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reconnoît aifément ces grands guerriers, ces fameux conquérans, ces foudres de guerre, qui portoient par tout la terreur, & à qui rien ne réfiftoit. Mais ce font des bêtes féroces des ours, des lions, des léopards, qui ne favent que déchirer, que dévorer, que détruire. Quelle image! quelle peinture! & combien nous apprentelle à rabbatre de l'idée que nous nous formons ordinairement & des empires, & de ceux qui les fondent ou les gouvernent!

C'eft tout le contraire dans l'empire de Jefus-Chrift. Qu'on en confidére l'origine & la naiffance, qu'on en étudie avec foin les fuites & les progrès dans tous les tems, & l'on reconnoîtra que l'un de fes caractéres dominans eft au dehors la petiteffe, la foibleffe, & même, s'il eft permis de le dire, la baffeffe. C'est le levain de la pâte, c'est le grain de fenevé, c'est la petite pierre détachée de la montagne. Et cependant il n'y a de véritable grandeur que dans cet empire. Le Verbe éternel en eft le Fondateur & le Roi. Tous les trônes de la terre viennent rendre hommage au fien, & s'abaiffer devant lui. Le but de fon

régne eft de fauver les hommes, de les rendre éternellement heureux, & de fe former un peuple de faints & de juftes, qui foient tous autant de rois & de conquérans. Le monde entier ne fubfifte que pour eux, & quand le nombre en fera rempli, « alors, dit « 1. Cor. 15 faint Paul, viendra la fin & la con- « 24. fommation de toutes chofes, lorf-« que Jefus Chrift aura remis fon « roiaume à fon Dieu & à fon Pere, & qu'il aura détruit tout empire, « toute domination, & toute puiffance. «

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Un Ecrivain qui voit dans les prophéties de Daniel que les divers empires du monde, après avoir duré le tems que le fouverain Arbitre des roiaumes leur a fixé, vont tous aboutir & fe terminer à l'empire de JesusChrift, peut-il s'empécher, au milieu de tous ces objets profanes qui l'environnent, de tourner les yeux de tems en tems vers ce grand & divin objet, & de l'envifager toujours, au moins en éloignement, comme le but & la fin de tous les autres ?

N

Cyrop. lib. 8.

§. III.

Dernières années de Cyrus. Mort
de ce Prince.

IL FAUT revenir à Cyrus. Egale133..ment aimé de fes fujets naturels & des nations conquifes, il jouiffoit en paix du fruit de fes travaux & de fes victoires. Son empire étoit terminé à l'orient par l'Inde; au nord par la mer Cafpienne & le Pont Euxin; au couchant par la mer Egée; au midi par l'Ethiopie & la mer d'Arabie. Il établit fa demeure au milieu de tous ces pays, paffant ordinairement fept mois à Babylone pendant l'hiver parce que le climat y eft chaud; trois mois à Sufe, pendant le printems; & deux mois à Ecbatane, durant les grandes chaleurs de l'été.

Sept années s'étant ainfi écoulées Cyrus vint en Perfe pour la feptiéme fois depuis l'établiffement de fa monarchie: ce qui marque qu'il y alloit réguliérement une fois chaque année. Cambyfe étoit mort il y avoit déja quelque tems, & lui-même étoit affez vieux, aiant pour lors foixante-dix ans; dont trente s'étoient paffés depuis qu'il avoit été déclaré Général

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des Perfes; neuf depuis la prise de Babylone, & fept depuis qu'il avoit commencé à régner feul après la mort de Cyaxare.

Il a conferva jufqu'à la fin une fanté forte & robufte, qui étoit le fruit de la vie fage & frugale qu'il avoit toujours menée. Et au lieu que ceux qui s'abandonnent à la crapule & aux dé

bauches reffentent fouvent toutes les incommodités de la vieilleffe lors même qu'ils font encore jeunes : Cyrus, dans un âge fort avancé, avoit encore toute la vigueur de la jeuneffe,

Sentant approcher le jour de fa mort, il affembla fes enfans & les Grands de l'empire, & après avoir remercié les dieux de toutes les faveurs qu'ils lui avoient accordées pendant fa vie, & leur avoir demandé une pareille protection pour fes enfans, pour fes amis, pour fa patrie., il déclara Cambyfe fon fils aîné fon fucceffeur, & laiffa à l'autre, qui s'appelloit Tanaoxare, plufieurs gouvernemens fort confidérables. Il leur donna à l'un &

a Cyrus quidem apud | fenfiffe fenectutem fuam Xenophontem eo fermo- imbecilliorem factam, D ne,quem moriens habuit, quàm adolescentia fuiscùm admodum fenex effet. Cic. de Senect. n. 300 fet, negat fe unquam

à l'autre d'excellens avis, en leur faifant entendre que le ferme appui des trônes n'étoit ni la vafte étendue des pays, ni le grand nombre des troupes, ni les richelles immenfes, mais le refpect pour les dieux, la bonne intelligence entre les freres, & le foin de fe faire & de fe conferver de fidéles amis. Il mourut également regretté de tous les peuples.

Eloge & carallére de Cyrus.

ON PEUT regarder Cyrus comme le Conquérant le plus fage & le Prince le plus accompli dont il foit parlé dans l'hiftoire profane. Aucune prefque des qualités qui forment les grands hommes ne lui manquoit : fageffe, modération, courage, grandeur d'ame, nobleffe de fentimens, merveilleufe dextérité pour manier les efprits & gagner les cœurs, profonde connoiffance de toutes les parties de l'art militaire autant que fon tems le comportoit, vafte étendue d'efprit foutenue d'une prudente fermeté pour former & pour exécuter de grands projets.

Il eft affez ordinaire à ces héros qui brillent dans les combats & dans les

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