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main, 2 qui ne connoiffoient d'autre droit que la force; qui regardo ent les régles communes de la juftice comme des loix qui n'obligent que les particuliers, & qui aviliroient la majefté roiale; qui ne bornoient leurs deffeins & leurs prétentions que par l'impuiffance d'aller auffi loin que leurs defirs; qui facrifioient à leur ambition la vie d'un million d'hommes; qui mettoient leur gloire à tout détruire, comme les torrens & les embrafemens; & qui régnoient comme le feroient les ours & les lions, s'ils étoient les maîtres.

Voila ce que font dans la vérité la plûpart de ces prétendus héros que le fiécle admire; & c'eft par de telles idées qu'il faut corriger l'impreffion que les injuftes louanges de quelques hiftoriens, & le fentiment de plufieurs perfonnes féduites par l'image d'une fauffe grandeur, font fur les efprits.

Je ne fai fi ma prévention pour Cyrus m'aveugle, mais il me femble qu'il étoit d'un caractére tout diffé

a Id in fumma fortuna | cit. Annal. lib. 15. cap. 1. æquius, quod validius. b Quæ alia vita effet, Et fua retinere, privatæ fi leones urfique regnadomûs:de alienis certare, rent? Senec. de Clem- lib. regiam laudem effe. Ta 1.cap. 26.

rent de ceux dont je viens de tracer le portrait. Non que je veuille le juf tifier en tout, ni l'exemter d'ambition, qui fans doute étoit l'ame de toutes les entreprises: mais il refpectoit les loix, & favoit qu'il y a des guerres injuftes, où celui quiles entreprend mal à propos fe rend refponfable de tout le fang qui y eft répandu. Or une guerre eft telle, lorfque le Prince n'y eft porté que par le motif d'étendre fes conquêtes, ou d'acquérir une vaine réputation, ou de se rendre terrible à ses voifins.

Xenoph. Cy- Nous avons vû Cyrus, à l'entrée rop. lib. 1. P. de la guerre, fonder uniquement l'ef pérance du fuccès fur la juftice de fa caufe, & repréfenter aux foldats,pour les remplir de courage & d'affurance, qu'ils n'étoient point les aggreffeurs que c'étoit l'ennemi qui les avoit attaqués, & qu'ils avoient droit à toute la protection des dieux, qui fembloient eux-mêmes leur avoir mis en main les armes pour marcher à la défense de leurs alliés injuftement opprimés. Quand on examine avec quelque foin les conquêtes de Cyrus, on reconnoît qu'elles furent prefque toutes la fuite des victoires remportées

remportées contre Créfus roi de Lydie qui étoit maître de la plus grande partie de l'Afie mineure, & contre le Roi de Babylone qui l'étoit de toute la haute Afie, & de beaucoup d'autres contrées; qui tous deux étoient les aggreffeurs.

C'est donc avec raifon que Cyrus eft représenté comme un des plus grands Princes qui aient paru dans l'antiquité, & fon régne propofé comme le modéle d'un gouvernement parfait, qui ne peut être tel, fi la justice n'en eft la base & le principe: Cyrus à Xenophonte fcriptus ad Epift. 1. ad jufti effigiem imperii.

§. IV.

Différences entre Hérodote & Xénophon au fujet de Cyrus.

HERODOTE & Xénophon, qui conviennent parfaitement dans ce qui peut être confidéré comme le fonds & l'effentiel de l'histoire de Cyrus, & fur tout dans ce qui regarde fon expédition contre Babylone, & fes autres conquêtes; fuivent des routes toutes différentes dans le récit qu'ils font de plufieurs faits très-importans, tels que font la Tome II.

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Cic. lib. 1.

Quint. frat.

cap. 107-130.

cap. 4-6.

nailfance & la mort de ce Prince, & l'établissement de l'empire des Perfes. Je me croi obligé de donner ici un abrégé de ce qu'en dit Hérodote.

Herod. lib 1. Il raconte, & après lui Justin,qu'AJustin.lib. 1ftyage roi des Médes, fur un fonge effraiant qui lui annonçoit que le fils qui naîtroit de fa fille le détrôneroit, donna fa fille Mandane en mariage à un homme de Perfe d'une naissance & d'une condition obfcures, nommé Cambyfe. Un fils étant né de ce mariage, le Roi chargea Harpagus, l'un de fes principaux Officiers, de le faire mourir. Celui-ci le donna à l'un des bergers du Roi pour l'expofer dans une forêt. Mais l'enfant aiant été fauvé miraculeufement, & nourri en fecret par la femme du berger, fur dans la fuite reconnu par fon grandpere, qui fe contenta de le reléguer dans le fond de la Perfe, & fit tomber toute fa colére fur le malheureux Harpagus, à qui il donna fon propre fils à manger dans un feftin. Le jeune Cyrus, plufieurs années après, averti par Harpagus de ce qu'il étoit, & animé par fes confeils & fes remontrances, leva une armée en Perfe, marcha contre Aftyage, le défit dans un com

bat, & fit ainfi paffer l'empire des Médes aux Perfes.

Le même Hérodote fait mourir Lib. 1. cap.

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205-214.

Cyrus d'une manière peu digne d'un Juftin. lib.I. fi grand conquérant. Ce Prince, se- cap. 8. lon lui, aiant porté la guerre contre les Scythes, & les aiant attaqués dans un premier combat, fit femblant de prendre la fuite, après avoir laiffé dans la campagne une grande quantité de vin & de viandes. Les Scythes ne manquérent pas de se jetter deffus. Cyrus revint contre eux, & les aiant trouvé tous enivrés & endormis, les défit fans peine, & fit un grand nombre de prifonniers, parmi lesquels fe trouva le fils de la Reine nommée Tomyris, laquelle commandoit l'armée. Ce jeune Prin ce, que Cyrus avoit refufé de rendre à fa mere, étant revenu de fon ivreffe, & ne pouvant fouffrir de se voir captif, fe donna la mort. Tomyris, animée par le defir de la vengeance,préfenta un fecond combat aux Perfes & les aiant attirés à fon tour dans des embuches par une fuite fimulée, en tua plus de deux cens mille avec leur roi Cyrus. Puis, aiant fait couper la tête de Cyrus, elle la mit dans un

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