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fe foumettre les Babyloniens. Il bâtir entre autres une ville fuperbe, qu'il appella Ninive, du nom de fon fils Ninus, pour immortalifer par là fa mémoire. Ce fils à fon tour, plein de vénération pour fon pere, voulut que ceux qui l'avoient eu pour roi, l'adoraffent comme leur Seigneur, & portaffent les autres peuples à lui rendre le même culte. Car il paroit certain que Nemrod eft le fameux Bélus des Babyloniens, le plus ancien roi que les peuples aient adoré pour fes grandes actions, & qui ait montré aux autres hommes le chemin à cette forte d'immortalité qu'ils s'imaginent que les qualités humaines peuvent

donner.

Je me réserve à parler de la grandeur & de la puiffance des villes de Babylone & de Ninive fous les rois auxquels les auteurs profanes en attribuent l'établissement, parce que l'Ecriture n'en dit prefque rien. Ce filence, dont notre curiofité a peine à s'accommoder, peut devenir fort inftructif pour notre piété.L'Ecriture a placé exprès Nemrod & Abraham fort près l'un de l'autre, afin que nous viffions dans le premier ce que les hommes

Diod. lib. 2.

pag. 90-95.

admirent & ce qu'ils fouhaitent, & dans le fecond ce que Dieu approuve, & ce qu'il juge digne de fa complaifance & de fon amour, a Ces deux hommes fi différens font les deux premiers citoiens de deux cités oppofées, fondées par des amours contraires, dont l'un eft l'amour de foi-même & des biens temporels porté jufqu'au mépris de Dieu, & l'autre eft l'amour de Dieu porté jufqu'au mépris de foi-même. NINUS.

J'AI déja remarqué que la plupart des Auteurs profanes le regardent comme le premier fondateur de l'empire des Allyriens, & par cette raifon lui attribuent une grande partie des actions de Nemrod ou Bélus fon pere.

Dans le deffein qu'il avoit de porter au loin fes conquêtes, il commença par fe préparer des troupes & des officiers capables de feconder fes deffeins. Soutenu du puiffant fecours des Arabes fes voifins, il fe mit en campagne, & dans l'efpace de dix-fept ans fit la conquête d'une infinité de pays depuis l'Egypte jufqu'à l'Inde & la Bactriane qu'il n'ofa pas encore attaquer.

a Fecerunt civitates cœleftem verò amor Dei duas amores duo: terre- ufque ad contemtum fui. nam fcilicet amor fui uf S. Aug. de Civ. Dei, libe que ad contemtum Dei, 14. cap. 28.

A fon retour, avant que d'entreprendre de nouvelles conquêtes, il voulut immortalifer fon nom par l'établiffement d'une ville qui répondît à la grandeur de fa puiffance: il l'appella Ninive, & la bâtit fur le bord oriental du Tigre. Peut-être ne fit-il qu'achever l'ouvrage que fon pere avoit commencé. Son deffein, dit Diodore, fut de rendre Ninive la plus grande & la plus célébre ville du monde, & d'ôter à ceux qui viendroient après lui l'efpérance & le moien d'en bâtir jamais une pareille. Elle avoit I so ftades (fept lieues & demie) de longueur, fur 90 ftades (4 lieues & demie) de largeur: & par conféquent elle faifoit un quarré long. Elle avoit de circuit quatre cens quatre-vingts ftades, qui font vingt-quatre lieues. De là vient que dans Jonas il eft dit que Ninive étoit une grande vil-Jon. 3. 33 le qui avoit trois jours de chemin, ce qui peut s'entendre de fon circuit. ** Les

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* Diodore dit que ce fut | Ninive. C'est ce qui a porté fur le bord de l'Euphrate, plufieurs Savans à dimien parle ainfi en plufieurs nuer l'évaluation du ftade endroits, mais il fe trompe. de près de la moitié, en ** Il eft difficile de croire mettant quinze ftades pour qu'il n'y ait pas de l'exagé le mille Romain, au lieu ration dans ce que dit ici qu'on n'en met ordinaireDiodere de l'étendue dement que huit.

ici de l'exa

murs avoient cent piés de hauteur; & une épaiffeur fi confidérable, qu'on pouvoit y conduire à l'aise trois chars de front. Ils étoient revétus & fortifiées de quinze cens tours, hautes de deux cens piés.

Après avoir achevé ce grand ouvra ge, il reprit fon expédition contre les Bactriens. Son armée, au raport de

*Il paroit Ctéfias, étoit de * dix fept cens mille geration: j'en hommes de pié, de deux cens mille parlerai dans chevaux, & de près de feize mille

la fuite.

chariots armés de faulx. Diodore ajoute que cela ne doit pas paroître incroiable, puifque, pour ne point parler des armées innombrables de Darius & de Xerxès, fous Denys le Tyran la feule ville de Syracufe mettoit fur pié fix-vingts mille hommes d'infanterie, & douze mille de cavalerie, fans compter quatre cens vaiffeaux bien équipés: & que peu de tems avant Annibal, l'Italie, en comptant les citoiens & les alliés, pouvoit armer près d'un million d'hommes. Ninus fe rendit maître d'un grand nombre de villes, & enfin s'attacha au fiége de Bactre capitale du pays. Il y auroit peut-être vû échouer tous fes efforts fans le fecours

&

& l'industrie de Sémiramis, femme d'un de fes premiers Officiers,laquelle étoit d'un courage extraordinaire, & n'avoit rien de la foibleffe de fon fexe. Elle étoit née à Afcalon, ville de Syrie. Je ne croi pas devoir raporter ici ce que Diodore raconte de fa naiffance, & de la maniére miraculeuse dont elle fut nourrie par des colombes, cet historien même regardant tout ce récit comme fabuleux. Sémiramis fournit à Ninus le moien d'attaquer & de prendre la citadelle, & par là de fe rendre maître de la ville, où il trouva des tréfors immenfes. Le mari de Sémiramis s'étant donné la mort à luimême pour prévenir l'effet des terribles menaces du Roi, qui avoit conçu une violente paffion pour fa femme, Ninus l'époufa.

De retour à Ninive, il en eut un fils, qu'il nomma Ninyas. Bientôt après il mourut, & laiffa à la Reine le gouvernement du roiaume. Elle lui éleva un fuperbe tombeau, qui fubfifta encore longtems après la ruine de Ninive.

ral. pag. 753.

Je ne trouve nulle vraisemblance à Plut. in Moce que difent quelques Auteurs de la maniére dont Sémiramis monta fur le trône. Si on les en croit, fûre des Tome II.

B

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