avec les Perfes, ils ne purent foutenir leur choc, & furent renverfés. On fit un grand nombre de prifonniers le refte fe diffipa. Cyrus parla aux prifonniers: leur déclara qu'il n'étoit point venu pour leur faire du mal, ni pour ravager leurs terres, mais pour leur accorder la paix à des conditions raisonnables; & il les renvoia.On ne manqua pas d'envoier fur le champ des députés, & la paix fut conclue. Pour la fûreté des deux peuples, & de leur commun confentement, Cyrus fit bâtir fur la hauteur une fortereffe qui commandoit tout le pays & y laiffa une bonne garnifon, qui devoit fe déclarer contre celui des deux peuples qui manqueroit au traité.

Cyrus aiant appris qu'il y avoit un

commerce & une communication af fez ordinaire entre les Indiens & les Caldéens, fouhaita que ceux-ci vou luffent bien conduire & accompagner l'Ambaffadeur qu'il fe préparoit d'envoier au Roi des Indes. Le fujet de cette ambaffade étoit de lui demander quelques fecours d'argent de la part de Cyrus, qui en avoit befoin pour lever de nouvelles troupes en Perfe, & qui efpéroit que, fi Dieu accordoit un heureux fuccès à fes deffeins, le Roi n'auroit point lieu de fe repentir de l'avoir aidé. Il étoit bien aife que les Caldéens appuiaffent fa demande : & ils pouvoient le faire avantageufement en raportant le caractere & les exploits de Cyrus. L'Ambaffadeur partit dès le lendemain, accompagné des plus confidérables du pays, qui avoient ordre de conduire cette affaire le plus adroitement qu'il leur feroit poffible, & de rendre au mérite de Cyrus toute la justice qui lui étoit dûe.

L'expédition contre les Arméniens étant heureusement terminée, Cyrus partit de là pour aller retrouver Cyaxare. Quatre mille Caldéens, qui étoient les plus braves de la nation, fe joignirent à fui: & le Roi d'Armé

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nie, qui fe voioit délivré de ses ennemis, augmenta le nombre des troupes qu'il lui avoit promises. Il arriva donc en Médie avec beaucoup d'argent, & une armée beaucoup plus nombreuse que lorfqu'il en étoit forti.

§. V.

Expédition de Cyaxare & de Cyrus contre les Babyloniense premiere bataille.

AN.M.3448. LES DEUX PARTIS avoient emploié Av.J.C.5. trois années de fuite à former leurs Cyrop. l. 3. alliances, & à faire des préparatifs de guerre. Cyrus voiant les troupes pleines d'ardeur & de bonne volonté, propofa à Cyaxare de les mener contre les Affyriens. Ses raifons étoient qu'il croioit le devoir décharger du foin & de la dépenfe de nourrir deux armées; qu'il valoit mieux manger le pays ennemi que le fien; que cette démarche hardie d'aller à la rencontre des Affyriens étoit capable de répandre la terreur parmi leurs troupes, en même tems qu'elle rempliroit les leurs de confiance, qu'enfin il lui avoit fouvent entendu dire à lui-même auffi bien qu'à Cambyfe fon pere, que la victoire dépendoit, non du nom

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bre, mais du courage des foldats. Cyaxare entra dans fes vûes. On fe mit donc en marche après avoir fait les facrifices ordinaires.Cyrus, au nom de toute l'armée, pria tous les dieux tutélaires de l'empire, de vouloir bien leur être favorables dans l'expédition qu'ils commençoient, de les accompagner, de les conduire, de combattre avec eux, de leur infpirer le courage & la prudence dont ils avoient befoin, & de donner un heureux fuccès à leurs armes. Cyrus, en agiffant ainfi, mettoit en pratique l'important avis que lui avoit donné fon pere de commencer & de finir toutes fes actions & toutes fes entreprifes par la priere; & il ne mane quoit jamais avant & après le combat de s'acquiter à la vûe de l'armée de ce devoir de religion. Quand ils furent arrivés fur les frontieres de l'Affyrie, leur premier foin fut encore de rendre hommage aux divinités du pays, & d'implorer leur fecours &

protection: après quoi il fit des courfes dans le pays, & amaffa un grand butin.

Cyrus apprit que les ennemis étoient éloignés d'environ dix journées : il en

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