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Pour cette raison le jour où cette exécution fut faite devint dans la fuite une fête annuelle chez les Perfes, qui la folennifoient avec grande joie. Elle fut appellée le maffacre des Mages. Aucun d'eux, ce jour-là, n'ofoit paroître en public.

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Cap. 80-83. Quand le tumulte & le trouble, inféparables d'un tel événement furent appaifés; les Seigneurs qui avoient fait périr l'Ufurpateur, tinrent confeil,& délibérérent ensemble fur la forme de gouvernement qu'il étoit à propos d'établir. Otanes parla le premier, & commença par fe déclarer contre la Monarchie, dont il exagéra avec force les dangers & les inconvéniens; tels, felon lui, furtout à caufe du pouvoir abfolu & fans bornes qui y eft attaché, que le plus homme de bien ne peut pas tenir contre, & en eft prefque infailliblement renverfé. Il conclut à remettre l'autorité entre les mains du peuple. Mégabyfe, qui opina le fecond, adoptant tout ce que le premier avoit dit contre l'état monarchique, réfuta ce qui regardoit le gouvernement populaire. Il repréfenta le peuple comme un animal violent, féroce, indomtable,

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qui n'agit que par caprice & par paffion. Encore un Roi, difoit-il, fait ce qu'il fait: mais le peuple ne connoit rien, n'écoute rien, & fe livre aveuglément à ceux qui ont fu fe rendre maîtres de fon efprit. Il fe rabatit donc à l'aristocratie,où un petit nombre d'hommes fages & expérimentés ont tout le pouvoir. Darius parla le troifiéme, & montra les inconvéniens de l'ariftocratie, appellée autrement l'oligarchie,où régnent l'envie, la défiance, la difcorde, le defir de l'emiporter fur les autres, fources naturelles des factions, des féditions, des meurtres, aufquels pour l'ordinaire on ne trouve de remede qu'en fe fou mettant à l'autorité d'un feul, ce qu'on appellé monarchie, qui de tous les gouvernemens eft le plus louable, le plus fûr, le plus avantageux, rien n'étant comparable au bien que peut faire dans un Etat un bon Prince, dont le pouvoir égale la bonne vor lonté. Enfin, dit-il, pour terminer la queftion par un fait qui me paroit décifif & fans replique, à quelle forte de gouvernement l'empire des Perfes doit-il la grandeur où nous le voions? N'eft-ce pas à celle que je propofe?

Tous les autres Seigneurs fe rangérent de l'avis de Darius ; & il fut arrété que la monarchie feroit continuée fur le même pié que Cyrus l'avoit

établie.

Cap. 84-87. Il ne s'agit plus que dé favoir qui d'entre eux feroit roi, & de détermi

ner la maniére dont on procéderoit à cette élection. Ils crurent devoir s'en raporter au choix des dieux. Pour cela on convint que le lendemain ils fe trouveroient à cheval au lever du foleil dans un certain endroit du fauxbourg de la ville qui fut marqué, & que celui-là feroit roi, dont le cheval hanniroit le premier. Car le foleil étant la grande divinité des Perfes ils penférent que de prendre cette voie ce feroit lui déférer l'honneur de l'élection. L'Ecuier de Darius aiant appris ce dont ils étoient convenus, s'avifa d'un artifice pour affurer la couronne à fon Maître. Il attacha la nuit d'auparavant une cavale dans l'endroit où ils devoient fe rendre le lendemain matin, & il y amena le cheval de fon Maître. Les Seigneurs s'étant trouvés le lendemain au rendez-vous, le cheval de Darius ne fut pas plûtôt dans l'endroit où il avoit

fenti la cavale, qu'il hannit: fur quoi Darius fut falué roi par les autres, & placé fur le trône. Il étoit fils d'Hyftafpe Perfe de nation, de la famille

roiale d'Achémene.

L'empire des Perfes étant ainfi rétabli & affermi par la fageffe & par la valeur de ces fept Seigneurs, ils furent élevés fous le nouveau Roi aux plus grandes dignités, & honorés des plus grands priviléges. Ils eurent le droit d'approcher de fa perfonne toutes les fois qu'ils le voudroient, & d'opiner les premiers fur toutes les affaires de l'empire. Au lieu que tous les Perfes portoient la tiare ou le turban le bout renverfé en arrière, à la réserve du Roi qui le portoit droit, ceux-ci eurent le privilége de le porter le bout tourné en avant, en mémoire de ce que, lorfqu'ils attaquérent les Mages, ils l'avoient tourné de cette maniére afin de fe mieux reconnoître dans la confufion. Depuis ce tems-là les rois de Perfe de cette race ont toujours eu fept Conseillers ainfi privilégiés.

Je termine ici l'hiftoire du roiaume des Perfes, réservant le refte pour les volumes fuivans.

Ibid.

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CHAPITRE QUATRIE'ME. MOEURS ET COUTUMES

DES ASSYRIENS,

DES BABYLONIENS, DES LYDIENS, DES MEDES, ET DES PERSES.

E JOINS ici ce qui regarde les

JE

mœurs & les coutumes de toutes ces nations, parce qu'elles ont enfemble une grande conformité fur plufieurs points; que je me trouverois expofé à de fréquentes redites, fi je voulois les traiter féparément ; & qu'à l'exception des Perfes,les auteurs anciens nous apprennent peu de cho, fes des mœurs des autres peuples. Dans ce que je me propofe d'en dire je traiterai principalement quatre chefs; le gouvernement, la guerre, les fciences & les arts, la religion, après quoi j'expoferai quelles ont été les principales caufes de la décadence & de la ruine du grand empire des Perfes.

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