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Lib. 1. c. 79.

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§. VII.

Prife de Sardes & de Créfus. CYRUS, dès le lendemain matin marcha vers Sardes. Si l'on en croit Hérodote, Créfus n'attendit pas qu'il l'y enfermât. Il fortit à fa rencontre avec fes troupes pour lui livrer bataille. Selon cet Hiftorien, les Lydiens étoient les peuples de l'Afie les plus braves & les plus belliqueux. Leur principale force confiftoit dans la cavalerie. Cyrus, pour la rendre inutile, fit d'abord avancer fes chameaux dont elle ne put en effet foutenir ni la vûe, ni l'odeur, & prit la fuite fur le champ. Les cavaliers mirent pied à terre, & revinrent au combat, qui fut fort opiniatré: mais enfin les Lydiens cédèrent, & furent obligés de eyrop. 1. 7. fe retirer dans la ville. Cyrus en for

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ma le fiége, & fit dreffer fes machines contre les murailles, & préparer des échelles comme pour l'affaut. Mais Pendant qu'il amufoit les Sardiens par tous ces apprêts, la nuit fuivante il fe rendit maître de la citadelle, aiant appris par un efclave Perfan qui en avoit Tervi le Gouverneur une route déro

bée qui y conduifoit. A la pointe du jour il entra dans la ville, où il ne trouva plus de résistance. Son premier foin fut d'en empécher le pillage: car il s'aperçut que les Caldéens, aiant quitté leurs rangs, s'étoient déja répandus de côté & d'autre. Il faloit avoir autant d'autorité qu'en avoit Cyrus pour arréter & lier en quelque forte par un fimple ordre les mains avides de foldats étrangers dans une ville auffi remplie de richeffes que l'étoit Sardes. If fit déclarer aux bourgeois qu'ils auroient la vie fauve, & qu'on ne toucheroit ni à leurs femmes ni à leurs enfans pourvû qu'ils lui apportaffent tout leur or & tout leur argent. Ils y confentirent fans peine. Créfus, qu'il s'étoit fait amener, leur en avoit donné l'exemple, en livrant tous fes tréfors au vainqueur.

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Quand Cyrus eut donné dans la Pag. 191 ville tous les ordres néceffaires, il eut 184. un entretien particulier avec le Roi, à qui il demanda fur-tout, ce qu'il penfoit de l'oracle de Delphes & des réponses du dieu qui y préfide, dont on difoit qu'il avoit toujours fait grand cas. Créfus commença par

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avouer qu'il s'étoit justement attiré
l'indignation de ce dieu, en lui té-
moignant de la défiance fur la vérité
de fes réponses, & l'aiant pour cela
mis à l'épreuve par une question ab-
furde & ridicule. Que cependant il ne
pouvoit pas s'en plaindre. Car l'aiant
confulté pour favoir ce qu'il avoit à
faire pour mener une vie heureuse, l'o-
racle lui avoit fait une réponse dont le
fens étoit, qu'il pofféderoitun bonheur
parfait & conftant lorfqu'il fe connoi-
troit lui-même. Faute de cette con-
aoiffance, continua-t-il, & fe croiant,
par les louanges qu'on lui donnoit
fans mefure, tout autre qu'il n'étoit
en effet, il s'étoit laiffe nommer Gé-
néraliffime de toute l'arinée, & s'é-
toit mal à propos engagé dans cette
guerre contre un Prince qui lui étoit
infiniment fupérieur en tout. Mainte-
nant donc qu'inftruit par ma défaite
je commence à me connoître, je
compte auffi que je vais commencer à
être heureux : & je le ferai certaine-
ment fi vous m'étes favorable, car
mon fort eft entre vos mains. Cyrus,
touché de compaffion pour le malheur
de ce Roi déchu en un moment d'un f
haut
rang, & admirant fon égalité

d'ame dans un tel renversement de fortune, le traita avec beaucoup de clémence & de bonté, & lui laiffa le nom & l'autorité de Roi, mais en lui interdifant le pouvoir de faire la guerre: c'eft-à-dire, comme il le reconnut lui-même, qu'il le déchargea de ce que la roiauté a de plus onéreux, & le mit véritablement en état de mener une vie heureufe, & exemte de tout foin & de toute inquiétude. Il le mena toujours enfuite avec lui dans fes expéditions, foit par eftime pour profiter de fes confeils, foit plûtôt par politique pour s'allurer de fa perfon

ne.

Hérodote, & après lui d'autres Auteurs, ajoutent à ce récit quelques circonftances fort remarquables, que je ne croi pas devoir omettre ici quoiqu'elles me paroiffent tenir plus du merveilleux que du vrai.

J'ai déja remarqué que l'unique Herod. lib. fils qui reftoit à Créfus étoit muet. Ce cap. 85. Prince voiant, dans la prise de la ville, un foldat prêt de décharger un coup de fabre fur la tête du Roi qu'il ne connoiffoit point, fa crainte & fa tendreffe pour fon pere lui firent faire un effort qui rompit les liens de fa

Herod. lib. 1.

cap. 86.91.

bone.

langue, & il s'écria: Soldat, ne tue point Créfus.

Créfus aiant été fait prifonnier, fut Plut. in So condanné par le vainqueur à être brûlé vif. On dreffa donc le bucher, & ce malheureux Prince aiant été mis def fus, fur le point de l'exécution rappella dans fon efprit * l'entretien qu'il avoit eu autrefois avec Solon, & revant pag 118. connoiffant la vérité de fes avis il s'é

* Cet entre

tien a été ra porté ci-de

>

cria par trois fois, Solon, Solon, Solon. Cyrus, qui étoit préfent à ce spectacle avec les principaux de fa Cour aiant appris pourquoi, dans cette extrémité, il prononçoit avec tant de vivacité le nom de ce célébre Philofophe, touché de l'incertitude des chofes humaines, & du malheur de ce Prince, le fit retirer du bucher, & P'honora toujours pendant qu'il vécut. a Ainfi Solon eut la gloire d'avoir d'un feul mot fauvé la vie à l'un de ces deux Rois, & donné une falutaire inftruction à l'autre.

Deux réponses fur-tout, parties de l'oracle de Delphes, avoient beaucoup contribué à engager Créfus dans cette guerre, qui lui fut fi funefte.

3 Καὶ δόξαν εχεν ο [ σώσας, τόν δὲ παιδεύσεις Σίλων ὑὶ λόγῳ τὸν μὲν των βασιλίων, Pluta

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