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Confeil fubfistant & perpétuel, compofé des plus grands Seigneurs & des meilleures têtes de l'Etat, qui fous la direction du Prince, & toujours dépendamment de lui, étoient comme la fource de l'ordre public, & l'origine de tout ce qui fe faifoit avec fageffe au dedans & au dehors de l'Etat. C'étoit fur ce Confeil que le Prince se déchargeoit de plufieurs foins, qui l'auroient accablé s'il ne s'étoit fait foulager; & c'étoit par lui qu'il exécutoit ce qui avoit été réfolu. C'étoit parce Confeil fubfiftant que les grandes maximes de l'Etat fe confervoient, que la connoiffance de fes véritables intérêts fe perpétuoit, que la fuite des affaires commencées fe lioit & s'entretenoit, & que les furprifes & les innovations étoient empéchées. Car dans un Confeil public & général les matiéres font examinées par des hommes non fufpects: tous les Miniftres font mutuellement les inspecteurs les uns des autres : toutes leurs lumiéres fur les affaires publiques fe réuniffent : & ils deviennent tous également capables de tout ce qui regarde le miniftére, parce qu'ils font obligés de s'inftruire de toutes

Tome II.

les matiéres pour opiner fenfément, quoiqu'ils ne foient chargés pour l'exécution que d'un emploi limité. Enfin, & c'eft la quatrième réflexion qui me reftoit à faire, il eft marqué que ceux qui compofoient ce Confeil, étoient inftruits à fond des coutumes, des loix, des maximes, & des droits du roiaume; fcientium leges ac jura majorum.

Deux chofes, que l'Ecriture nous apprend avoir été obfervées chez les Perfes, pouvoient contribuer beaucoup à donner au Roi, & à ceux qui formoient fon Confeil, les connoiffances néceffaires pour bien gouver1. Efar. 5.ner. Premiérement, ces régiftres pu 17.& 6.2. blics, où tous les arrêts, toutes les ordonnances du Prince, tous les priviléges donnés aux peuples, toutes

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graces accordées aux particuliers 1. Ed. 4. étoient écrites. En fecond lieu, les Efth. Annales du roiaume, où tous les évé nemens des régnes paffés, les réfolutions prifes, les réglemens établis, les fervices rendus par les particuliers, étoient raportés fort exactement & dans un grand détail: Annales qui étoient foigneufement gardées, & fouvent lues par les Princes & par

les Miniftres, pour s'inftruire du paffé; pour prendre une idée nette de l'état du roiaume; pour éviter une conduite arbitraire, inégale, incertaine; pour conferver l'uniformité dans le maniement des affaires ; & pour puifer dans la lecture de ces livres les lumiéres néceffaires pour bien conduire l'Etat. §. III. Adminiftration de la Justice. C'EST la même chofe d'être roi, & d'être juge. Le trône eft un tribunal, & la fouveraine autorité est un pouvoir fuprême de rendre juftice. Dieu vous a établi roi fur fon peu- « 2. Paral. 9.8. difoit la Reine de Saba à Sa- « lomon, afin que vous le jugiez, & « que vous lui rendiez juftice. C'eft pour mettre les Princes en état de ne craindre que Dieu, qu'il leur a tout foumis. Il a voulu les attacher invinciblement à la justice, en les rendant indépendans. Il leur a donné tout fon pouvoir, afin qu'ils ne puffent s'excufer fur leur foibleffe; & il les a rendu maîtres de tous les moiens capables d'arréter l'oppreffion & l'injufti ce, afin que devant eux elles fuffent toujours tremblantes, & hors d'état de nuire à qui que ce fût.

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Mais qu'est-ce que cette juftice que Dieu à confiée aux Rois, & dont il les a rendu garands? C'est la même chofe que l'ordre: & l'ordre confifte en ce que l'égalité foit gardée, & que la force ne tienne pas lieu de loi; que ce qui eft à l'un, ne foit pas expofé à la violence d'un autre ; que les liens communs de la fociété ne foient pas rompus; que l'artifice & la fraude ne prévalent jamais fur l'innocence & la fimplicité; que tout foit en paix fous la protection des loix; & que le plus foible d'entre les citoiens foit mis en fûreté par l'autorité publique.

Il paroit par plufieurs endroits de l'hiftoire que les Rois de Perfe rendoient la justice par eux-mêmes. C'étoit pour les mettre en état de remplir dignement cette obligation, que dès leur jeuneffe on avoit foin de les inftruire dans la connoiffance des loix du pays, & que dans les écoles publiques, comme nous l'avons dit de Cyrus, on leur apprenoit la juftice de la même maniére qu'on enfeigne ailleurs la rhétorique & la philofophie.

Voila le devoir effentiel de la roiauté. Il est juste & abfolument néceffaire

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que le Prince foit aidé dans cette au-
gufte fonction, comme il l'eft dans les
autres mais être aidé, n'eft point
être dépouillé. Il demeure juge,
comme il demeure roi. Il communi-
que fon autorité, mais fans quitter
fa place, ni la partager. Il paroit done
absolument néceffaire qu'il donne
quelque tems à l'étude du droit pu-
blic, non pour entrer dans un grand
détail des loix, mais pour s'inftruire
des principales régles de la jurifpru
dence du pays, & pour
fe mettre en
état de rendre juftice,& d'opiner avec
lumiére fur des queftions importantes.
Les Rois de Perfe ne montoient point
fur le trône, fans s'être mis pendant
quelque tems fous la conduite des
Mages, pour apprendre d'eux cette
fcience, dont ils étoient feuls dépofi-
taires, auffi bien que de celle de la
religion.

Puifque c'eft au Prince feul que la
Juftice a été confiée, & qu'il n'y a
dans fes Etats aucun autre pouvoir de
la rendre que celui qu'il communi-
que, c'est donc à lui à examiner entre
les mains de qui il remet une partie de
ce précieux dépôt, pour connoître fi
ceux qu'il place fi près du trône méri,

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